A la faveur de sa première visite au Gabon, le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki Moon, avait prononcé le 1er juillet 2010 à Libreville, devant l’assemblée nationale lors d’une session spéciale, une allocution dont voici l’intégralité.
TEXTE INTEGRAL
« ALLOCUTION PRONONCÉE DEVANT L’ASSEMBLÉE NATIONALE GABONAISE
Libreville, le 1er juillet 2010
Monsieur le Président d’Assemblée Nationale,
Madame la Présidente du Sénat,
Honorables parlementaires,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Bon après-midi. Merci de votre accueil chaleureux. Quel plaisir pour moi de me trouver dans votre beau pays, le Gabon…
Comme nous le disons, le Gabon émergeant!
J’ai gardé de très bons souvenirs de mon premier passage à Libreville, il y a 15 ans.
Je voyage beaucoup pour mon travail. Partout, je mets un point d’honneur à me rendre au Parlement et à rencontrer les législateurs.
Les parlements font les lois. Ils sont la voix du peuple, et l’expression de la diversité du pays – et votre pays brille par sa diversité.
En tant que parlementaires, vous êtes le lien entre le niveau local et le niveau national, entre le niveau national et le niveau mondial.
C’est un honneur pour moi de vous rencontrer, et je vous remercie d’avoir convoqué cette session spéciale.
Cela témoigne de votre engagement à aller de l’avant avec les Nations Unies.
Merci de votre engagement.
Excellences,
J’ai fait trois déplacements en Afrique ces six dernières semaines:
D’abord au Malawi, en Ouganda et au Burundi. Ensuite au Cameroun, en Afrique du Sud, au Bénin et en Sierra Leone.
Enfin, hier en République démocratique du Congo, et aujourd’hui dans votre beau Gabon.
Je me suis rendu trois fois en peu de temps dans votre continent magnifique et dynamique, pour une seule bonne raison: parce que je voulais voir par moi-même les immenses progrès que vous faites… que toute l’Afrique est en train de faire.
Nous préparons en ce moment le Sommet des objectifs du Millénaire pour le développement, qui doit se tenir en septembre à New York.
C’est aussi pour cela que je me trouve parmi vous. Je voulais vous rencontrer, prendre la mesure de vos attentes et trouver la meilleure façon dont nous pouvons coopérer.
Pourtant… il y a une autre raison pour laquelle je suis avec vous à ce moment précis: pour partager avec vous l’expérience de la coupe du monde de football, qui se tient ici, en Afrique, pour la première fois!
Je ne suis pas un expert en football, mais je sais qui va gagner la coupe du monde.
C’est le peuple africain.
Ce moment vous appartient.
Votre continent prend la place qui doit être la sienne, au cœur du sport mondial.
C’est aussi vrai pour la culture… pour la diplomatie… pour le développement économique.
Ceci est l’heure de l’Afrique.
Beaucoup l’affirment, il est temps de considérer l’Afrique subsaharienne comme l’une des plus grandes économies émergentes du monde.
Comme les « tigres » économiques de l’Asie autrefois, les « fauves » de l’Afrique se mettent en marche.
Depuis 2000, l’Afrique subsaharienne a connu une croissance plus rapide que celles du Brésil et de l’Inde.
De 2000 à 2008, les pays d’Afrique ont enregistré un taux de croissance deux fois plus élevé que dans les deux décennies précédents.
Et l’an dernier, malgré une terrible récession mondiale, l’Afrique a été une des deux seules régions du monde à enregistrer une croissance économique positive. L’autre région, bien entendu, c’était l’Asie.
Entre-temps, l’inflation est tombée presque partout en Afrique. Un nouveau secteur privé est en train de naître. Nous observons une nouvelle stabilité politique.
C’est un grand changement, et je n’aurai aucune peine à le résumer comme suit:
L’Afrique n’a pas besoin de charité. L’Afrique a besoin d’investissements et de partenariats.
La semaine dernière, j’ai rencontré un millier de grands chefs d’entreprises à New York, lors du dixième anniversaire du Pacte mondial des Nations Unies.
C’était le plus grand événement au monde consacré à la responsabilité des entreprises.
Je leur ai dit:
Nous entrons dans une nouvelle ère. Le moment est venu pour les investisseurs mondiaux de réfléchir en des termes nouveaux et de se demander comment et où investir.
Je l’ai dit, le moment est venu d’investir en Afrique.
Et l’Afrique est prête à parler affaires.
Honorables parlementaires,
Cette année, le Gabon et de nombreux autres pays d’Afrique célèbrent le cinquantième anniversaire de l’indépendance… 50 ans comme membres dynamiques de l’Organisation des Nations Unies.
Votre contribution la plus importante a été votre engagement au service de la paix, qui est le principe fondateur des Nations Unies. La paix et la stabilité sont les biens les plus précieux des nations.
Le Gabon connaît une stabilité exceptionnelle.
Votre diversité ethnique n’a jamais été source de tension, ou de guerre.
Fort de cette paix, le Gabon prend la tête du dialogue et de la réconciliation dans la région. À preuve: le rôle important que vous jouez en République centrafricaine.
Avec la mort du Président El Hadj Omar Bongo Ondimba, nous avons perdu un homme engagé pour la paix.
Il était un champion de la paix et du règlement non violent des conflits… au Tchad, en République démocratique du Congo, au Congo, en Angola, au Burundi et en Côte d’Ivoire.
Nous avons en Corée une voiture qui s’appelle « Bongo ».
Votre nouveau Président, Ali Bongo Ondimba, suit le chemin qu’il a tracé.
Je tiens à saluer tout particulièrement la décision prise par le Gabon et la Guinée équatoriale de privilégier un règlement judiciaire de leur différend frontalier.
