En jugeant recevable ce mardi la constitution de partie civile de l’association Transparence International France dans l’affaire dite des biens mal acquis, la cour de cassation a ouvert la voie à une enquête sur le patrimoine dans l’Hexagone de trois présidents africains.
C’est une nouveauté. Pour la première fois en France, une enquête sur l’origine du patrimoine d’un chef d’Etat étranger va être ouverte à la demande d’une association, Transparence International. Cette décision va permettre la désignation d’un juge d’instruction et l’ouverture d’une information judiciaire pouvant mettre en cause plusieurs présidents africains.
Tout commence en 2007, lorsque le rapport « Biens mal acquis » met en cause Ali Bongo, Denis Sassou Nguesso, et Teodoro Obiang, les présidents du Gabon, du Congo-Brazzaville et de Guinée équatoriale. La justice française se trouve alors dans une impasse, car le droit international prévoit que pour que les pays pillés par leurs dirigeants obtiennent que l’argent volé leur soit rendu, il faut que l’Etat en fasse la demande. Comment imaginer que les dynasties en place s’en prennent à leur propre patrimoine familial?
Triple victoire
La décision de la cour de cassation risque de changer en profondeur cet état de fait. Myriam Savy, du service presse de la branche française de Transparence International, salue « cette décision qui constitue une avancée juridique considérable qui va au-delà de biens mal acquis ». En effet, « pour la première fois en France, l’action en justice d’une association de lutte contre la corruption au nom des intérêts qu’elle s’est donné pour objet de défendre est jugée recevable », déclare-t-elle. Cela « devrait ainsi permettre à l’avenir de surmonter l’inertie du parquet dans certaines affaires politicofinancières sensibles. »
Selon Jean Merckaert, co-auteur du rapport « Biens mal acquis », il s’agit d’une triple victoire: « C’est historique, nous explique-t-il. C’est une grande victoire pour les peuples spoliés par leurs dirigeants, pour la justice française, mais également pour les ONG françaises ».
Au Congo-Brazzaville, quatrième producteur de pétrole mondial, 70% de la population vit avec moins d’un dollar par jour. Et selon le FMI, entre 2003 et 2005, il manquerait plus d’un milliard de dollars dans le budget du pays. Le régime en place, s’il détourne l’argent du pétrole, ne pourra plus le placer en France désormais.
« Pourtant, le parquet a tout fait pour étouffer l’affaire, poursuit Jean Merckaert. Sûrement en vertu des vieilles amitiés franco-africaines. C’est tout à l’honneur du conseil constitutionnel ne ne pas avoir cédé ».
Et de conclure: « C’est le début d’une nouvelle ère. Les dirigeants corrompus ne pourront plus investir en France. Et ce, grâce à la volonté d’une ONG. Comme quoi, avec de la détermination, il est possible de faire vaciller les montagnes de la délinquance financière ».