Assurer le suivi des forêts, étudier leur évolution sont des enjeux stratégiques dans la lutte contre les changements climatiques. La déforestation est à l’origine de 18 % environ des émissions mondiales de CO2.
Dans ce contexte, l’accord qui lie, depuis le 1er juillet, les instituts de recherche pour le développement français (IRD), de recherche spatiale brésilien (INPE) et l’Agence gabonaise d’études et d’observation spatiale (Ageos) est inédit. « Exemplaire, assure Michel Laurent, président de l’IRD, car nous nous associons avec des puissances émergentes pour échanger nos connaissances issues de technologies de pointe. »
Cet accord tripartite permettra de surveiller les forêts tropicales du bassin du Congo, le deuxième plus grand massif forestier tropical après l’Amazonie. Ou un éventuel accident pétrolier sur une plate-forme du golfe de Guinée. Dès 2012, une antenne installée à Libreville pour capter les données satellites commencera à fonctionner, assurant une observation sur un rayon de 2 600 kilomètres. Le Mali et le Niger pourront en profiter, d’autres pays aussi, s’ils le souhaitent. Le coût du projet s’élève à 12 millions d’euros.
« C’est une façon de lutter contre la « fracture spatiale » qui prive les pays du Sud des technologies indispensables aux scientifiques », estime Laurent Durieux, de l’IRD au Brésil. Selon ce chercheur, un état des lieux établi grâce au système de télédétection est un préalable indispensable aux politiques de protection des forêts.
L’IRD étudie la forêt amazonienne depuis la Guyane et a développé une technologie permettant de lire des images, en dépit de la couverture nuageuse caractéristique des zones équatoriales humides.
Les Brésiliens ont une longue expérience à partager : depuis vingt ans, ils assurent la surveillance quotidienne de l’Amazonie, qui représente 40 % de la forêt tropicale mondiale. Le satellite sino-brésilien CBERS fournit, gratuitement, des images de la Terre, et l’INPE a créé des techniques d’analyse de ces images qu’il est prêt à partager avec les scientifiques gabonais ou d’autres pays tropicaux, africains, asiatiques et sud-américains.
« Pour la première fois, le Brésil va partager sa technologie spatiale dans le cadre de la coopération Sud-Sud, et nous voulons offrir une totale autonomie à nos partenaires », précise Claudio Almeida, de l’INPE. Ce chercheur dirige le nouveau centre de surveillance de Belem (Etat du Para), où seront formés les futurs techniciens du Gabon.
Présent à la signature de l’accord, le conseiller en environnement du président Bongo s’est félicité de cette coopération triangulaire : « Même un petit pays d’Afrique centrale peut participer au suivi des forêts et aider ses voisins », s’est réjoui Etienne Massard, qui préside la toute nouvelle Ageos. Il vient de faire entrer son pays dans le Groupe d’observation de la terre (GEO) et voudrait créer, au Gabon, un pôle d’excellence spatiale.
Les forêts amazonienne et gabonaise ont le même écosystème, un héritage du supercontinent fracturé au jurassique, le Gondwana. Mais elles ne souffrent pas des mêmes maux : celle du Brésil est menacée par la pression des agriculteurs qui abattent les arbres pour planter du soja ou élever leur cheptel, alors que celle du Gabon souffre davantage d’une exploitation forestière plus ou moins bien contrôlée. Les images satellite pourront le vérifier.
Pour le directeur de l’INPE, Gilberto Câmara, l’enjeu de cet accord tripartite est à long terme : « Le Brésil a l’ambition de devenir le premier pays tropical développé, mais peut-il le faire en respectant son environnement ? » Les moyens de surveillance déployés doivent aider à relever ce défi, et le Brésil souhaite que d’autres pays puissent disposer des mêmes outils pour maîtriser l’utilisation de leurs ressources naturelles.