Fraichement débarqué des Etats-Unis où il vit, l’ancien candidat à la présidentielle du 30 août 2009, Bernard Oyama estime avoir une carte à jouer pour l’apaisement du climat politique au Gabon. Dans cette interview accordée à notre rédaction, Bernard Oyama, souhaite notamment réunir tous les candidats à la dernière présidentielle autour d’une «rencontre républicaine». Un costume visiblement trop large pour ce «médiateur» qui a récolté moins d’un pourcent à la dernière présidentielle.
Comme nombre d’acteurs politiques, vous demandez l’instauration d’une rencontre républicaine pour résoudre les vrais problèmes du Gabon. Quels sont ces problèmes ? Quelle serait la forme de cette rencontre et par qui serait-elle dirigée ?
La rencontre républicaine que j’ai pris l’initiative d’organiser est une rencontre qui appelle tous les candidats à la présidentielle de 2009. Car, aujourd’hui nous sommes dans une tension politique depuis la déclaration de l’ancien candidat Mba Obame en tant que président élu et la formation de son gouvernement parallèle. La situation politique est tendue en ce moment et en collaboration avec l’ancienne candidate Yvette Ngwevilo Rekangalt, nous avons eu l’idée d’appeler à une rencontre républicaine pour pouvoir faire la lumière et trouver des solutions pour sortir de cette tension. J’appelle cela tension politique au lieu de crise parce qu’il n’y a pas de crise, car quand il y a crise les institutions ne fonctionnent pas. C’est juste une tension politique, un parti politique qui est en train de faire bouger les choses.
Je ne sais pas si c’est en bien ou en mal, mais en tout cas il revendique des choses qui sont à la rigueur illégales. Ces revendications vont à l’encontre de la loi, le pays a des institutions qu’il faut respecter. Ce n’est pas après un an et demi que l’on doit s’autoproclamer président, et en même temps participer aux élections législatives qui ont été organisées par le même pouvoir. Quelque part, il y a contradiction. Le dialogue c’est pour justement apaiser la tension qui existe dans le pays. Nous discutons aussi bien avec le pouvoir en place qu’avec l’Union nationale, qui passe actuellement ses journées dans les bureaux du PNUD. Nous sommes prêts à dialoguer avec eux et à chercher à savoir quelle est vraiment leur politique, sinon leur stratégie de sortie de crise. Nous demandons que les gens reviennent sur la table de négociation, trouver des solutions pour qu’enfin le pays puisse continuer dans le développement.
A vous entendre parler, vous avez déjà des points à l’ordre du jour. Quels sont ces points ? Cette rencontre serait-elle l’occasion pour vous de faire le procès des responsables de la tension actuelle?
Je ne peux pas vous donner les points à l’ordre du jour, étant donné que nous sommes encore en pourparlers avec les membres de l’Union nationale pour savoir réellement quelles sont leurs revendications. Jusqu’à présent l’Union nationale ne nous a pas encore dit ce qu’elle veut faire. C’est bien beau de rester à l’ONU, nous souhaitons qu’ils sortent de l’ONU pour que nous puissions discuter avec eux car nous n’avons pas d’autorisation d’y entrer pour pouvoir discuter avec eux. Sachez très bien que l’élection n’était pas seulement pour l’Union nationale, c’était pour tout le Gabon et il y avait plusieurs candidats et la tension aujourd’hui c’est le résultat des élections qui se sont déroulées en 2009, dont Mba Obame conteste la légitimité tout en oubliant qu’il a participé aux législatives qui ont été organisées par le pouvoir en place qu’il conteste. Nous allons continuer à discuter, nous appelons à l’unité nationale.
Selon vous le Gabon est actuellement victime des aspirations non satisfaites depuis 1968. Pensez vous qu’il faut exorciser cette période par une rupture claire et nette dans la gestion de l’Etat ?
Je pense que le gouvernement en place a déjà commencé à créer cette rupture. C’est pour cela qu’il y a une nouvelle génération qui est en train de prendre les choses en main en sachant que cette rupture a déjà été consommée avec l’élection d’un nouveau président. C’est donc au gouvernement en place de justifier son plan pour le pays afin que nous puissions juger de son action. Ce n’est pas à moi de vous le dire, vous le vivez dans la vie quotidienne, vous voyez que le pays n’évolue pratiquement pas, le chômage est toujours rampant. C’est ce que nous avons justement dénoncé pendant la campagne électorale. Vous voyez très bien que les routes n’ont pas changé, etc. Il faut reconnaître que le pays allait mal et on espère que le nouveau gouvernement va changer le cap et la direction de la Nation.
