De Thomas MORFIN (AFP) – Investi lors d’une cérémonie samedi à Yamoussoukro, Alassane Ouattara est désormais pleinement président de la Côte d’Ivoire, mais il aura fort à faire pour rassembler et réconcilier, priorité pour un pays déchiré par six mois d’une sanglante crise post-électorale.
« ADO », comme le surnomment ses partisans, assis sur son majestueux fauteuil présidentiel, et entouré dans la capitale politique d’une vingtaine de chefs d’Etat, dont le président français Nicolas Sarkozy, et du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon: la fête avait tout d’un couronnement.
Même s’il est aux commandes depuis plus d’un mois, « il fallait à Ouattara le sacre de l’investiture: d’une façon symbolique, il a maintenant l’autorité », explique un expert à l’AFP.
L’intronisation a marqué l’épilogue de la crise née du refus de Laurent Gbagbo de céder le pouvoir après sa défaite au scrutin de novembre 2010, qui a conduit à dix jours de guerre dans Abidjan et à l’arrestation de l’ex-président le 11 avril.
« La Côte d’Ivoire se réconcilie et se rassemble », a assuré le nouveau chef de l’Etat.
Mais la tâche s’annonce ardue après six mois de violences qui ont fait près de 3.000 morts, selon le nouveau pouvoir.
La sécurité reste un défi majeur. Elle incombe encore aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) de M. Ouattara, c’est-à-dire aux ex-rebelles du Nord, qui à leur arrivée à Abidjan se sont livrés à des pillages massifs et sont parfois accusés de règlements de comptes.
« Il n’y a pas plus de 20% des forces jadis loyales à Gbagbo qui sont revenues au travail », souligne l’expert, pointant l’immense chantier de la réorganisation des forces armées, sur fond de méfiance entre anciens ennemis.
Alassane Ouattara a confié à son Premier ministre Guillaume Soro, « chef incontesté des FRCI », le soin de « régler ce problème », indique une source diplomatique africaine.
Lors d’un entretien sur France 24 et Radio France Internationale (RFI), M. Ouattara a en effet annoncé dimanche que M. Soro serait reconduit: « la situation est encore fragile, nous avons besoin de lui ».
Il dirigera, a priori jusqu’aux législatives prévues avant fin 2011, le « gouvernement d’union » attendu « dans les prochains jours ».
Le nouveau président a souhaité que « des éléments modérés » du parti de M. Gbagbo l’intègrent, ce qui signerait de premières retrouvailles.
Privé de l’essentiel de ses hauts cadres – en résidence surveillée ou en exil, en particulier au Ghana -, le camp Gbagbo reste pour l’instant sans voix.
Son chef est lui-même en résidence surveillée à Korhogo (nord). Il sera jugé par la justice ivoirienne, a déclaré M. Ouattara, demandant également qu’il « soit jugé par la Cour pénale internationale (CPI) », notamment pour crimes de guerre ou crimes contre l’humanité.
Pour panser les plaies, une Commission pour le dialogue, la vérité et la réconciliation a aussi été créée.
Cependant, alors que l’Etat et l’économie se remettent peu à peu en branle, autres conditions essentielles d’un nouveau départ, la quiétude est loin d’être revenue partout, avertissent des ONG internationales.
« Insécurité et violences sexuelles continuent d’accabler des communautés en Côte d’Ivoire, empêchant de rentrer chez eux des centaines de milliers de déplacés actuellement dans des camps ou des villages de Côte d’Ivoire et du Liberia » voisin, alertait cette semaine International Rescue Committee (IRC).
Visitant dimanche un camp de déplacés à Abidjan, Ban Ki-moon a promis que l’ONU, présent via sa force Onuci, aiderait le pays à « protéger les droits de l’Homme de tous les Ivoiriens ».