Le directeur de publication de l’hebdomadaire « Echos du Nord », Désiré Ename, a été l’objet d’un traquenard, le 2 juin dernier, qui l’a conduit à être gardé à vue dans les locaux de la Police judiciaire (PJ). Il n’a été relaxé que vers minuit et devait y retourner ce matin. Les contours de cette interpellation.
Désiré Ename, directeur de publication de l’hebdomadaire « Echos du Nord », a été interpellé, le 2 juin, et retenu dans les locaux de la Police judiciaire (PJ) jusqu’aux alentours de minuit.
La Police lui a demandé de se présenter à nouveau ce vendredi 3 juin. Il ne s’y est pas rendu «Pour la simple raison qu’il faut qu’ils m’envoient d’abord un mandat en bonne et due forme et parce qu’on ne peut pas me demander d’aller signer un Procès-verbal que j’ai déjà signé hier», explique le directeur de publication, joint au téléphone dans la matinée du 3 juin. De plus, sur recommandation de son avocat, Me Paulette Oyane, il ne devra désormais obtempérer que sur présentation d’un mandat établi en bonne et due forme et en la compagnie de son conseil.
Les conditions de l’interpellation du journaliste tiennent d’ailleurs du traquenard, ainsi qu’il le relate : «Quelqu’un m’a appelé en prétextant qu’il avait une information capitale à me livrer. Ainsi que cela se fait assez souvent dans notre métier, il y a des personnes qui ont peur de se montrer avec les journalistes auxquels ils veulent communiquer des informations. Nous avons donc convenu d’un rendez-vous dans un café tranquille du front de mer. Avant de se pointer, l’inconnu m’a rappelé à 19h14 pour s’assurer de ce que je ne vendrais pas la mèche quant à l’origine des informations qu’il allait me livrer. Je lui ai assuré qu’en tant que professionnel, ce que j’ai de plus cher ce sont mes sources que je les protège toujours et toujours. Lorsqu’il se pointe, il prétexte d’être observé par des personnes bizarres puis ressort du café. C’est à ce moment que trois personnes m’encerclent et m’enjoignent de les suivre parce qu’ils sont de la PJ. J’ai dû regimber, demander des preuves de leur appartenance à la PJ, pour qu’enfin ils me présentent des cartes d’identité de police. C’est à moment que j’ai consenti à les suivre. Nous sommes arrivés dans les locaux de la PJ aux environs de 19h30».
L’interpellation de Désiré Ename se rapporte à la publication, dans la dernière livraison des « Echos du Nord », d’un article intitulé «D’où vient Ali Bongo Ondimba ?» relatif à un acte de naissance ayant circulé comme un tract lors de la présidentielle anticipée de 2009 et qui fait l’objet d’une plainte contre X déposée au tribunal de grande instance de Libreville pour «usage de faux», le 24 mai 2011. Un collectif de 50 personnes emmenées par le président du Mouvement de redressement national (MORENA, originel), Luc Bengone Nsi, en sont les plaignants. Le tribunal leur a donné rendez-vous le 9 juin prochain à 10 heures.
De nombreux professionnels de la presse estiment que l’article des « Echos du Nord » est équilibré et nullement diffamatoire. Certes interrogatif, le texte cite une certaine Alexandrine Okayi, épouse Otsobogo, qui conforte les thèses de Patience Dabany, mère du président Ali Bongo, au sujet de la naissance de celui-ci. L’article est illustré d’un fac-similé de l’acte de naissance problématique.
Ce document, vulgarisé durant la campagne de l’élection présidentielle de 2009, circulant actuellement sur l’Internet et récemment publié par d’autres journaux, est vraisemblablement le mobile de l’arrestation du journaliste. Les questions qui lui ont été posées par la police ont tourné autour de deux axes principaux : Comment s’est-il procuré cet acte de naissance et quelles relations a-t-il entretenu ou entretient-il avec Luc Bengone Nsi, le président du Morena originel.
De nombreux journalistes gabonais s’étonnent d’autant plus que cette interpellation porte sur des questionnements que de nombreux autres titres de la place ont poussé à la suite de la plainte susmentionnée de Bengone Nsi.
Interrogé sur les plausibles artisans de son interpellation, le directeur des « Echos du Nord » explique : «Je relate un fait simple. C’est que lundi, après la parution du journal, quelqu’un s’est présenté à moi comme étant un émissaire de Mr Frédéric Bongo, que je ne connais pas, pour me faire entendre que celui-ci me règlera mes comptes ainsi qu’à mon journal. Je ne peux pas dire qu’il est à l’origine de mon interpellation, mais je dois relever cet antécédent que je ne trouve pas du tout négligeable. Parce que, c’est à la suite de cela que les choses se sont enchainées, dont ce qui m’est arrivé hier et qui n’avait rien à voir avec une arrestation mais un enlèvement.»