La présence de compagnies de treize pays d’Afrique francophone, à l’occasion du défilé du 14-Juillet à Paris, ne fait pas l’unanimité
Les Amazones de l’armée béninoise, lors d’une répétition du défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées, à Paris, le 12 juillet (AFP/Boris Horvat).
Ils sont presque tous venus, les détachements militaires africains qui représentent les pays de l’ancien empire colonial français et doivent ouvrir, demain à Paris, le défilé du 14-Juillet sur les Champs-Élysées. Ils ont été invités par Nicolas Sarkozy à célébrer ainsi le cinquantième anniversaire de l’accession de chacune de leur nation à l’indépendance (1).
Lancée en début d’année par l’Élysée, l’invitation a été acceptée par la grande majorité des chefs d’État concernés, dont plusieurs seront dans la tribune présidentielle en dépit des critiques formulées par certains de leurs opposants et des associations de défense des droits de l’homme.
Sur les 14 États africains sollicités, 13 défileront demain. À savoir, selon l’ordre alphabétique qui sera scrupuleusement respecté : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo.
Au total, près d’un demi-millier de soldats – chaque pays en ayant dépêché 38 soit l’équivalent d’une compagnie – qui marcheront sous leur drapeau national. Le seul pays à ne pas défiler est la Côte d’Ivoire qui, en délicatesse depuis quelque temps avec la France, a seulement envoyé son ministre de la défense.
Devoir de mémoire
Le président de la République, dans son message d’invitation, avait souligné que c’était « le lien né de la contribution des troupes africaines à la défense et à la libération de la France » qui serait ainsi célébré. Pour preuve de ce devoir de mémoire, des anciens « tirailleurs » africains ayant participé à la Seconde Guerre mondiale ont aussi été conviés – deux par pays – à assister à la fête nationale française.
« Nous ressentons une grande fierté », assurent unanimement les chefs de ces détachements africains, qui sont arrivés la semaine dernière pour une répétition générale au camp de Satory, près de Versailles (Yvelines). En tête du défilé demain, la compagnie des « Amazones » du Bénin, intégralement féminines, devrait faire sensation. « La participation des femmes aux missions militaires est chez nous une tradition héritée du royaume d’Abomey », commente la colonelle Aminata Quenum.
À l’instar de ses collègues masculins, cette officière béninoise voit dans la participation de son unité au défilé du 14-Juillet non seulement « un hommage » aux sacrifices pour la France des anciens combattants de la « force noire », mais aussi « une reconnaissance » des armées africaines actuelles.
Des armées « en voie de professionnalisation »
« Il y a d’un côté le 14-Juillet, fête de la liberté, de la fraternité et de l’égalité et d’un autre un défilé où il va y avoir des troupes dirigées par des criminels », s’insurge de son côté l’association Sortir du colonialisme, qui a appelé à une manifestation de protestation aujourd’hui à Paris. L’Élysée a fait savoir que « tous les contrôles ont été effectués pour éviter que défilent des personnes qui font l’objet de poursuites » et a rappelé que le défilé du 14-Juillet est devenu « un moment privilégié d’ouverture sur le monde ».
De fait, au cours des dernières années, ont été invitées les armées de l’Inde (2009), de l’ONU (2008), de l’Union européenne (2007), du Brésil (2005), la première initiative en la matière remontant à 1994 avec la participation de soldats allemands dans le cadre d’une unité de l’Eurocorps.
Selon les officiers et diplomates français, les armées africaines sont en réalité « en voie de professionnalisation », grâce notamment à une coopération militaire en matière de formation. Et, dans les zones de tension en Afrique, les forces multinationales d’interposition intègrent désormais souvent des détachements africains.
Ainsi défilera à la tête de l’unité sénégalaise le commandant Souleymane Kandé, parachutiste de 39 ans qui s’est perfectionné lors de stages en France et compte à son actif des opérations de maintien de la paix en Centrafrique, Guinée-Bissau, Congo et Côte d’Ivoire. Un exemple parmi d’autres.
Antoine FOUCHET
(1) Également envisagé, le projet de visite du roi Abdallah d’Arabie saoudite à la fête du 14-Juillet n’a pas eu de suite