Aujourd’hui, le Gabon est un des membres du Conseil de sécurité de l’ONU. C’est un mandat qu’il assume pour la troisième fois. Un vrai record qui atteste de la force de ses valeurs et de son exemple.
Vous avez déjà su mettre à profit la tribune de la présidence du Conseil pour mettre en lumière les graves conséquences du trafic d’armes en Afrique centrale.
Je vous remercie de cette importante contribution.
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais vous parler maintenant des objectifs du Millénaire pour le développement, notre campagne pour réduire la pauvreté et améliorer les perspectives de santé et d’éducation de millions de personnes, parmi les plus pauvres du monde.
Vous avez fait des progrès impressionnants. Le Gabon est en train de montrer au monde que les objectifs du Millénaire pour le développement sont à notre portée.
La mortalité infantile a diminué durant les 20 dernières années. Vous avez fait des progrès dans le domaine de la santé maternelle. Les taux de scolarisation gabonais font l’envie de plusieurs pays.
Certains qualifieront peut-être ceci de miracle. Pourtant, il n’y a rien de miraculeux.
C’est tout simplement le résultat d’une bonne politique menée avec détermination. J’y vois l’illustration d’une vérité simple, mais importante:
Le succès couronne l’effort.
Sans efforts, nous courons à l’échec.
Tel fut mon message au Sommet du G-20 qui s’est tenu au Canada. Je le redirai au Sommet des objectifs du Millénaire pour le développement, qui se tiendra en septembre à New York.
Ce message est clair :
L’Afrique peut réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement.
Le potentiel de l’Afrique est sans limite, car elle dispose de vastes ressources matérielles et humaines.
Elle compte 1 milliard d’hommes et de femmes, dont la moitié n’a pas 30 ans.
Ils ont besoin des outils qui leur permettront de créer des emplois et des revenus.
Les pays développés doivent tenir leurs engagements et doubler leur aide à l’Afrique… une promesse qu’ils ont faite à plusieurs reprises aux Sommets du G-8 et du G-20, ainsi qu’aux Nations Unies.
Nous devons également nous ouvrir davantage au libre-échange.
Comme le Président Bongo Ondimba le dit, le Gabon est ouvert aux investissements étrangers… Et de lourdes taxes à l’importation ne doivent pas exclure ses produits des marchés.
Les agriculteurs africains ne devraient pas subir la concurrence de subventions agricoles injustes.
Avec le concours des partenaires au développement, les gouvernements africains doivent pouvoir augmenter les investissements dans l’agriculture, l’eau, l’enseignement, la santé et les infrastructures.
La santé maternelle est l’objectif qui connait le moins de progrès.
Mais faire des progrès en santé maternelle nous permettra de réaliser tous les objectifs du Millénaire pour le développement.
Des mères en bonne santé élèvent des enfants en bonne santé. Ceux-ci à leur tour contribuent à l’avènement de sociétés en bonne santé. De telles sociétés sont source de prospérité et de paix.
Au Sommet de septembre, je lancerai un appel aux gouvernements, à la société civile, aux organisations internationales et aux entreprises.
Je leur demanderai de mettre au point un plan d’action global et coordonné visant à accélérer le progrès en matière d’OMD, un plan d’action qui devra être assorti de mesures concrètes et d’un échéancier.
Pour réaliser nos objectifs d’ici à 2015, il nous faut moins parler… et agir davantage.
Aujourd’hui, je demande à la communauté internationale… et à toute l’Afrique… de marquer des buts.
Marquer des buts pour les objectifs du Millénaire pour le développement, tout comme l’on marque des buts à la coupe du monde.
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
En conclusion, j’aimerais vous féliciter.
Avec la transition pacifique réalisée l’an dernier et la tenue récente des élections, vous êtes en train de consolider votre jeune démocratie.
Je suis convaincu que vous donnerez une nouvelle impulsion à cet élan à l’approche des élections législatives de l’an prochain. Comme vous en avez donné la preuve, des élections ouvertes à tous, libres, honnêtes et transparentes jouent un rôle clef dans le maintien de la paix et de la stabilité.
L’Afrique a vu trop de fraudes électorales… trop de changements de gouvernement inconstitutionnels… trop de manipulations de la loi destinées à préserver les privilèges des gens au pouvoir.
La démocratie se base sur les élections, mais aussi sur la bonne gouvernance et le respect de la légalité.
Votre gouvernement a réalisé des progrès en faveur de l’élimination de la corruption et de la mauvaise gestion.
Je vous exhorte à aller de l’avant sur la voie de la réforme et du développement social.
C’est la seule manière d’améliorer le niveau de vie… d’assurer une meilleure répartition de votre grande richesse nationale… et de gagner la confiance durable et le respect de votre peuple.
Le Gabon a un potentiel énorme. Le moment est venu de le faire fructifier.
Le moment est venu de procéder à une modernisation.
D’adopter les technologies nouvelles et de construire une économie pour le XXIe siècle.
D’ouvrir des perspectives aux jeunes générations… d’investir dans votre plus grande ressource naturelle, les jeunes.
Cinquante ans après son accession à l’indépendance, le Gabon doit brandir le flambeau de l’espoir pour toute l’Afrique… il doit être l’artisan d’une Afrique nouvelle.
L’Organisation des Nations Unies reste votre fidèle partenaire.
Sur la route de la paix et de la prospérité… du développement humain… de la promotion et du respect des droits de l’homme … pour la protection de vos ressources immenses et de la beauté de votre pays.
Au peuple gabonais, je dis ceci: nous sommes avec vous, tout au long de la route.
Merci beaucoup. »
Source: Gabonews, 15 juillet 2010