Des chercheurs du CNRS ont découvert au Gabon des fossiles qui apporteraient la preuve de l’existence d’organismes multicellulaires il y a 2,1 milliards d’années. Jusqu’à aujourd’hui, les premières formes de vie complexe attestées remontaient à 600 millions d’années environ.
C’est au creux d’un site fossilifère situé à Franceville, au Gabon, que l’équipe du CNRS et de l’Université de Poitiers a trouvé ces échantillons en 2008. Il ne s’agissait au départ que d’étudier le « paléo-environnement » très particulier de cette région mais les chercheurs tombent sur de nombreux fossiles. Le coordinateur de l’équipe, le géologue Abderrazak El Albani les envoie dans un laboratoire pour un examen plus précis.
Quelques temps plus tard, en se fondant sur la composition et de la forme des fossiles, le labo lui donne une datation approximative de 600 millions d’années. 600 millions d’années, c’est le moment où les experts considèrent que les organismes multicellulaires sont apparus sur Terre, les unicellulaires, comme les bactéries, remontant à 3,5 milliards d’années. Mais cette fois quelque chose ne colle pas…
En effet, le site gabonais est très connu des géologues qui y ont procédé à de très nombreux carottages. La datation de l’environnement minéral des fossiles ne fait aucun doute : à savoir 2,1 milliards d’années. Comment une forme de vie âgée de 600 millions d’années peut-elle être emprisonnée dans un caillou de 2 milliards d’années ?
L’équipe d’Abderrazak El Albani retourne alors sur le site gabonais et collecte plus de 250 fossiles de 7 millimètres à 12 cm de longueur pour les examiner plus en détails. Un passage au microtomographe X (un scanner tridimensionnel à haute définition) permet d’apprécier la complexité du fossile. Il s’agit bien d’une forme de vie multicellulaire qui se trouve là, un milliard et demi d’années plus tôt que ne le présente le calendrier historique !
Plusieurs pistes s’offrent désormais aux chercheurs : approfondir l’histoire de ce bassin gabonais pour comprendre comment la vie a pu y apparaître, explorer ce site, mais surtout, le plus urgent sans doute, demander au gouvernement du Gabon de protéger cet endroit qui constitue visiblement une pépinière de l’humanité. Même si plusieurs experts reconnaissent que cette découverte « pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses », son ampleur lui vaut la couverture de la revue scientifique britannique Nature.
Des collègues dubitatifs…
« Interpréter réellement des anciens fossiles est une affaire particulièrement difficile », nuancent Philip Donoghue de l’Université de Bristol en Grande-Bretagne et Jonathan Antcliffe dans un commentaire publié dans Nature, promettant des « futures discussions entre paléontologues ». « Ces fossiles de quelques centimètres, que les auteurs interprètent comme représentant des organismes multicellulaires », seraient apparus alors que « l’atmosphère restait un mélange toxique (…) avec une teneur en oxygène correspondant à quelques centièmes des niveaux actuels », relèvent les deux experts. Sans mettre en doute la datation de ces spécimens, ils notent que la définition d’une vie pluricellulaire « peut tout inclure, des colonies de bactéries (unicellulaires, donc) aux blaireaux. »