Entretien avec Bruno Ondo, membre du Collectif pour la libération totale du Gabon
Parlez-nous de votre collectif?
Le scandale de l’élection présidentielle du 30 août 2009 et l’usurpation du pouvoir, les agressions des bérets rouges lors de différentes manifestations pacifiques, les massacres postélectoraux de Port-Gentil, la destruction de biens privés, les différents scandales multipliés à la tête de l’Etat par le gouvernement Ali Bongo et, face à tout cela le mutisme voir la complicité de la communauté internationale sont à l’origine de la révolte et des clameurs du peuple gabonais. Voilà pourquoi, après la cérémonie de prestation de serment de M. André Mba Obame, président élu et non «autoproclamé» du Gabon, les Gabonais de tous bords de la diaspora ont estimé qu’il fallait soutenir cet acte courageux et digne d’éloges. Ainsi fut créé le Collectif pour la libération totale du Gabon. Ce collectif se propose d’œuvrer à son niveau à l’avènement d’un Gabon nouveau à travers un engagement radical pour bouter Ali Bongo de la Magistrature Suprême de notre pays et promouvoir la démocratie, la justice sociale, la paix et les droits fondamentaux.
Pourquoi avoir attendu seulement maintenant pour réagir?
Mba Obame n’a pas attendu un an pour réagir. Non seulement il n’a jamais cessé de clamer dans les différentes tribunes qui lui ont été offertes et dans ces différentes qu’il était le président élu du Gabon, mais aussi qu’il ne capitulerait pas.
Pour ce qui est de sa prestation de serment et la formation de son gouvernement, ceux qui étaient aux faits de la réalité au Gabon savent bien qu’un seul mot d’ordre de M. Mba Obame au sortir des présidentielles aurait plongé le pays dans un chaos sans pareil puisque Ali Bongo était prêt à tout… Ainsi, après la mise sur pieds avec ses pairs d’un parti politique proportionnellement et stratégiquement impressionnant (Union nationale), M. Mba Obame s’est donné les moyens démocratiques de sa politique pour déraciner le PDG au pouvoir depuis 42 ans […] Par contre, c’est la révision scandaleuse de la Constitution qui fait d’Ali Bongo un quasi monarque et les multiples scandales du gouvernement qui me semblent avoir réduit considérablement le temps de patience de M. Mba Obame. Depuis son «appel de Barcelone» où il affirmait très clairement que le combat serait long et rude, à nos jours, il est resté cohérent avec ses actes. Et le vent politique actuel qui semble militer en sa faveur prouve tout simplement que le Gabon a eu droit à un homme politique «visionnaire».
M. André Mba Obame a été ministre de l’Intérieur de M. Bongo père de 1997 à 2009. N’est-il pas simplement une autre assurance pour la France de la continuité au Gabon?
M. Mba Obame a été ministre de l’intérieur pendant près de 3 ans […]. Il a cependant occupé d’autres postes ministériels. Il a été aux services de Bongo qu’il a toujours considéré comme son père. En Afrique, un fils n’affronte pas son père…La lecture de son parcours au sein du PDG et au gouvernement doit être mise en parallèle avec sa popularité lors des dernières élections présidentielles. Les Gabonais sont très peu nombreux (moins d’un million et demi d’habitants). Ainsi tout le monde se connait et sait ce que chacun fait, a fait ou n’a pas fait sous l’ère Bongo père et surtout ne veut pas faire après. Les principaux artisans de la victoire de M. Mba Obame sont pour la plus part d’anciens collaborateurs et administrés rencontrés au long de son parcours gouvernemental.
Mba Obame […] n’a connu aucune grève lors de sa gestion de ministères réputés à haute tension comme l’éducation nationale et les affaires sociales. De même, plusieurs avancées sociales significatives à l’instar de l’Assurance maladie obligatoire, les présalaires des enseignants en instance de recrutement et bien d’autres révolutions positives sont à son actif. Personne ne le voyait candidat aux présidentielles, juste après Bongo père, et ses prestations tout au long de la campagne, sans parti politique, ont déjoué tous les pronostics. Ainsi, le désistement en sa faveur d’autres candidats, et non les moindres, illustre […] qu’il incarne une nouvelle vision du Gabon. […]
M. Mba Obame est-il lié aux réseaux françafricains qui ont fait tant de mal au peuple gabonais?
[…] La grande majorité de la classe politique française actuelle en était, conseillers, chefs de cabinet de ministres ou ministres des gouvernements de droite ou de gauche qui se sont succédés aux pouvoirs pendant les vingt dernières années et ont cautionné les différentes élections truquées au Gabon avec le père Bongo, actuellement avec le fils ainsi que le pillage des richesses nationales au profit d’une seule famille depuis 44 ans.
