« J’ai écouté les différentes déclarations des représentants des partis ; je vais saisir la Cour constitutionnelle dans les meilleurs délais afin qu’elle statue sur la position consensuelle qui plaide en faveur du report des élections législatives », a déclaré le Président de la République Gabonaise, Ali Bongo Ondimba, au terme de la deuxième rencontre organisée avec les principaux leaders de la Majorité républicaine et de l’opposition sur l’opportunité ou non d’introduire la biométrie dès les prochaines élections législatives, normalement prévues pour la fin de l’année.
Cette décision intervient suite aux recommandations des différentes forces politiques représentées à cette réunion. Qu’il s’agisse des partis non affiliés à un groupement politique, du Front socialiste des partis de l’opposition (FAR et MSP), de la CPPCA/ACR ou encore des formations de la Majorité républicaine pour l’Emergence, les uns et les autres ont fournis au chef de l’État et aux participants des arguments privilégiant le report des élections législatives.
Dans leurs propos, les représentants des groupements politiques, Majorité républicaine et opposition confondues, ont démontré que l’organisation des deux événements majeurs que sont la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) et les élections législatives n’était pas réaliste. De même, la mise en œuvre de la biométrie nécessite des mois de travail et un investissement de plusieurs milliards qui n’est pas prévu dans le budget de l’Etat pour l’année 2011. L’ensemble des intervenants ont reconnu que ces différents paramètres ne permettaient pas de garantir la transparence du scrutin souhaitée non seulement par les acteurs politiques, mais également par le peuple gabonais, dans un contexte africain et mondial où la préservation et le respect des libertés font partie des critères de bonne gouvernance.
Dans son intervention à la clôture de cette réunion de concertation, le Président Ali Bongo Ondimba a cependant tenu à préciser que si « de bons arguments avaient été présentés [concernant une demande de report de la date des élections législatives], il y a un inconvénient important au regard de la légalité que je ne peux mettre de côté. […] Je vais saisir la Cour Constitutionnelle. […] J’espère qu’elle pourra nous éclairer rapidement sur la marche à suivre, sans préjuger de sa réponse car la légalité est importante et ne peut être prise à la légère. » La Constitution de la République Gabonaise prévoit en effet que des élections ne peuvent être reportées qu’en cas de « force majeure ». Après saisie par le chef de l’Etat et sur présentation d’un argumentaire par le gouvernement, il reviendra donc à la Cour Constitutionnelle de décider si la possibilité de mettre en place de la biométrie justifie un report des élections législatives.
Concernant les remarques de plusieurs groupements politiques sur la nécessité d’un appel d’offre international pour la sélection du prestataire qui sera en charge de l’implémentation du système biométrique, le Chef de l’Etat a expliqué que « le débat sur cet appel d’offre peut être naturel. Pour ne pas induire les Gabonais dans l’erreur, nous avons eu recours pour la présentation technique [du 28 avril 2011 lors de la première réunion de concertation] à un des leaders mondiaux dans ce domaine [société Morpho, du groupe SAGEM/SAFRAN]. On ne devient leader mondial que si l’on est performant. […] Le choix de l’entreprise se fera sur la base d’un appel d’offres, mais avec un cahier des charges allant bien au-delà du seul aspect relevant des élections. »
Cette seconde réunion de concertation sur la biométrie fait suite à une première rencontre qui avait été organisée au Palais Rénovation le 28 avril dernier. Une concertation nationale avait en effet été décidée par le Président de la République Gabonaise suite aux appels répétés des différents partis politiques et de la société civile concernant l’utilisation de la biométrie dans le cadre des prochaines élections législatives.
Lors de cette réunion, la société Morpho, spécialiste mondial de la biométrie et de la sécurité, avait été mandatée pour présenter les aspects et contraintes techniques et financières des différents choix possibles afin que tous les responsables politiques disposent de la même information.
Deux scénarios avaient été envisagés. Le premier, qualifié « d’express », permettrait la mise en œuvre de la biométrie avant l’échéance électorale fin 2011. Cette solution qui demanderait 5 mois de travail pour un coût d’environ 60 milliards de FCFA, permettrait uniquement la mise en place des cartes électorales biométriques, avec un traitement effectué en Europe. Le deuxième scenario prévoit la création d’un site de traitement des données et de production des titres au Gabon. D’une durée d’un an environ, cette solution permettrait d’obtenir des informations qui serviront par la suite pour réaliser d’autres titres (carte de séjour, passeport, permis, carte d’identité…). Comparativement au scénario express, elle ferait économiser près de 20 milliards de franc CFA à l‘Etat.
Au-delà du débat sur la biométrie, le Président Ali Bongo Ondimba a conclu son intervention en rappelant que des élections dans un état démocratique de droit devaient avant tout donner lieu à des débats d’idées et à des confrontations de programmes. « Il est important de ne pas donner le spectacle d’une classe politique qui se déchire. Nous sommes des hommes politiques responsables et les Gabonais attendent plus de nous que des déchirements. »
Le chef de l’Etat gabonais s’est enfin félicité du « style gabonais » de concertation sur des grandes décisions impliquant l’avenir du pays qui implique une recherche de dialogue et favorise la liberté d’expression et s’est engagé à renouveler cet exercice dans le futur.