Des dirigeants gabonais, dont Omar Bongo, auraient détourné une trentaine de millions d’euros d’une banque africaine à leur profit mais aussi pour financer des partis politiques français, selon un télégramme diplomatique américain obtenu par WikiLeaks et publié par El Pais.
Ce télégramme de juillet 2009, en provenance de l’ambassade des Etats-unis au Cameroun, repris par le site internet du quotidien espagnol, s’appuie sur les dires d’un responsable anonyme de la Banque des Etats d’Afrique centrale (BEAC).
Son auteur mentionne l’ancien président français Jacques Chirac et son successeur Nicolas Sarkozy parmi les bénéficiaires de ce financement politique, tout en affirmant ne pas être en mesure de vérifier la véracité de ces allégations.
Contacté jeudi par Reuters, l’Elysée n’a pas souhaité commenter cette note, qui fait partie de quelque 250.000 télégrammes diplomatiques que le site internet WikiLeaks s’est procuré et qu’il a entrepris de publier en collaboration avec plusieurs quotidiens européens, dont El Pais.
La direction de l’UMP, parti fondé par Jacques Chirac et que présida Nicolas Sarkozy, a pour sa part estimé qu’il s’agissait de « on-dit » ne reposant sur aucune preuve.
« Nous ne faisons pas de commentaire parce qu’il n’y a pas lieu d’en faire », a dit à Reuters le service de presse du parti présidentiel. « Ce ne sont que des on-dit et des allégations, il n’y a aucune preuve. L’ambassade américaine le dit elle-même. »
Selon cette note diplomatique, l’affaire du détournement de la BEAC a été découverte à la faveur d’un audit interne.
« Selon la source de l’ambassade, de hauts responsables gabonais, dont l’ancien président Omar Bongo et son fils Ali Bongo ont bénéficié du détournement », peut-on y lire.
« La source a déclaré que les dirigeants gabonais avaient utilisé ces revenus pour leur enrichissement personnel et, sur instruction de Bongo, versé des fonds à des partis politiques français, notamment en soutien du président français Nicolas Sarkozy », ajoute le câble diplomatique.
ENQUÊTE SUR LES BIENS MAL ACQUIS
Le diplomate américain écrit que ce responsable de la BEAC, interrogé sur les bénéficiaires français des fonds, a répondu : « Les deux côtés (gauche et droite-NDLR), mais surtout la droite, particulièrement Chirac et aussi Sarkozy ».
« Bongo était le président préféré de la France en Afrique, c’est la Françafrique classique », a expliqué la source citée par le télégramme diplomatique américain.
Ancien sous-officier de l’armée française, Omar Bongo est mort en juin 2009 après 41 ans à la tête de cette ancienne colonie française, après avoir été l’un des alliés diplomatiques de tous les présidents français de la Ve République.
Il fut le premier chef d’Etat reçu à l’Elysée par Nicolas Sarkozy en 2007. Son fils Ali lui a succédé.
Le diplomate américain explique qu’Omar Bongo nommait tous les dirigeants importants de la BEAC.
Les fonds détournés l’ont été par trois canaux : des dirigeants de la banque, des sociétés-écran et directement par des dirigeants gabonais, précise-t-il.
Les allégations de détournement de fonds au Gabon ne sont pas nouvelles. Le 9 novembre, la Cour de cassation française a ordonné, contre l’avis du parquet, la reprise d’une instruction concernant les logements de luxe et les avoirs bancaires détenus en France par trois présidents africains, dont celui du Gabon.
Une enquête de police de 2007 avait recensé 39 propriétés et 70 comptes bancaires détenus en France par la famille Bongo et ses proches. Ont été mis au jour des achats avec des chèques du Trésor public gabonais, comme celui de 390.795 euros signé le 5 février 2004 par l’épouse du président Bongo pour l’achat d’une voiture de luxe Maybach 57.
Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse
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