La découverte fait la une de la revue scientifique internationale Nature : le parasite plasmodium falciparum qui cause le paludisme chez l’homme nous vient… du gorille. C’est une équipe internationale à laquelle participent des scientifiques de l’Université de Montpellier-1 et de l’Institut de recherche pour le développement qui a réalisé cette découverte. Elle contredit des travaux antérieurs qui avaient conclu à une origine plutôt chez le chimpanzé et le bonobo (le bonobo est une sorte de chimpanzé gentil et accro au sexe). (photo: la couverture de Nature qui change cette semaine sa maquette)
Le paludisme est un fléau majeur, il affecte 250 à 500 millions de personnes chaque année. Il tue plus d’un million de personnes par an, la plupart de jeunes enfants en Afrique. Cette maladie parasitaire est transmise à l’homme par les moustiques du genre Anopheles, qui transmettent par leur piqûre les parasites, dont le plus virulent est Plasmodium falciparum. C’est pourquoi la meilleure parade contre cette maladie est de se protéger des moustiques, comme le montrent les excellents résultats des programmes de distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide en Asie et en Afrique. Lors d’un reportage récent au Sénégal, j’ai pu vérifier cette efficacité dans la région du Ferlo, (lire ici ce reportage).
La découverte relatée dans Nature a été permise par la détection de Plasmodium falciparum chez le plus grand des primates, le gorille. L’équipe internationale (France, USA, Gabon, Camerou, Royaume-Uni) a dont mené une enquête de terrain (recueil de fèce de gorilles en foret) et un travail de biologie moléculaire en laboratoire.
D’après leur étude, les gorilles constituent le réservoir animal du virulent parasite. Les chercheurs ont analysé plus de 2 700 échantillons fécaux de chimpanzés et gorilles sauvages, collectés sur 57 sites à travers l’Afrique centrale. Cette méthode non invasive, développée il y a dix ans par des équipes de l’IRD et leurs partenaires de l’Université d’Alabama, a permis de réunir du matériel génétique sans aucune interaction susceptible de perturber cette espèce protégée.
Les résultats des analyses fécales sont inattendus : l’infection à Plasmodium est très répandue chez les gorilles de l’Ouest, avec plus de la moitié des individus infectés dans certaines communautés. Ces résultats ne disent pas si le parasite leur provoque une maladie, telle que le paludisme, mais ces singes porteurs pourraient constituer des foyers de contamination humaine. «Toutefois, jusqu’à présent, nos analyses moléculaires suggèrent que les souches qui ont diffusé de façon épidémique chez l’homme ne sont la résultante que d’un seul événement de transmission gorille-homme dans le passé», souligne Martine Peeters, directrice de recherche à l’IRD (au laboratoire mixte IRD/Université de Montpellier-1), qui a dirigé l’équipe d’échantillonnage (ici un article du magazine de l’IRD sur le recueil des échantillons) .
Les chercheurs viennent de montrer la concordance génétique quasiment parfaite (image ci dessus, cliquer pour agrandir) entre les parasites décelés chez le gorille et ceux qui infectent les hommes. «Cette méthode de haute précision nous a permis de retracer phylogénétiquement l’origine du parasite. Nous avons ainsi prouvé que ce sont les gorilles qui ont contaminé les humains, et non l’inverse comme d’autres travaux l’avaient tout d’abord suspecté», affirme Eric Delaporte, (IRD/Montpellier-1) et co-auteur de cet article dans un communiqué de l’IRD et de l’Université de Montpellier-1. Cette découverte contredit l’idée d’une évolution séparée des parasites chez l’homme et les grands singes depuis leur dernier ancêtre commun, il y a 5 ou 7 millions d’années, la thèse qui avait été longtemps en vigueur.
Cette étude contredit aussi une publication de 2009 parue dans PNAS qui proposait une origine du paludisme chez les chimpanzés (pan troglodytes). Comme les contacts hommes/singes sont de plus en plus fréquents en Afrique centrale, en raison de la déforestation et des mouvements de population, l’existence d’un réservoir de Plasmodium chez le gorille pourrait rendre plus difficile l’éradication du paludisme.