L’Union nationale est à l’origine de la tension politique actuelle. Pourquoi le président doit rencontrer les différents candidats à la dernière présidentielle ?
Nous ne demandons pas que le président de la République puisse rencontrer les anciens candidats. Nous appelons plutôt à une rencontre républicaine des anciens candidats, ce qui fait deux choses différentes. Si le président de la république veut rencontrer les anciens candidats, il le fera à sa manière au moment voulu. Nous, nous sommes là pour réunir tous les anciens candidats pours statuer et trouver une solution commune définitive par rapport à l’élection de 2009, parce que c’est cette élection qui fait problème. Nous savons très bien que la Cour constitutionnelle a publié les résultats officiels et s’il y avait des problèmes, c’est en ce moment là qu’on devait les régler.
A quoi ressemblerait cette solution ? A un « partage du gâteau » comme avec les Accords de Paris ?
Je ne peux pas vous dire en ce moment à quoi elle pourrait ressembler, il va falloir que nous puissions avoir un entretien avec les membres de l’Union nationale. Les collaborateurs de ce parti avec qui nous sommes en contact estiment qu’il faut la présence des Nations unies pour discuter et trouver la solution à la crise. Or, les Nations unies ont déjà, je vous rappelle, reconnu que le président du Gabon est Ali Bongo. Alors ce serait difficile et contradictoire, ce qui serait la première dans les affaires des Nations Unies, qu’elles puissent revenir sur leur décision. Je pense qu’il va falloir trouver une autre solution.
Concernant le partage de gâteau, moi je suis un candidat indépendant, le partage de gâteau ne m’a jamais intéressé et comme je n’ai jamais mangé le gâteau, je ne sais pas à quoi cela ressemble. Ceux que j’appelle les professionnels de la politique savent comment partager le gâteau et moi je ne veux pas m’immiscer là dedans. Tout ce que je veux, c’est que le pays puisse avancer, que nous puissions créer des routes, construire des écoles, construire les hôpitaux dont nous avons besoin.
Le Gabonais veut le changement et il va falloir changer les méthodes de travail. En politique tout est possible, il faut apprendre à faire des compromis. En tout cas, nous allons écouter les deux camps et examiner leurs demandes. La solution viendra des deux. Nous, nous ne faisons qu’ouvrir une porte de sortie à l’Union nationale pour sortir des Nations unies car cela risque d’être un problème pour cette organisation. Car à un moment donné cela risquerait d’être un problème légal. L’Etat gabonais peut porter plainte aux Nations unies pour avoir héberger les membres d’un parti de l’opposition qui finalement utilise ses locaux pour appeler à la révolte nationale et cela deviendra un problème juridique.
Le président Ali Bongo consulte en ce moment tout le corps social du pays. Ce n’est pas là une réponse à votre demande ? Avez-vous été consulté ?
Non je n’ai pas encore été consulté. Par contre, je félicite l’initiative prise par le président de la République qui est celle d’entretenir le dialogue avec les leaders des partis politiques et de la vie sociale du pays, sur le dossier de l’île Mbanié en sachant qu’elle nous appartient, selon les accords qui ont été signés dans les années 70. C’est une bonne initiative parce que c’est un problème national, un problème d’identité, ce n’est plus un problème de parti. Je pense que le président ira défendre cette position à new York la semaine prochaine.»
18 mois après l’entrée en fonction du nouveau président, quelle appréciation faites vous de son action ?
«Il y a peu et beaucoup à dire à la fois. Concernant l’action du gouvernement en place, j’observe que le président de la République a un plan de développement pour le pays. Et ce plan, il est en train de le mettre en place et ça nécessite du temps. Mais il y a des chantiers, notamment les grands travaux qui sont en train d’avancer comme la centrale thermique d’Owendo et la zone économique spéciale de Nkok. Par ailleurs, concernant la bureaucratie, je pense qu’il va falloir l’alléger. Pourquoi ? Parce que moi en tant qu’entrepreneur, quand je fais un travail j’espère être payé à temps. Vous avez des gens qui doivent faire des travaux et qui sont payés en retard, ce qui a une incidence sur la livraison des travaux. Il y a donc beaucoup de choses à faire. Pour l’instant, le président est en train de faire un travail de fond en tant que directeur marketing du pays, il voyage pour aller chercher les investisseurs qui commencent à arriver, et je pense que d’ici là, la population gabonaise va voir les résultats de ces deux premières années du gouvernement.