Connu pour ses dessins dans la presse gabonaise et sur la chaîne de télévision TV+, Pahé, qui vit désormais entre Bitam et Paris, est le créateur gabonais de bande dessinée qui soit allé le plus loin, aussi bien dans l’audace de son coup de crayon que dans l’internationalisation de sa carrière. Membre fondateur du collectif gabonais « BD Boom », il est l’auteur de trois albums publiés par les éditions Paquet en Suisse et d’un dessin animé, « Le Monde De Pahé », actuellement diffusé sur France 3 et la RTBF. Interview fortuite du bédéiste gabonais le plus déjanté.
Dans un western, vous vous voyez plutôt en cowboy ou en indien ?
Je préfère le cowboy car il est gentil et du coup, il gagne toujours face au vilain méchant indien.
Comment devient-on Pahé ?
Pour devenir Pahé il n’y a pas 36 solutions : Être né à Bitam ; être tombé dans une soupe de sauce d’arachide arrosée de BD comme mon ancêtre Obélix et surtout avoir de la chance d’être né sous le bon œil et la baguette magique des fées de ma chère forêt équatoriale. Pour finir, il faut absolument avoir une grande gueule ! Voila vous savez tout ! Pahé = Patrick Essono, le « H » n’étant là que pour embrouiller tout le monde. Tout simplement !
Y a-t-il une question que vous vous posez très souvent ?
Ouais, une question me turlupine l’esprit. C’est : « Pourquoi es-tu si con Pahé ? »
Vous ne savez pas dessiner ou quoi ? C’est quoi donc ces prétendues caricatures sur lesquels il faut qu’on mette du texte pour que les lecteurs puissent reconnaître la personne qui est croquée ?
A chacun son truc. Je ne suis pas caricaturiste confirmé comme Morchoisne (« Ces animaux qui nous gouvernent »), mais juste qu’un petit dessinateur de presse. Et de toutes les façons, le public adore cette méthode. Que demander de plus ?
Il a souvent été écrit que vous avez été élève d’une école d’art graphique à Paris. Ce dont doutent vos détracteurs Gabonais. Quelles précisions pouvez-vous donner pour étayer le sujet ?
Je suis effectivement allé dans une école d’Art à Paris 8 (Institut supérieur des arts appliquées, ISAP) pour, au début, apprendre de la BD. Mais, hélas ce fût autre chose : Visite de musées, histoire de l’Art, perspective, dessins de nus… La BD on ne l’a vu qu’en 3è année. Oui, mes détracteurs ont raison : je suis plutôt un autodidacte !
Vous avez très longtemps dessiné pour la presse ou alors fait des albums dont chaque histoire tenait en une planche tout au plus. De même, vous avez souvent été dans le noir sur blanc. Est-ce donc cela qui explique que Sti et Louis-Bertrand soient intervenus au niveau du scénario et du coloriage pour l’album « Dipoula l’Albinos » ?
Dipoula est mon bébé. Il est né dans les années 85 dans les pages du journal « L’ECLAIR » du Lycée d’Etat de l’Estuaire à Libreville. Au début, Dipoula racontait les histoires de « Dipoula le pompeur », le tricheur quoi !
Quand mon éditeur a flashé sur le petit albinos, les histoires étaient plus adaptées pour un public gabonais. A l’époque je faisais aussi beaucoup de strip, des histoires en 3 ou 4 cases. De commun accord, nous avons décidé d’internationaliser Dipoula. Après plusieurs recherches de scénaristes, j’avais le syndrome de la page blanche et il fallait en pondre des gags à la vitesse grand « V », on est tombés sur deux oiseaux rares à l’humour noir : Sti et Louis Bertrand Devaud, auteurs aux Editions Paquet comme moi. Ne maitrisant que le Noir et Blanc, ils colorisent pour moi!
Quel a été le destin ou plutôt le retentissement national et international des albums « La Vie de Pahé » et « Dipoula l’Albinos » ?
L’accueil a été chaleureux pour ces deux albums. Il n’ya qu’a voir l’accueil reçu par le public lors des festivals et dédicaces BD. Pour Dipoula, enfin les albinos avaient leur super héros. Pour « La vie de Pahé », beaucoup d’immigrés se sont retrouvés à l’intérieur en revivant ce qui leur était arrivé en débarquant en Europe. Je ne le dirai jamais assez : «merci à mon public, sans vous, je ne suis rien !»
Une adaptation en dessin animé de « La Vie de Pahé » et, semble-t-il, de « Dipoula l’Albinos », a été préconisée. Où donc en sont ces projets
« Le Monde De Pahé », adaptation télévisée animée de « La vie de Pahé », passe sur France 3 et la RTBF depuis décembre 2010. Il s’agit de 75 épisodes de 7mn. Un vrai régal pour les petits chaque matin dans l’émission LUDO. Pour Dipoula en dessin animé, on attend encore…
Que pouvez-dire de BD Boom et, d’une manière générale, de la bande dessinée gabonaise ?
BD Boom a été une association qui m’a permis de décoller. J’ai été ravi d’y être parmi les pères fondateurs. Mais hélas, cette association n’existe plus que de nom. Tout comme la BD gabonaise. Il faudrait que les dessinateurs se bougent un peu le train en proposant des projets à eux et non en attendant ceux des ONG.
Vivez-vous de votre art ?
Cette question dépasse mon entendement ! Il faut d’abord que je fasse appel à mon avocat. Je dirai tout simplement que pour la vente de l’adaptation en dessin animée, j’ai touché 37 000 euros, mais chut, ne le dites surtout pas à mon bailleur!