Attendu depuis 2007, l’observatoire médical de Mounana (OSM) a débuté ses prestations le 4 octobre dernier, près de deux semaines avant la tenue, à Libreville, de l’assemblée générale constitutive portant création de cette structure chargée du suivi médical des anciens employés de la COMUF, filiale du groupe nucléaire français AREVA.
Les consultations médicales (prise de sang et radio pulmonaire) concernent quelque 1056 anciens employés de la Compagnie minière de l’Ogooué (COMUF), qui a exploité l’uranium pendant près de quatre décennies à Mounana, petite localité de la province du Haut-Ogooué, dans le sud-est du Gabon.
L’opération se poursuivra jusqu’en 2011, ont indiqué les responsables de la COMUF, précisant qu’elle ne se limitera pas à la région de Mounana mais s’étendra à tout le pays où résident des anciens miniers.
Faute de réserves économiquement rentables, l’exploitation de l’uranium a pris fin en juin 1999 sur le site de Mounana, à 500 km au sud-est de Libreville. Certains anciens agents s’estiment infectés à la suite de leur exposition à l’uranium pendant qu’ils étaient en fonction.
Sous la pression de ces anciens employés, des ONG, dont Sherpa, et de l’Etat gabonais, la COMUF a été contrainte de mettre sur pied en 2007, un Observatoire de la santé, qui n’a débuté ses prestations que le 4 octobre dernier.
Ancienne ouvrière de la main d’œuvre non permanente et fille d’ancien minier, Eliane Mvoula estime que l’observatoire est arrivé trop tard. ‘’C’est le médecin après la mort’’, soupire-t-elle. ‘’Plusieurs anciens salariés sont décédés et nul ne sait avec exactitude si c’est à cause de l’uranium ou d’autres maladies’’, note-t-elle.
‘’Mais si on croit ce que les ONG ont dit, la mort de la plupart d’entre eux est due à l’exposition à l’uranium’’, ajoute Mme Eliane Mvoula, ‘’On a trop attendu’’, lance l’ancienne ouvrière. ‘’Depuis que les ONG ont commencé à parler de cette affaire, la COMUF a donné l’impression que tout est normal. L’entreprise a cessé l’exploitation depuis une dizaine d’années. C’est à ce moment là que les responsables et l’Etat auraient dû penser à débuter le suivi post-professionnel’’, a estimé l’ancienne ouvrière.
Eliane Mvoula s’est interrogée sur le sort réservé aux anciens ouvriers vivant hors de la province du Haut-Ogooué. ‘’Les communiqués de la COMUF que diffusent presque chaque jour les radios locales ne s’adressent qu’aux anciens travailleurs de la région où nous sommes. Et les autres’’?, a-t-elle interrogé.
‘’Je pense qu’il y a beaucoup de manquements que les responsables de la COMUF devraient se dépêcher de combler, vu le retard qu’ils ont déjà pris», a-t-elle conclu.
Ancien employé de la COMUF, Philippe Nguia, un octogénaire, a effectué sa visite médicale le lundi 4 octobre à l’OSM. Il apprécie sa chance. «C’était presque inespéré, mais Dieu merci… Je pense que c’est une bonne chose qu’on nous fasse faire ces visites pour déceler les maladies qu’on a pu trainer depuis que nous avons cessé de travailler’’, a confié l’ancien minier.
Mais Philippe Nguia ne peux s’empêcher d’avoir une pensée pour tous ceux qui, anciens miniers comme lui, sont décédés alors qu’ils auraient peut-être pu être sauvés par l’observatoire. ‘’De nombreux collègues ne sont malheureusement plus là’’, a-t-il dit, ému.
‘’Je me réjouis qu’on ait pensé à nous faire subir ces visites et j’espère que les malades seront traités comme il se doit’’, a-t-il déclaré, encourageant l’Etat gabonais et la COMUF à renforcer leur partenariat, afin de ne pas abandonner le projet à mi-chemin.
L’Assemblée générale a consacré, outre les textes constitutifs de l’OSM, ses statuts et tous les aspects visant à pérenniser ses activités. L’observatoire comprend ainsi un Conseil d’administration de dix membres, dont le président est désigné par le président de la République, un conseil scientifique, un comité médical et une unité de coordination. Le premier conseil d’administration s’est d’ailleurs tenue jeudi dernier à Mounana, siège social de l’OSM.
Le président du conseil d’administration, le Pr. David Benoni a expliqué que l’Assemblée générale avait pour but de mettre en place les statuts de l’observatoire. Selon M. Benoni, le conseil d’administration aura pour missions notamment de donner des directives à l’observatoire de santé. Composée de toutes les parties prenantes, l’Observatoire travaillera sur la base des standards internationaux. ‘’Il n’y a pas lieu de douter de cet outil’’, a déclaré M. Benoni.
Le Dr Alain Acker, représentant AREVA, a expliqué, pour sa part, que beaucoup de travail a été fait en amont par les différentes parties prenantes que sont l’Etat gabonais, les représentants de la société civile notamment, les représentants des anciens travailleurs des mines de Mounana et AREVA, depuis la décision prise, en 2007, de créer l’observatoire de santé de Mounana.
Cette première phase a pris un certains mais le plus important aujourd’hui est que l’observatoire se mette au travail et analyse, selon les normes scientifiques reconnues, l’ensemble des éléments sanitaires autour de la ville de Mounana, a ajouté le Dr Acker.
Selon les responsables d’AREVA, l’Observatoire de la santé de Mounana est une première mondiale. Aucune entreprise minière au monde n’est dotée d’un tel outil. Après le Gabon, AREVA compte installer des structures similaires dans tous les pays où il opère.