Le Gabon a des relations multiformes avec la France mais la FrançAfrique se présente […] comme un réseau incestueux néo-colonialiste aux services d’individus ennemis d’Afrique et des peuples africains. M. Mba Obame a beaucoup d’amis en France comme beaucoup d’autres Gabonais, mais son projet de vie pour le Gabon, son mea culpa devant le peuple gabonais lors des présidentielles sont autant d’éléments pour que je puisse considérer qu’AMO était «Saul » sous Bongo et le voilà devenu «Paul» pour apporter sa pierre à l’avènement d’un Gabon nouveau. Et c’est ce qui fait sa différence avec certains acteurs politiques du Gabon aujourd’hui devenus des «judas»
Que propose M. Mba Obame pour le peuple gabonais?
Le mal du Gabon n’est un secret pour personne. Le renouvellement de l’élite politique, l’instauration de la bonne gouvernance, une démocratie véritable avec des institutions crédibles et la réduction de la pauvreté à travers l’accès aux services sociaux de base pour tous sont les slogans principaux du programme de société de M. André Mba Obame. AMO rêve d’un Gabon qui sera tout à tous. Voilà pourquoi, comme co-fondateur de l’Union nationale, il préconise la revalorisation de l’unité nationale afin que les compétences des filles et fils du Gabon de tous horizons soient les piliers de cette offre politique novatrice et non l’affaire d’un clan ou d’un groupe de privilégiés afin que les richesses du Gabon profitent à tous. Voilà en substance les principales articulations du projet politique de M. Mba Obame.
La contagion des révolutions actuelles au Maghreb est-elle réelle ?
Je me refuse de tomber dans une grille de lecture orientée par les médias pour parler en terme de «révolution du Maghreb». Pour ma part, ces révolutions sont parties de la Tunisie en plein milieu de la crise ivoirienne avant de continuer sur l’Egypte et d’autres pays, à l’instar du Gabon. Il me parait plus honnête de parler du vent des révolutions africaines et l’actualité libyenne en est une preuve supplémentaire. Ce parcours vertigineux prouve assez bien que ce vent est étrangement contagieux mais le Gabon était déjà engagé dans sa révolution sans que personne n’en dise mot. Ainsi, il serait maladroit de regarder ce qui se passe au Gabon aujourd’hui comme un simple plaquage. La révolution gabonaise est née depuis la mort de Bongo père; elle se poursuit à son rythme et la sortie du tunnel est proche. […]
Qui est AMO ?
André Mba Obame est loin d’être un inconnu dans la vie politique gabonaise puisqu’il fut, tour à tour, conseiller d’Omar Bongo dans les années 80, puis son ministre de 1990 à 1991. De 1997 à 2009 il occupa un ministère d’état important, celui de l’intérieur. C’est à ce titre qu’il jeta en prison des activistes de la société civile gabonaise. Adhérant au parti Présidentiel, le PDG, il représentait l’aile réformiste contre les vieux caciques du pouvoir, une aile où se trouvait aussi Ali Bongo; une sorte de club d’Iznogoud voulant être calife à la place du calife. Lorsqu’il comprit, à la mort d’Omar Bongo, que le PDG ne l’investirait pas comme candidat à la présidentielle lui préférant le fils, il rejoignit une autre formation politique l’UFDG et brigua le poste.
Notre soutien va au peuple gabonais
Ce qui se passe au Gabon, toute proportion gardée, est identique au conflit entre Ravalomanana et Rajoelina à Madagascar, ou Gbagbo et Ouattara en Côte d’ivoire, ou Kibaki et Odinga au Kenya, la liste pourrait être longue… Le point commun de ces situations est l’utilisation des populations, par ses dirigeants, comme masse de manœuvre pour arriver au pouvoir, quitte à verser leur sang! Nous soutenons le peuple gabonais dans sa quête de démocratie, dans sa lutte pour une véritable indépendance du Gabon où les décisions seront prises par le peuple et pour le peuple, la définition même de la démocratie. Les récents événements montrent qu’en ce début d’année 2011, tout est possible en Afrique.
Paul Martial
source: NPA