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Rufin, Kouchner et autres amusements

L’académicien Jean-Christophe Rufin, qui vient de retrouver sa liberté de parole en quittant son poste d’ambassadeur de France au Sénégal, paraît décidément bien candide. Dans un article paru dans Le Monde du 6 juillet[1], Rufin semble s’étonner que la politique française en Afrique ne dépende que de l’Elysée et non du Quai d’Orsay. Et que de plus elle ne répondrait qu’à des intérêts corporatistes ou privés, à l’inverse, croit-il, de ce qui se passait du temps où sévissait le couple De Gaulle-Foccart. Pour l’ex-diplomate, c’étaient principalement les intérêts de la France qui alors motivaient la politique franco-africaine post-indépendance. Et il en rajoute : Nommé par Sarkozy en 2007 au poste d’ambassadeur, il aurait cru, dit-il, aux boniments de ce dernier sur la fin des relations troubles entre la France et l’Afrique. J’espérais l’écrivain un peu plus dégourdi que le diplomate. Tant d’années pour prendre conscience de la sincérité des hommes politiques, il est fort le Rufin… A moins bien sûr, car cela est toujours possible, que cette prise de conscience ne soit que de la comédie.

Les deux accusations de Jean-Christophe Rufin sont étonnantes. D’une part, l’Elysée ne s’est jamais départi de sa tutelle dans les affaires africaines. Depuis De Gaulle justement, tous les présidents français en ont fait leur chasse gardée. Les parlementaires n’ont jamais eu leur mot à dire, pour autant qu’ils aient été mis au courant, sur des manœuvres de militaires, voire de barbouzards, en terre africaine. Sarkozy, tout entier dans ses ruptures, ne fait qu’utiliser un système et des réseaux bien utiles, mais n’a vraiment rien inventé, ni innové.

Pour ce qui est des réseaux de lobbying qui seraient soi-disant récents, Rufin montre-là une vision de l’histoire un peu datée. Les relations actuelles de l’Etat français avec ses homologues africains ne sont, malheureusement et à peu de choses près, que la continuation de celles qui ont motivé l’aventure coloniale. Les métropoles se sont lancées dans ces conquêtes ultra-marines d’abord pour soutenir des capitaines d’industries. La France n’a pas fait exception à cela. Les colonies sont nées de comptoir et non l’inverse. La prétendue grandeur de la métropole n’a souvent été qu’un prétexte pour justifier des politiques et des budgets d’Etat. Et pour ceux qui n’auraient pas compris, la semaine de villégiature du nouvel élu Sarkozy en 2007 sur le yacht de Vincent Bolloré rappelait, mais rappelait simplement, les règles du jeu. Et bien entendu Bolloré aurait bientôt ses retours d’ascenseurs, au Togo ou au Cameroun par exemple.

L’intervention de Rufin, même si elle ne nous apprend rien, nous rappelle que cette foutue Françafrique est immortelle. Le soutien de la France à des despotes africains n’est pas une erreur, une mauvaise appréciation de la réalité ou un racisme cynique. C’est simplement le plus court chemin pour engranger de bonnes affaires. Vous faites l’étonné Monsieur Rufin ?

Finissons par la pièce de choix : Bernard Kouchner. Ce personnage ne cesse de m’éblouir par son endurance à défendre l’indéfendable. Le premier acteur, si ce n’est le créateur, de cette ingérence humanitaire qui se plait à mélanger l’humanitaire, la politique, les médias, voir les armes si nécessaire, n’en est pourtant pas à son coup d’essai. Dans les marécages du Biafra, sur les plages de Mogadiscio ou au milieu des collines rwandaises, cet homme transpire et bizarrement personne ne l’ignore. Le résultat de tant d’agitations n’est pourtant pas vraiment glorieux. Mais gare à celui qui mettrait en doute son honnêteté : Même ses missions d’audit auprès de dictatures (Birmanie, Gabon) n’ont rien de répréhensibles. Il l’a assuré récemment « Ce n’est que de la calomnie ». Et pourtant malgré (ou à cause de ?) toutes ces ambiguïtés, Bernard Kouchner est l’une des personnalités les plus appréciées des français.

Un autre ministre du gouvernement, bien bousculé actuellement, Eric Woerth, doit le jalouser. Christine Ockrent, « Madame » Kouchner dans le privé, est depuis février 2008, directrice générale de l’AEF (Audiovisuel Extérieur de la France). Les conflits d’intérêt avec les responsabilités de son compagnon et actuel ministre des affaires étrangères françaises, ne choquent pas grand monde.

Interviewé par une journaliste de RFI, à propos des accusations de Rufin , mais pas seulement, et agacé par une question sur cette résistance apparente de la Françafrique, Kouchner ne s’est pas démonté : « Moi, madame, je ne sais pas ce qu’est la Françafrique, je connais l’Afrique-France pas plus… et je ne voudrais pas être prétentieux, mais je citerais par exemple ce que la France a fait au Soudan et précisément au Darfour, et aussi ce que nous avons fait au Tchad, oui Madame au Tchad « … Au Darfour, je ne vois pas vraiment ce qu’a fait la France, par contre le soutien de la France à Idriss Déby, je vois très bien, et si aider un dictateur sanguinaire à garder son trône est une source de fierté pour lui, je commence à mieux comprendre pourquoi ce cynique personnage fait de la politique et a raccroché son stéthoscope.

SylvainD.

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