Nicolas Sarkozy a annoncé mardi 13 juillet qu’un projet de loi alignant les pensions des anciens combattants africains sur celles de leurs frères d’armes français serait déposé devant le Parlement dès la rentrée
C’est normal que nos pensions soient alignées sur celles des Français. Cela fait si longtemps que nous attendons cette décision », souffle Saada, 84 ans, un ancien combattant marocain résidant à Bordeaux. J’ai fait 39-45, la guerre d’Indochine, d’Algérie et malgré tout, l’État français ne me donnait que 75€ mensuels de pension militaire. Comment voulez vivre avec une telle somme en étant loin de ma famille ? » s’indigne cet ancien sergent.
Depuis quelques mois, grâce à une action en justice menée avec l’aide de la Commission décristallisation de Bordeaux et de l’Institut de défense des étrangers (IDE), Saada touche, comme soixante autres anciens combattants maghrébins de la région, une pension de retraite de 800€, identique à celle d’un Français de grade égal. Une revalorisation qui bénéficiera dorénavant à 30 000 « indigènes ».
« On peut enfin dépenser un peu comme les autres. Avant, je ne pouvais pas rentrer au Maroc, sans argent, devant les enfants », confie Haddachi, un autre ancien combattant. Prochainement, les pensions des anciens combattants d’Afrique devraient être automatiquement alignées sur celles des Français a promis Nicolas Sarkozy mardi 13 juillet, lors d’un déjeuner de travail à l’Élysée en présence des représentants de treize États africains.
Depuis cinquante ans, ce dossier n’avait guère avancé
Un projet de loi sera déposé en ce sens en septembre. « Il est des dettes qui ne s’éteignent jamais. C’est le cas de celle que la France a contractée envers vos pays, où commença à briller, voici soixante-dix ans, la flamme de la France libre et dont les fils ont versé leur sang pour libérer la France », a déclaré le chef de l’État.
« C’est une belle victoire pour l’honneur de notre pays et pour tous ces anciens combattants, la fin d’une injustice qui déshonorait la France depuis cinquante ans », avance Alain Rousset, le président PS de la région Aquitaine, également député et auteur d’une proposition de loi plaidant pour la « décristallisation ». « Près d’un million de soldats d’Afrique ont participé aux deux guerres mondiales sous notre drapeau », rappelle-t-il. « C’est une décision historique », souligne pour sa part Naïma Charaï, conseillère régionale d’Aquitaine, présidente de l’association Les oubliés de la République.
Depuis cinquante ans, ce dossier n’avait guère avancé. « La France a décolonisé de manière hypocrite en disant ‘‘d’accord, vous aurez l’indépendance, mais ne nous demandez pas autre chose’’», poursuit Alain Rousset. Pour mémoire, en pleine « vague d’indépendances », le 26 décembre 1959, le général De Gaulle avait demandé au Parlement d’adopter la loi de finances pour 1960, qui cristallisa les pensions des anciens combattants issus des ex-colonies.
Une différence de pension «contraire au principe d’égalité»
Le film Indigènes , de Rachid Bouchareb en 2006, qui avait suscité l’émotion de l’opinion publique, a été un déclencheur. Le président de l’époque, Jacques Chirac, avait alors « exhumé » le dossier et ouvert la voie à une « décristallisation ». Les retraites du combattant et les pensions d’invalidité avaient été revalorisées, mais pas la plus importante, la pension militaire de retraite. « Le gouvernement est contraint d’agir aujourd’hui, compte tenu des dernières décisions de justice », estime Me Houssam Othman-Farah, avocat à l’IDE de Bordeaux.
En effet, le 28 mai dernier, le Conseil constitutionnel a censuré trois articles de loi déjà en vigueur, qui établissaient la différence de pension entre les anciens combattants français et ceux issus d’anciens pays ou territoires administrés par la France, au motif qu’ils étaient « contraires au principe d’égalité ». Cette décision du Conseil devait entrer en vigueur au 1er janvier 2011.
Par ailleurs, le 15 octobre 2008, le tribunal administratif de Bordeaux avait donné raison à six anciens combattants marocains qui demandaient la revalorisation de leurs pensions militaires de retraite à parité avec celles des soldats français. En novembre 2006 déjà, l’Assemblée nationale avait entériné à l’unanimité la revalorisation des pensions des anciens combattants des ex-colonies.
Cette revalorisation coûtera 152 millions d’euros
L’aspect financier a aussi freiné l’alignement de ces pensions. Selon une étude de la Cour des comptes réalisée en février, cette revalorisation coûtera 152 millions d’euros à l’État français. 94 millions d’euros, notamment, iront aux anciens combattants maghrébins.
Toutefois, des questions demeurent. « Faudra-t-il que ces anciens combattants viennent en France pour toucher leurs pensions ? », se demande Alain Rousset. Aujourd’hui, pour bénéficier du minimum vieillesse, il faut vivre six mois par an en France. L’élu espère que les conditions de versement des pensions seront plus souples.