Alexandre Vilgrain, le président du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian) et PDG du groupe Somdiaa, évoque avec Jeune Afrique, les mesures économiques introduites par le nouveau président gabonais pour favoriser l’émergence.
JEUNE AFRIQUE : Avez-vous été surpris par la rapidité des mesures économiques prises depuis l’arrivée au pouvoir d’Ali Bongo Ondimba et par ce « nationalisme gabonais » ?
ALEXANDRE VILGRAIN : Non. Après avoir été élu, un président dispose de cent jours pour engager les réformes. C’est valable partout à travers le monde. Le président gabonais a donc bien fait d’avancer rapidement. Par ailleurs, à partir du moment où le nationalisme consiste à créer de la valeur ajoutée sur place, les entreprises ne peuvent être que d’accord.
Les Français sont très présents dans deux secteurs – le bois (Rougier) et le pétrole (Total) – directement impactés par ces mesures… Est-ce une inquiétude pour le président du Cian ?
Regardons les choses telles qu’elles sont. Je ne suis pas un spécialiste des questions pétrolières, mais il me semble normal qu’un pays veuille mieux contrôler son activité pétrolière. À propos du bois, il faut remettre les choses dans leur contexte. L’interdiction d’exporter les grumes avait été décidée avant l’élection d’Ali Bongo Ondimba, et la date du 1er janvier 2010 était connue. L’État est souverain, aux opérateurs économiques de s’adapter. Jusqu’à présent, les grumes partaient directement en Chine. Il est quand même préférable que la valeur ajoutée reste au Gabon.
Ces mesures reposent en substance sur une idée entendue durant la campagne électorale : remettre les Gabonais au travail et reprendre les manettes. Ce n’était pas le cas auparavant ?
C’était en effet un slogan de campagne, mais, fondamentalement, il s’agit de redonner du travail aux Gabonais et de passer du sous-développement à l’émergence. C’est difficile mais pas impossible. L’Asie l’a fait. Cette émergence implique une stratégie claire et obstinée face aux intérêts qui profitaient de la rente et une appropriation de l’économie par les Gabonais. Tout cela est légitime. Si c’est cela le nationalisme, je suis pour.