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Gabon : Paul Biyoghé Mba, Premier ministre aux réels pouvoirs

Grand bénéficiaire de la nouvelle architecture de l’exécutif, le chef du gouvernement, Paul Biyoghé Mba, a obtenu plus de pouvoirs que n’en ont jamais eu ses prédécesseurs en quarante ans.

Chef du gouvernement depuis le 17 juillet 2009, Paul Biyoghé Mba ne regrette rien. En dépit « d’une charge de travail très importante », selon l’expression de l’un de ses conseillers, il a même l’air très heureux de son sort. Rentré la veille au soir de Franceville, il s’apprête à reprendre un vol commercial ce dimanche-là dans la soirée pour filer à l’exposition universelle de Shanghai.

En attendant, pour le rencontrer, il faut parcourir la vingtaine de kilomètres qui séparent Libreville de son repaire d’Ikoy Tsini (province de l’Estuaire). Sous un abri au toit de paille, une cinquantaine de personnes attendent d’être reçues par le Premier ministre, qui est aussi le député de la localité depuis vingt ans. Une liste circule pour établir un ordre de passage dans la pièce principale de la vieille baraque, « la maison de mon père, décédé il y a deux décennies », expliquera-t-il. Parmi les visiteurs, des chômeurs en quête d’emploi, des indigents sollicitant une aide, des militants du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir)… « Il recevra tout le monde », garantit un familier.

La veille, le fils de son frère aîné, Joseph-Marie Nguéma Mba, a obtenu son baccalauréat. « J’ai fait la fête », sourit Biyoghé Mba. Rien que de très normal ? Pas forcément. Car dans un pays où l’on vote selon les consignes du conseil de famille, Joseph-Marie est, lui, encarté au Rassemblement pour le Gabon (RPG) de Paul Mba Abessole, qui a roulé pour André Mba Obame lors de la dernière présidentielle. « Heureusement, mes neveux ont tous voté pour Ali Bongo Ondimba », sourit le chef du gouvernement.

Pourtant, en acceptant, le 17 juillet 2009, un mois et demi avant la présidentielle, d’occuper le poste laissé vacant par le Premier ministre démissionnaire, Jean Eyéghé Ndong, Biyoghé Mba avait pris un risque considérable. « Je m’attendais à un véritable enfer. » Certes, quand on est, comme lui, membre du gouvernement et issu de l’ethnie fang de la province de l’Estuaire, on est mentalement programmé pour exercer cette fonction, comme le veut la « géopolitique » en vigueur. Et, en d’autres temps, cet éternel second de 57 ans aurait mieux savouré cette « consécration » dans sa longue carrière de haut fonctionnaire sans histoire.

Loin de tout repos

Seulement voilà : sous le ciel gris et orageux de juillet 2009, le Gabon portait encore le deuil d’Omar Bongo Ondimba, le président inhumé un mois plus tôt, et était alors pris dans la tourmente d’une succession à l’issue incertaine. Les démons de l’ethnisme ont resurgi, émaillant les mœurs politiques. Le pays bruissait des slogans haineux que s’échangeaient partisans du changement et tenants de la continuité.

L’équation n’était donc pas simple pour le nouveau chef du gouvernement, pris entre les feux croisés des extrémistes du « tout sauf les Fangs », qui ne voulaient pas qu’un ressortissant du groupe ethnique le plus important en nombre arrive au pouvoir, et ceux des ultras du « tout sauf Ali », qui entendaient contrer toute éventuelle « perpétuation du système Bongo ». Peu de candidats se bousculaient pour piloter le gouvernement de transition.

Pressenti pour la primature, Théophile Mba Andeme, alors ministre délégué à l’Enseignement supérieur et petit-fils de Léon Mba, avait décliné l’offre. Biyoghé Mba l’a acceptée.

Après avoir été le Premier ministre de la présidente par intérim, Rose Francine Rogombé, il est maintenu par Ali Bongo Ondimba, élu à l’issue de la présidentielle du 30 août 2009. « J’ai fait sa connaissance il y a vingt-six ans, au palais de la présidence », raconte-t-il. Biyoghé Mba officiait alors comme conseiller commercial du chef de l’État tandis que le jeune fils de ce dernier était haut représentant du président de la République.

Désormais tous deux à la barre et engagés dans le maelström de « l’Émergence » – en tant que changement de régime, rupture avec les méthodes du passé et accélération du développement du pays –, les deux hommes sont condamnés à réussir ensemble.

« Un léger purgatoire »

Grand bénéficiaire de la nouvelle architecture de l’exécutif, Paul Biyoghé Mba a obtenu plus de pouvoirs que n’en a jamais eu un chef du gouvernement ces quarante dernières années. Ali Bongo Ondimba l’a laissé constituer une équipe, au sein de laquelle on retrouve plusieurs de ses proches, à l’instar, notamment, des ministres des Mines, Julien Nkoghé Békalé, et de la Santé, Alphonsine Mbié N’na. Les nominations au sein des directions générales de l’administration portent également son empreinte : le directeur des Mines, Séverin Emane Mba, ou celui du Budget, Léon Ndong Nteme, font partie de ses proches.

« Le Gabon va bien et, bientôt, les fruits de nos réformes vont faire taire les critiques », assure le Premier ministre. S’il redoutait l’enfer, cet optimiste qui aime manier la métaphore biblique se réjouit de n’avoir eu droit qu’à « un léger purgatoire ». Il assume sereinement la journée continue, l’interdiction d’exporter les grumes, et tous les autres changements critiqués par l’opposition et même par quelques voix au sein du PDG. « Je ne recherche pas l’unanimité », dit-il, déplorant que les attaques de l’opposition s’attardent sur les « détails » et ne tiennent pas compte de « l’action globale ».

Le fusible idéal ?

Pourtant, il le reconnaît, l’opposition est constituée d’hommes de qualité. Il n’y a pas si longtemps, sous Omar Bongo Ondimba, il côtoyait en Conseil des ministres Casimir Oyé Mba, André Mba Obame, Paulette Missambo et même Zacharie Myboto, les désormais leaders de l’Union nationale (UN). Il les voit encore à la messe, à la cathédrale Sainte-Marie de Libreville, où tous vont communier le dimanche. « Je les connais bien. Je peux donc les combattre plus facilement », assure cet amateur d’arts martiaux. Il en est de même de son vieil ami, Louis Gaston Mayila, ancien vice-Premier ministre, qui a fondé le parti de l’Alliance pour le changement et la restauration (ACR), proche de Pierre Mamboundou.

S’il assume crânement son statut de fusible idéal du président, Biyoghé Mba prend soin de protéger ses arrières en travaillant son assise politique. Ce stratège qui démissionna du parti au pouvoir en 1994 pour fonder le Mouvement commun de développement (MCD), avant de réintégrer le PDG en position de force en 2002, n’est pas accepté par tous au sein de l’entourage présidentiel, certains le soupçonnant de rouler pour son propre compte. Seulement, Ali Bongo Ondimba ne peut pas s’en débarrasser sans conséquences. Et il ne semble pas le vouloir ni même y penser. D’ailleurs, a-t-il meilleur candidat pour le rôle ?

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