En compagnie de 51 autres personnes, le président du Mouvement de redressement national (MORENA, originel), Luc Bengone Nsi, un des premiers opposants du pays, a déposé, le 24 mai dernier auprès du tribunal de grande instance de Libreville, une plainte pour «usage de faux» au sujet d’un présumé acte de naissance du président Ali Bongo Ondimba. Il a rendez-vous avec le juge le 9 juin prochain.
Des Gabonais détenteurs d’un acte de naissance qui aurait été délivré à Ali Bongo, le 29 mai 2009, soit dix jours avant le décès d’Omar Bongo et qui lui aurait permis de concourir à l’élection présidentielle anticipée de 2009, ont décidé de saisir la justice. Une plainte contre X a été déposée au tribunal de grande instance de Libreville pour «usage de faux», le 24 mai 2011. Selon des sources proches de l’affaire, le tribunal a donné rendez-vous aux plaignants le 9 juin prochain à 10 heures.
Si la liste du collectif des plaignants comporte 51 noms, la plainte pour «usage de faux avec constitution de partie civile» est signée par Luc Bengono Nsi, seul personne à figurer dans l’entête de la correspondance adressée au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Libreville.
Luc Bengono Nsi spécifie qu’il porte plainte «d’abord comme ancien candidat à l’élection présidentielle 2009 au cours de laquelle ledit acte a servi à l’un des candidats pour son dossier de candidature à cette élection. Je le fais ensuite comme citoyen gabonais soucieux du respect des lois de notre pays. D’autres compatriotes, dont la liste est jointe en annexe, se sont associés à cette démarche au même titre.»
Interpellé sur le fait qu’une démarche similaire avait essuyé une fin de non recevoir à la Cour constitutionnelle lors du contentieux électoral d’août 2009, Luc Bengono Nsi, président du Mouvement de redressement national (MORENA, originel), un des premiers opposants du pays, se lance dans l’explication :
«Je ne peux pas dire que c’était une fin de non recevoir. En réalité nous avions introduit à la fois une contestation des résultats officiels et une requête sur les origines douteuses du candidat du PDG avec l’ensemble des éléments qui étaient en notre disposition. La Cour constitutionnelle a donné sa conclusion, en retenant notre requête, uniquement dans la forme, parce qu’elle me demandait d’apporter l’acte d’adoption. On ne peut donc pas dire que le dossier avait été rejeté. Mais, aujourd’hui, nous attaquons, en sa forme, l’acte de naissance qui est un document faux. Voilà pourquoi nous mettons en cause le maire qui a établi à quelqu’un un acte de naissance après cinquante ans. D’abord, on ne peut pas établir, au Gabon, un acte de naissance à une personne qui déclare être née au Congo. Ensuite, dans notre pays, ce n’est pas le maire du 3è arrondissement de Libreville qui établi les actes de naissance aux personnes nées hors du Gabon, mais celui du 1er arrondissement. Et vous n’êtes pas sans savoir que ce 3è arrondissement de Libreville c’est un petit peu l’arrondissement du sénateur Assélé qui déclare être le parent direct d’Ali Bongo. Enfin, dans l’acte de naissance mis en cause, le concerné s’appelle Ali Bongo Ondimba. Or, quand son père a pris le pouvoir, il ne s’appelait pas Omar Bongo Ondimba. Il s’appelait Albert Bernard Bongo.»
Interrogé sur sa conviction et sa garantie de ce que ledit acte de naissance, qui a circulé comme un tract durant la présidentielle anticipée de 2009, est bien celui qui figure dans le dossier du candidat PDG d’alors, Luc Bengono Nsi réplique : « Sauf si on le substitue, parce qu’il en existait un autre auparavant. Vous n’avez qu’à lire l’une des livraisons du journal « La Une » du mois d’août 2009, si mes souvenirs sont bons, qui relate toutes les tractations qui avaient eu lieu à ce sujet en ce moment là. J’avais déjà cité cet acte de naissance, je l’avais introduit dans de ma requête à la Cour constitutionnelle pour le règlement du contentieux électoral, parce que c’était cet acte de naissance qui figurait dans le dossier du candidat du PDG.»
Et le président du Morena Originel d’ajouter : «Tout le monde sait et connait la vérité. Mais, nous ne voulons pas encourager le faux. Notre effort va dans ce sens là. Nous ne voulons pas que ce genre d’acte puisse continuer. Nous avons déjà été roulés dans la farine avec Omar Bongo qui devait avoir un autre nom, si on fouille bien, et qui nous a été présenté ici comme Bongo pendant plus de 40 ans. En tous cas, nous avons beaucoup de suspicions basées notamment sur le fait que Bongo parlait couramment le Sango. Il serait sûr qu’il venait du Centrafrique. Vous devez l’écrire et moi-même je l’ai déjà écrit dans des documents. Dans cette histoire, c’est le Gabon que nous voulons défendre. Il faut mettre un frein au jeu de la France qui va chercher des gens ailleurs pour les mettre à la tête de notre pays. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’on a fait à la France ?»
Abordant les répercussions ou le bénéfice politique qu’il escompte à travers la plainte déposée au tribunal, Bengono Nsi, intarissable, lisse comprendre : «Je pose avant tout un acte en correctionnelle. Il faudrait, là-dessus, que la justice puisse fixer les Gabonais. Nous n’y voyons pas un acte politique en tant que tel. Le président des Etats-Unis, Barack Obama, a eu à fournir son acte de naissance original à la demande du public américain. Nous avons en tous cas beaucoup de suspicions au sujet de cet acte de naissance…»
Le spectre des personnes visées par cette procédure inédite initiée par une cinquantaine de personnes qui compte de nombreux membres de l’Union nationale (UN) est assez large : le maire du 3e arrondissement qui avait établi le document, le président de la Cour constitutionnelle, son collègue de la Commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP). Les plaignants espèrent que le principal bénéficiaire dudit document, en l’occurrence Ali Bongo, pourrait être aussi amené à s’expliquer.