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Alassane Ouattara en quête d’un ancrage à la Houphouët

Agé de 69 ans, le Président élu est un Dioula, l’une des ethnies minoritaires du pays, de confession musulmane. Est-il l’homme de la situation ? Premier ministre entre 1990 et 1993, son bilan fut positif pour les caisses de l’Etat, moins sur le plan social.

« La reconstruction du pays commence par la reconstruction des mentalités », déclarait Alassane Dramane Ouattara (ADO pour ses partisans) fin novembre 2010.

Est-il l’homme de la situation ? Pas si sûr si la division ethnique Nord -Sud s’approfondit en Côte d’Ivoire en même temps que les rivalités religieuses entre chrétiens et musulmans. Agé de 69 ans, né à Dimbokro, dans le centre du pays, le Président élu est un Dioula (3,4 % de la population), l’une des deux grandes ethnies du Nord de la Côte d’Ivoire de confession musulmane. En 1995 puis en 2000, ses origines lui avaient valu d’être écarté du scrutin présidentiel pour cause d’« ivoirité » douteuse.

Une catégorie, celle de l’« ivoirité », qui avait été popularisée avec succès dans les années 1990 auprès des Ivoiriens Baoulés (6,6 % de la population) par l’alors président houphouëtiste Aimé Henri Konan Bédié. En 1993, à l’arrivée au pouvoir de ce dernier qui succède à Félix Houphouët-Boigny à la Présidence de la République, Alassane Ouattara choisit de s’exiler à Washington, au FMI dont il occupera la fonction de directeur général adjoint entre 1994 et 1999. Une institution qu’il connaît bien car tout frais de diplômé en économie du Drexel Institute of Technology de l’Université de Pennsylvanie, il l’avait rejointe pour y diriger le département Afrique jusqu’en 1988. Désormais reconnus au plan international, ses talents d’économiste lui ont permis par la suite d’être nommé à la tête de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) jusqu’en 1990.

C’est à ce moment là que le Président Félix Houphouët-Boigny, le père de la nation ivoirienne, le rappelle en toute hâte en Côte d’Ivoire. Sa mission : sortir le pays de la crise la plus grave depuis son indépendance, conquise le 7 août 1960. Crise qui durait depuis dix ans pour cause de chute des prix du cacao et du café, de loin les deux principaux produits d’exportation de ce pays africain. Alassane Ouattara est nommé Premier ministre, le troisième de la jeune République, le 7 novembre 1990. Poste qu’il occupera jusqu’au 9 décembre 1993. Son bilan ? Positif pour les caisses de l’Etat qui sortent du trou grâce à son plan de consolidation budgétaire. Beaucoup moins positif au plan social. La population lui tourne le dos en raison de la sévérité des mesures d’austérité engagées. Le départ pour le siège du FMI à Washington l’éloigne de la Côte d’Ivoire pendant cinq ans.

Son absence ne lui vaut pas l’oubli de ses compatriotes. Fin 1999, Alassane Ouattara se dépêche de rentrer de Paris après le renversement, à Noël, de Henri Konan Bédié par une insurrection populaire appuyée par l’armée. Le général Robert Guéï est appelé à assurer l’intérim présidentiel. Alassane Ouattara est nommé président du Rassemblement des Républicains (RDR), parti fondé par le député Djéni Kobina cinq ans auparavant qui devient la colonne vertébrale du gouvernement provisoire. A cette époque, le RDR est allié des Forces populaires ivoiriennes (FPI) dirigées par un certain Laurent Gbagbo…. Mais les vieux démons des divisions ethniques reviennent vite.

Alassane Ouattara est écarté une nouvelle fois de la course à la Présidence de la République parce que pas assez « Ivoirien ». Des graves troubles inter-communautaires s’en suivent. Laurent Gbagbo prend clairement le dessus. Une timide tentative de réconciliation nationale échoue vite. L’histoire s’accélère. Une obscure tentative de coup d’Etat, le 19 septembre 2002, faillit de se solder par l’exécution d’Alassane Ouattara. A cet instant, Laurent Gbagbo est en voyage en Italie. La confusion règne. La guerre civile est inévitable. Les Forces nouvelles de Guillaume Soro se constituent pour organiser la rébellion. Entre 2002 et 2007, elles parviennent à occuper environ 60 % du territoire national.

Mais le Sud, riche de ses ports commerciaux de San Pedro et Abidjan, reste solidement sous le contrôle de Laurent Gbagbo. L’intervention de l’ONU s’ensuit pour éviter un bain de sang. Sans cesse reportées depuis 2005, la diplomatie internationale travaille dur et parvient à arracher au despote d’Abidjan des élections présidentielles libres. En deux tours, elles ont lieu les 31 octobre et 28 novembre 2010. Alassane Ouattara les gagne avec une majorité de 54 % des voix exprimés. Laurent Gbagbo crie à la fraude. Il se considère réélu. La suite et fin est connue. Le principal atout du nouveau homme fort de la Côte d’Ivoire est dans son ancrage houphouëtiste retrouvé. Un ancrage qui lui a valu le soutien des chefs coutumiers fidèles à son ancien adversaire Henri Konan Bédié. Réunis autour de lui peu avant le second tour de la présidentielle de novembre, les chefs traditionnels ont rebaptisé le nouvel homme fort d’Abidjan Allah N’Guessan.

MASSIMO PRANDI

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