Celui que les Américains appellent le « Perv » vit enfermé avec Anne Sinclair dans les 632 m² d’une maison de Manhattan. Rien ne filtre.
Un paillasson beige devant la porte d’entrée a beau arborer l’inscription « Bienvenue », les curieux sont invités à passer leur chemin devant le 153 Franklin Street. La dizaine de journalistes – français pour la plupart –, qui font le pied de grue jour et nuit sur le trottoir d’en face, sont devenus, malgré eux, les gardes-chiourmes de Dominique Strauss-Kahn, rapportant chacun de ses faits et gestes. « L’ancien patron du FMI et son épouse Anne Sinclair ont quitté leur domicile à 7h30 ce matin », apprenait-on vendredi d’un photographe aux aguets. Deux heures et une visite chez le médecin plus tard, le couple, escorté de gardes armés, rentrait sous l’œil des caméras dans ses pénates de luxe à TriBeCa, le quartier le plus cher de Manhattan. C’était la première sortie non judiciaire de l’ancien ministre socialiste depuis son assignation à résidence.
Selon les termes de sa libération sous caution, DSK n’a qu’une utilisation limitée et surveillée du téléphone et d’Internet, et n’est autorisé à sortir que pour aller au tribunal, rencontrer ses avocats, consulter son médecin ou se rendre dans un lieu de culte. S’il en fait la demande six heures à l’avance. Outre sa famille, l’économiste ne peut recevoir plus de quatre personnes à la fois, et hors du couvre-feu qui lui est imposé de 22 heures à 6 heures du matin. Chaque visiteur doit être fouillé par le garde armé posté à l’entrée. Même punition pour les livreurs. L’employé d’un magasin de farces et attrapes s’est ainsi fait éconduire après avoir essayé de livrer des ballons bleus, blancs, rouges et un requin gonflable, commandés par un anonyme.
L’ancien quartier de JFK Jr
L’installation de l’accusé, matricule 1.225.782, dans une maison de 632 m² louée 35.000 euros par mois et équipée d’une salle de gymnastique, d’un home-cinéma et d’un spa, au cœur de ce quartier bobo très tendance, attire les badauds par dizaines. Le voisinage peste déjà contre les propriétaires du Bristol Plaza et ceux de l’ancienne maison de ville de Katharine Hepburn, qui ont refusé de louer à ce millionnaire en eaux troubles. Selon le Wall Street Journal, la demeure de 350 m² de l’actrice défunte, à deux pas de l’ONU et louée 17.000 euros par mois, avait séduit le couple français, mais ils « cherchaient quelque chose de plus grand et meublé ». Le centre communautaire de TriBeCa n’a encore reçu aucune plainte des résidents, mais l’installation, dans l’ancien quartier de John F. Kennedy Jr et de sa femme Carolyn de celui que la presse populaire locale qualifie de « pervers », dérange. Refuge de nombreuses célébrités, dont Robert De Niro, Jay-Z et sa femme Beyoncé, le quartier fait souvent la une. Mais pour des causes autrement plus glamour qu’une affaire de crime sexuel présumé.
Le soir de son arrivée, DSK était interpellé par le cri d’une passante lui hurlant un « porc! ». Un voisin s’en est pris à un journaliste à coups de jet d’eau. « Retournez en France! » a crié un autre à un cameraman. « Quelque chose nous dit que tout ceci ne va pas aider Dominique Strauss-Kahn à redorer son image aux États-Unis », relève le site Slate. Le luxe de la maison louée par DSK, dont une visite guidée, vidéo à l’appui, est disponible sur le Net, a contribué à faire de lui un voisin bling-bling peu apprécié. Selon le maire du district de Manhattan, Scott Stringer, sa présence dans ce quartier va coûter plusieurs millions de dollars à la ville. L’élu invite donc le Français « à sortir son chéquier » pour rembourser le prix du maintien de l’ordre, des embouteillages et de tous les services annexes. Si DSK était resté à la prison de Rikers Island, sa détention aurait coûté 4.550 euros par mois aux contribuables américains.