Le Procureur de la République a signifié au conseil d’André Mba Obame, le 3 juin, la non-levée de l’interdiction de sortir du territoire qui frappe l’opposant, malade d’une hernie discale dont il doit se faire opérer à l’étranger. Dans le même temps, il a de nouveau été convoqué au B2 (Contre ingérence militaire) pour le mardi 07 juin 2011. L’échange épistolaire entre le Procureur et le conseil d’André Mba Obame.
Par courrier daté du 3 juin 2011, Patrice Kikson Kiki, Procureur de la République, a signifié à Me Lubin Ntoutoume, avocat de l’opposant André Mba Obame, que son client ne saurait bénéficier de la levée de son interdiction de sortir du territoire «en l’état actuel de la procédure» judicaire enclenchée contre lui.
L’avocat à la Cour avait en effet introduit, courant mai 2011, une requête auprès du Procureur de la République en vue d’obtenir l’autorisation de laisser partir André Mba Obame à l’étranger pour nécessités médicales. Cette requête faisait suite à l’aggravation de l’état de santé de l’opposant dont les examens médicaux, effectués à la Polyclinique El Rapha de Libreville, ont conclu à la nécessité et à l’urgence d’une évacuation sanitaire visant à le faire opérer, en milieu hospitalier spécialisé, de la hernie discale dont il souffre.
Tout en soulignant l’égalité de tous les citoyens Gabonais devant la loi, le président de la République, Ali Bongo, s’est prononcé sur le sujet, le 1er juin à Koulamoutou, en indiquant qu’il «existe des procédures pour tous ceux doivent être dits évacués sanitaires (…) Rien de plus facile de faire constater par ceux dont c’est le métier l’état de santé de monsieur André Mba Obame.» Le chef suprême de la magistrature avait au préalable souligné qu’il serait bon pour l’opposant de «manifester le plus grand respect pour les institutions de son pays.» Préalable sur lequel semble s’appuyer le Procureur de la République pour justifier son refus de lever l’interdiction de sortir du pays qui pèse sur l’ancien ministre de l’Intérieur.
On peut en effet lire dans la lettre du Procureur de la République à Me Lubin Ntoutoume : «je tiens à vous rappeler que votre client fait l’objet d’une enquête judiciaire. Je constate cependant qu’il s’obstine à ne pas déférer aux convocations qui lui sont adressées pour être entendu en enquête préliminaire, alors que des garanties de son intégrité physique lui ont été données.» Et d’ajouter un peu plus bas : «Je pourrais comprendre la nécessité pour lui d’être pris en charge dans un milieu spécialisé afin de subir un traitement médical si toutefois il déférait aux convocations qui lui sont adressées.» Cette lettre du Procureur de la République est arrivée au cabinet du conseil d’André Mba Obame presque synchroniquement avec une convocation de celui-ci au B2 (Contre ingérence militaire) pour le mardi 7 juin 2011.
Répondant à cette correspondance ce même 3 juin, Me Ntoutoume a adressé au Procureur de la république une lettre dans laquelle on peut lire, concernant l’état de santé d’André Mba Obame : «(…) Je crois qu’il est donc de votre devoir de l’autoriser à sortir du Gabon pour se faire prendre en charge par une structure hospitalière spécialisée. Car dans cette affaire, et vous en conviendrez avec moi, non seulement il est couvert par le principe de la présomption d’innocence, mais encore et surtout les délais de prescription sont une autre garantie pour le Parquet qu’il pourra toujours déférer valablement à votre sollicitation. Mon client n’a nullement l’intention de se soustraire à la justice. Il l’a déjà dit. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que j’avais suggéré qu’il soit entendu par un membre du Parquet à son domicile. Cette demande reste actuelle et se précise vu son dossier médical.»
L’avocat sollicite donc que l’audition pour enquête de l’opposant malade se fasse en son domicile. Que ce soit celle envisagée le 7 juin ou une autre dont le parquet fixera la date à sa convenance.
Le 11 mars 2011, alors qu’il était sorti du PNUD où il s’était exilé après avoir prêté serment et formé un gouvernement alternatif, André Mba Obame a écrit à Zacharie Myboto en ces termes : «Je vous prie de bien vouloir transmettre au Président de l’Assemblée Nationale mon accord pour laisser se dérouler normalement la procédure de levée d’immunité parlementaire demandée par le Procureur général.» Le président Ali Bongo faisait sans doute allusion à cette attitude lorsqu’il a dernièrement dit, à Koulamoutou, «Il a souvent manifesté le plus grand respect pour les institutions de son pays. Nous pensons qu’il serait bon qu’il continue dans cette voie là : manifester le plus grand respect pour les institutions de son pays.»
Si l’on s’en tient aux écrits de Me Lubin Ntoutoume, son client ne refuse pas d’être entendu. Il souhaiterait, au regard de son état de santé actuel, que cela se fasse à son domicile. Selon certaines juristes Gabonais, des dispositions juridiques existent à cet effet. En France, par exemple, l’article 416 du Code de procédure pénale établi ce qui suit : «Si le prévenu ne peut, en raison de son état de santé, comparaître devant le tribunal et s’il existe des raisons graves de ne point différer le jugement de l’affaire, le tribunal ordonne, par décision spéciale et motivée, que le prévenu, éventuellement assisté de son avocat, sera entendu à son domicile ou à la maison d’arrêt dans laquelle il se trouve détenu, par un magistrat commis à cet effet, accompagné d’un greffier. Procès-verbal est dressé de cet interrogatoire.»
Quelle attitude va donc adopter la machine judiciaire gabonaise ? Quelle suite va-t-elle donner à la requête de Me Ntoutoume ? Wait and see.