Après avoir annoncé la démission du gouvernement hier soir, le président égyptien a nommé aujourd’hui un vice-premier ministre et un nouveau Premier ministre pour diriger le pays à ses côtés.
C’est une grande première en Égypte. Le chef du Renseignement égyptien, Omar Souleimane, a prêté serment samedi 29 janvier en tant que vice-président, premier poste du genre depuis que le président Hosni Moubarak a pris le pouvoir en 1981. Le général Souleimane, né en 1934, considéré comme le numéro deux du régime, joue un rôle politique important depuis plusieurs années, et est responsable de dossiers délicats de politique étrangère, notamment celui du conflit israélo-palestinien.
Sa nomination s’inscrit dans un train de réformes qu’Hosni Moubarak a promis de mener pour apaiser la colère de la population qui réclamait son départ depuis plusieurs jours. Vendredi, il a annoncé des réformes et la mise en place d’un nouveau gouvernement, après une quatrième journée de manifestations et émeutes particulièrement meurtrières appelant à la chute du régime.
Hosni Moubarak, qui a dissout l’ensemble du gouvernement vendredi, a nommé un nouveau Premier ministre qui sera chargé de constituer un nouveau cabinet. C’est l’ex-ministre de l’Aviation, le général Ahmed Chafik, qui succède à Ahmed Nazif à la Primature, a indiqué la télévision d’État. Il est une figure politique appréciée de l’élite – y compris l’opposition – en Égypte.
Les manifestants soutenus par les Frères musulmans
Ces mesures n’ont pas suffi à calmer la population, qui s’était de nouveau rassemblée ce samedi dans les principales villes du pays pour réclamer la démission d’Hosni Moubarak, après quatre jours d’émeutes. « Le peuple veut le départ du président », ont scandé les manifestants sous le regard de l’armée déployée depuis vendredi soir pour aider au maintien de l’ordre. La police a elle ouvert le feu sur un millier de manifestants qui tentaient de prendre d’assaut le ministère de l’Intérieur, au Caire, a rapporté la chaîne de télévision Al-Jazira.
Les Frères musulmans, principale force d’opposition en Égypte, ont affirmé leur soutien au « soulèvement pacifique béni » et appelé à la mise en place d’« un gouvernement de transition sans le Parti national démocrate (PND, au pouvoir) qui organise des élections honnêtes et une passation pacifique du pouvoir ».
Un haut responsable sécuritaire en Israël – pays qui entretient des liens économiques et stratégiques forts avec la première puissance du Proche-Orient – a exprimé samedi sa préoccupation devant une « montée en forces d’éléments extrémistes en Egypte » en allusion aux Frères musulmans. Ceux-ci sont opposés aux accords de paix entre l’Égypte et Israël. « Un tel développement [l’éventuelle chute du régime égyptien, NDLR] obligerait Israël à réviser de fond en comble ses conceptions stratégiques militaires » en déployant des forces sur la frontière avec l’Égypte a-t-il estimé.
Israël continue à maintenir un profil bas sur la situation de son voisin, de crainte d’être accusé d’ingérence. Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a même donné la consigne explicite aux officiels de ne pas s’exprimer publiquement. Dans le même temps, le ministère des Affaires étrangères, en contact permanent avec l’ambassade au Caire, tient des consultations intensives sur les développements en Égypte, a-t-on appris auprès de ce ministère.