Le pays veut devenir la destination phare des vacanciers soucieux de l’environnement. Pour que son trésor chlorophyllien et sa biodiversité fassent recette, encore faut-il que les opérateurs soient au rendez-vous.
Partir en randonnée pour pister les chimpanzés (64 000 individus), les gorilles (35 000) et les éléphants de forêt (85 000). S’amuser des cercopithèques (petits singes) à la tête bariolée, des potamochères (cochons sauvages) et des sitatungas (antilopes). Pêcher sportivement le barracuda au large de la lagune d’Iguela. Taquiner la crevette dans la mangrove du parc de Pongara (Nord-Ouest). Se lancer en pirogue à la découverte des tortues luth, compter les hippopotames, admirer les sauts périlleux des dauphins à bosse et la chorégraphie des baleines rorqual. S’extasier devant des arbres hauts de 70 mètres et dater les essences de la forêt de 10 000 ans d’âge du parc de la Lopé (Ogooué-Ivindo), le tout bercé par le chant des crapauds, à la faveur de quelques plantes hallucinogènes et arbres à fièvre… La nature a été généreuse avec le Gabon. Mais, pour le moment, l’or vert ne fait pas recette auprès des touristes.
Ici, pas question d’un Kenya bis, où les vacanciers déferlent à longueur d’année. L’aventure reste réservée à moins de 1 500 éco-explorateurs par an. Confidentialité volontaire ? Ou contrainte ?
En créant les treize parcs nationaux en 2002, sanctuarisant ainsi 11 % du territoire national, Omar Bongo Ondimba déclarait que le Gabon serait « La Mecque de la nature » et posait les jalons du tourisme durable. Dix ans plus tard, les résultats sont mitigés, mais, désormais, l’État compte mettre les moyens pour que l’écotourisme devienne rapidement un moteur de la stratégie de développement durable.
Frilosité
Sur les 15 000 entrées de visiteurs enregistrées par an depuis 2007, moins de 10 % concernent l’écotourisme. « Nous n’accueillons chaque année que 1 000 à 1 500 personnes qui viennent avec pour seul but de visiter les parcs », regrette Lee White, patron de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN).
La faute à l’absence d’infrastructures d’accueil (lodges, camps, refuges) et au manque d’accessibilité (voies de communication peu fiables). Depuis l’annonce de leur création, en 2002, jusqu’à la formation de l’ANPN, en 2007, les parcs nationaux n’ont pas bénéficié des investissements nécessaires au développement de l’activité touristique, qu’ils soient publics ou privés. « Les investisseurs admirent le potentiel, mais hésitent à s’engager », constate un cadre du ministère du Tourisme.
Une frilosité qui s’explique en partie par leur profil. La plupart de ces investisseurs sont anglo-saxons, originaires d’Afrique australe ou d’Afrique de l’Est ; ils sont habitués à travailler dans des zones de savane et craignent les aléas de la forêt équatoriale, un écosystème qui leur est étranger. Pour les opérateurs, s’installer au Gabon impose de repenser leur modèle pour l’adapter, notamment, aux intempéries du bassin du Congo et à une nature plus hostile.
Une affaire d’État
L’ANPN, si elle veut séduire les professionnels de l’écotourisme, doit impérativement maîtriser ses parcs. « Comment les investisseurs pourraient-ils venir s’ils découvrent que nos écogardes font du stop pour se déplacer ? » note Lee White. Les gardes forestiers manquent de moyens ; pourtant, leur tâche est ardue. En 2010, ils ont démantelé douze exploitations forestières clandestines et une trentaine de braconniers professionnels ont été arrêtés et écroués… La création, en avril dernier, d’une unité militaire spéciale va permettre de faire un grand pas en avant dans la sécurisation des parcs.
Les opérateurs anglo-saxons pointent plusieurs freins au développement de l’activité, dont les barrières linguistiques et culturelles – notamment la consommation de viande de brousse, qui choque les écotouristes –, le prix élevé des billets d’avion, la difficulté à obtenir des visas touristiques, l’accueil dans les aéroports et les hôtels du pays qui devrait être amélioré, le manque d’accessibilité des sites… Ils attendent par ailleurs des autorités un assouplissement de la législation du travail, visant particulièrement le fameux contrat à durée indéterminé (CDI), jugé peu incitatif.
D’autres obstacles, structurels, entravent la progression de l’écotourisme, comme le montre la cessation des activités du principal opérateur du pays dans ce domaine.
Nouveaux partenaires
Installé depuis dix ans dans le parc de Loango, Africa’s Eden SA s’est retiré en septembre dernier à la suite d’un différend opposant sa filiale, SCD Aviation, aux autorités de l’aviation civile gabonaise. « Nous sommes sur le point de signer des accords avec trois investisseurs importants, dédramatise-t-on à l’ANPN. En juin prochain, au plus tard, va commencer la construction de dix lodges haut de gamme, qui vont nous aider à lancer la destination Gabon », chacun de ces hébergements étant appelé à générer entre 100 et 200 emplois, selon les prévisions.
En janvier, la société sud-africaine Sustainable Forestry Management Africa (SFM Africa) s’est en effet associée au gouvernement gabonais pour la réalisation d’un projet de développement durable axé sur une meilleure gestion du patrimoine forestier et sur la création d’infrastructures touristiques, notamment dans la région de Mayumba (Sud). Le projet prévoit la construction de lodges de luxe dans plusieurs parcs nationaux, en coordination avec l’ANPN et les administrations gabonaises compétentes.
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