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Gabon : «La dernière révision constitutionnelle est la provocation de trop», pense Mike Jocktane

Membre de la cellule mobilisation et logistique de l’Union nationale (UN, opposition), l’évêque Mike Jocktane parle de la crispation politique au Gabon dans cette interview accordée à abidjandirect.net. Pour cet homme de Dieu, «l’heure est à l’émancipation des peuples et personne ne pourra plus stopper cette profonde mutation».

Quelles sont les origines de la crise gabonaise ?

«L’origine de la crise, c’est le contentieux électoral de 2009. C’est très simple. Ali Bongo Ondimba n’a pas gagné les dernières élections Présidentielle. Il le sait, nous le savons, les Gabonais le savent et même la communauté internationale le sait. Il s’est imposé grâce à un triple soutien : celui de l’armée, des institutions et d’une grande puissance internationale. La crise résulte du fait qu’il lui manque la chose essentielle : l’adhésion populaire. La crise actuelle est celle de son illégitimité. Toutes les opérations de charmes financées à grand frais et proposées par les grandes agences de communication ne suffisent pas à faire oublier son coup d’état du 3 septembre 2009 que les gens appellent son péché originel.

Pourquoi avoir soutenu André Mba Obame plutôt que Ali Bongo ?

J’ai toujours considéré les deux comme mes grands frères et ce n’est un secret pour personne au Gabon que j’ai été proche des deux. J’ai choisi André Mba Obame parce que je voulais que le Gabon ait un président de son choix et je savais qu’Ali ne pouvait pas honnêtement gagner cette élection. Je peux dire sans être mauvaise langue que lui-même ne s’était pas préparer à prendre le pouvoir par les urnes.

A l’époque je pensais qu’ils pouvaient être un bon président mais je savais qu’il était un mauvais candidat. Après plus d’un an de pouvoir j’ai même perdu cette illusion ! J’ai choisi André Mba Obame parce que je le crois capable d’incarner la nouvelle espérance…

Que pensez-vous de la succession de père en fils qui est en train de devenir courante en Afrique ?

Je pense que ce n’est pas de cette façon qu’il faut aborder cette question. Tous les citoyens ont des droits même s’ils sont enfants de président. Ce qu’il faut c’est que l’accès à la magistrature suprême soit conditionné par la victoire aux élections et ces élections doivent être transparentes, crédibles et équitables.

Pourquoi avoir attendu, si longtemps pour contester les résultats des élections du 30 Aout 2009 ?

Pour ma part, je pense que c’est la dernière révision constitutionnelle qui est la provocation de trop. Même lorsque l’on est légitime et que l’on préside au destin de son peuple, ceci implique de l’humilité et la recherche du consensus. Or, Ali cherche à régner sur le Gabon et veut transformer les Gabonais en sujets. La liberté et la dignité ne peuvent pas être échangées contre des promesses de développement économique.

Depuis l’accession d’Ali au pouvoir, le Gabon a régressé de plus de 30 ans en ce qui concerne les libertés fondamentales. Le nouveau pouvoir est violent, partiale et injuste. On assiste au bâillonnement de la presse, aux arrestations arbitraires, aux tortures et à la chasse aux sorcières dans les administrations publique, etc.

Est-ce que vous pouvez imaginer que la dernière révision constitutionnelle s’est faite sans consensus et surtout sans débat. C’est important de savoir que la dernière constitution était le fruit d’un accord de toute la classe politique et avait été adoptée par referendum. Ali a fait un passage en force que tous les Gabonais avertis vivent comme un « viol ». En plus, le contenu des changements entérinent une monarchisation du pouvoir au Gabon et ceci est simplement inacceptable !

Dans le même temps, le gouvernement, avec arrogance, annonce d’avance son intention de ne pas faire les reformes utiles pour garantir de bonnes élections. Cela, nous l’avons vérifié lors des dernières élections législatives où malgré nos deux victoires sur quatre la fraude a été massive et la Cour constitutionnelle et la CENAP complices.

Maintenant, pour répondre directement à votre question, il convient de noter que l’Union Nationale n’a jamais reconnu la victoire d’Ali. Elle a exprimé son rejet de ce pouvoir illégitime à chacune de ses sorties médiatiques depuis sa création. Le problème a même été posé lors des rencontres avec Nicolas Sarkozy et ensuite avec Ban Ki Moon. Aussi, pendant les cinq mois passés en France, André Mba Obame a consulté de nombreux Chefs d’Etat et des responsables politiques et a évoqué ce sujet.

Pour finir, il est utile de savoir qu’en droit universel, le vol d’une élection est comparable à un crime contre l’humanité. Pour ce type de délit, il n’y a pas de prescription. Le film documentaire « Françafrique » diffusé sur France 2 est venu simplement confirmer ce que tout le monde savait déjà. Pour citer le Président de L’union Nationale : « Ali n’a pas gagné les élections. Il doit partir ! »

Ne pensez vous pas que vous êtes en contradiction avec les lois du pays ?

Quand une loi est inique il faut s’y opposer. C’est ce qu’avec nos amis nous avons choisi de faire. La loi est pour les hommes et pas l’inverse. Mon éducation chrétienne fait que je suis un homme de principe et de conviction. J’ai des opinions claires et j’ai toujours le courage de mes opinions. Aujourd’hui je me sens en mission pour le bien de mon pays.

Que pensez-vous de la position de la communauté internationale sur la crise gabonaise ?

Pour l’instant, je la trouve assez silencieuse mais de toutes les façons le monde a énormément changé. Ce qui est bon pour les « grands pays » l’est aussi pour nous et il ne pourra plus y avoir deux poids deux mesures. L’heure est à l’émancipation des peuples et personne ne pourra plus stopper cette profonde mutation. Les dictatures sont à leurs fins.

Pourquoi avoir attendu la crise ivoirienne pour contester l’élection du président Ali Bongo ?

Je ne vous cache pas que pour moi, il n’y a pas de lien direct entre les deux crises. C’est vrai que les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets. Ce que je constate clairement c’est que c’est les conséquences de la crise qui plutôt présentent des similitudes : Il y a dans les deux cas deux présidents et deux gouvernements. Au Gabon ce que nous disons c’est que la légitimité et la légalité doivent se rencontrer sur une personne.»

Publié le 16-02-2011 Source : abidjandirect.net Auteur : Gaboneco

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