De Philippe RATER (AFP)
PARIS — L’Afrique retrouve un ministre dans le gouvernement français, puisque le portefeuille de la Coopération est de nouveau attribué, à Henri de Raincourt, mais la relation si complexe de Paris avec ses anciennes colonies devrait continuer d’être gérée de l’Elysée.
Le premier dossier brûlant que devrait trouver le nouveau ministre, 62 ans mercredi, sur son bureau de la Convention, une annexe du Quai d’Orsay dans le sud de Paris, va être la Guinée. Les résultats du premier scrutin présidentiel démocratique du pays opposent les deux candidats en lice sur fond de heurts.
Face à lui, Henri de Raincourt devra composer avec Claude Guéant, secrétaire général de la présidence française et très présent sur le front africain. Cet ancien préfet a noué nombre de relations avec des chefs d’Etat africains et effectué plusieurs missions dans des pays aux relations difficiles avec la France, comme la Côte d’Ivoire très récemment.
La politique de coopération continuera « d’être dictée de l’Elysée en toute opacité, avec des ministères n’ayant que très peu de marge de manoeuvre », juge Olivier Thimonier de l’ONG Survie. « La main est à l’Elysée », renchérit Sébastien Fourmy d’Oxfam France.
Le nouveau ministre trouvera aussi sur son chemin des émissaires plus ou moins officieux, proches du président Nicolas Sarkozy. Il en est ainsi de l’avocat Robert Bourgi, qui était il y a encore quelques jours en Guinée et au Sénégal, ou du député Patrick Balkany, régulièrement en voyage en Afrique.
Même s’ils ont affiché, en cette année du cinquantenaire de l’indépendance de leurs pays, leur volonté d’émancipation, plusieurs chefs d’Etat africains restent attachés au maintien d’une relation particulière avec Paris. Et pour certains, parfois au pouvoir depuis des décennies, rien ne vaut un accès direct au président français ou à son entourage.
Pour Jean-Christophe Rufin, ex-ambassadeur au Sénégal, les réseaux abondent désormais dans un sens Afrique-France. Des « lobbyistes rétribués ou sous contrat ou en amitié avec des chefs d’Etat africains essaient d’influencer la politique française », assurait-il cet été à propos de la « Françafrique ».
Ce vocable désigne un ensemble de relations opaques, mêlant politique et affaires, voire affairisme, entre la France et ses anciennes colonies.
A la différence d’Alain Joyandet, qui fut secrétaire d’Etat à la Coopération entre mars 2008 et juillet 2010, Henri de Raincourt pourra se targuer d’un rang supérieur de ministre auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Coopération.
Formé à l’École supérieure des ingénieurs et techniciens pour l’agriculture avant d’être exploitant agricole, cet ex-sénateur apparaît toutefois néophyte en matière diplomatique et africaine.
« On est toujours dans la même configuration, un homme qui ne connaît pas les dossiers africains, qui va être chargé de prendre des consignes à l’Elysée », résume Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique. Tant la nouvelle chef de la diplomatie Michèle Alliot-Marie qu’Alain Juppé, à la Défense, ont aussi leurs propres réseaux en Afrique, ajoute-t-il.
Henri de Raincourt aura à superviser l’Agence Française de Développement (AFD), qui gère l’aide française – 6,2 milliards d’euros en 2009 – dans plus de 60 pays, principalement en Afrique. Le patron de l’AFD est depuis juin Dov Zerah, qui était dans les années 90 directeur de cabinet du ministre de la Coopération Michel Roussin.