De ses déconvenues avec le groupe parlementaire PDG au procès contre Comilog, en passant par ses ambitions politiques, Paulette Oyane Ondo est sur tous les fronts. Dans cette interview, l’avocate et élue du canton du Woleu, évoque ses grands dossiers et clame sa détermination pour la construction d’un «Gabon républicain».
Qu’est-ce qui peut pousser un avocat jouissant d’une bonne réputation comme vous, à se présenter à la députation ? Recherche d’immunité ou de prestige ?
Je suis devenu député par choix, mais je suis entré en politique par hasard. Et comme j’y étais [dans la politique] et les élections se présentant, j’ai considérée que je devais me présenter et c’est bien que les femmes soient au devant du combat politique, qu’elles aillent à la conquête du suffrage universel. Ça n’a rien à voir avec la recherche de l’immunité car je n’ai pas besoin de me cacher derrière quelque chose, je ne fait rien de mal. Et puis surtout, ça n’a vraiment rien à voir avec le prestige, parce que je suis connue comme avocat mais pas du tout comme député.
Les dernières rumeurs font état de votre victoire sur l’Assemblée nationale devant l’Union interparlementaire (UIP). Qu’en est-il dans les faits ?
Ce n’est pas une rumeur, j’ai gagné. C’est-à-dire que l’objectif inavoué des autorités de l’Assemblée nationale était de me démettre de mes fonctions de député. Lorsque que j’avais été convoqué au conseil de discipline, qui avait fait l’actualité, l’objectif était de m’exclure du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), pour que je perde mon siège à l’Assemblée. Pourquoi ? Parce qu’il y a une disposition dans la Constitution qui, bien qu’affirmant que le mandat impératif est nul, indique quand même qu’en cas de démission ou d’exclusion du parti, on perd son siège à l’Assemblée nationale. Et cette disposition assujettie et infériorise le suffrage universel par rapport à la volonté d’un parti.
J’ai là une copie de la décision rendue par l’Union interparlementaire, qui a été notifiée à l’Assemblée nationale et qui dit clairement que premièrement, un député est député par le suffrage universel et le suffrage universel est une valeur cardinale en démocratie, donc on y touche pas. Deuxièmement cette décision dit que la liberté d’expression est fondamentale pour un député et que ce dernier n’a de limite que sa conscience. Désormais, si un député veut parler pour le peuple au Gabon, il peut le faire, il ne craint plus rien. Car cette décision crée une jurisprudence qui protège la liberté des députés qui ont envie de défendre les intérêts de la population, et pas seulement les diktats du parti.
Il est également connu que vous avez écrit à Luc Marat Abylat, président du groupe parlementaire PDG, pour le paiement que 50 millions de FCFA que le parti vous doit. Où en est-on à ce sujet ?
A ce sujet, deux procédures existent au moment où nous parlons. Le groupe parlementaire donne 25 millions de FCFA par an aux députés pour qu’ils puissent réaliser des projets auprès des populations. Moi, on ne me les donne pas, ces millions. Je considère donc qu’on me discrimine, d’autant que cet argent est issu des fonds publics. Nous sommes au minimum 80 députés dans le groupe, et en multipliant ce chiffre par 25 millions, vous obtenez plus de 2 milliards, donnés aux députés chaque année. Le groupe parlementaire ne dispose d’aucune ressource pour produire cette somme, c’est donc de l’argent public. Et en matière de fonds publics, la loi indique clairement qu’il faut traiter toutes les personnes concernées par ces fonds, de manière égale. On ne doit pas discriminer quelqu’un car la base du fonctionnement de la République c’est l’égalité, la non discrimination. Quand on donne l’argent des Gabonais à certains députés et pas à moi, je considère que c’est de la discrimination.
Donc sur cette base-là, j’ai porté plainte contre le groupe parlementaire pour discrimination aussi bien devant les juridictions gabonaises qu’étrangères. Devant les juridictions locales, cette affaire passe le 5 juillet, dans quelques jours. Une assignation a été déposée à Luc Marat Abylat pour le lui notifier. Parallèlement, car il y a une instance qui s’occupe exclusivement des droits des parlementaires, pour cette discrimination j’ai également saisi l’Union interparlementaire. Je considère que chez moi, si je suis député, je dois être traitée comme mes semblables. Si je laisse mes droits être piétinés au Gabon, où irai-je les revendiquer ? Si ce pays est le mien, si j’ai des droits, tout le monde doit les respecter, je bien tout le monde.
Où en est l’affaire concernant l’intrusion des forces de l’ordre dans votre résidence secondaire dans le Woleu-Ntem ?
Pour cette affaire, je suis en train de faire plusieurs choses. Je prépare actuellement une requête pour saisir à nouveau l’Union interparlementaire, car mon domicile a été violé. Dans cette même affaire, je suis en train de rédiger une citation directe contre le commandant de la brigade des recherches d’Oyem, parce qu’il faisait partie du commando qui a saccagé mon domicile, il faisait partie des gens que les populations ont identifiés. Donc toutes les personnes, qui ont été physiquement été identifiées et dont je retrouverai les noms, je les emmènerais devant le tribunal correctionnel. Ce procès j’ai envie de le faire pendant les vacances.
Je prépare également une saisine du rapporteur spécial chargé des défenseurs des droits de l’homme des Nations unies, pour dénoncer le fait que la puissance publique, cinq camions de gendarmes, ont vandalisé mon domicile. Je vais saisir l’Union africaine, je suis en train de préparer ça. Je prépare également une saisine, avec les populations du canton Woleu, contre l’Etat gabonais devant le Conseil d’Etat, pour des violations et exactions qui ont été commises dans un village. Je suis donc en train de préparer tout cela. Par ailleurs, j’ai écrit au ministère de l’Intérieur, à la direction des droits de l’homme, pour leur faire part des violations dont j’ai été victime. Je ne sais pas quelle suite sera donnée à cela, mais dans tous les cas, le Gabon en tant qu’Etat, devra répondre car il doit protéger les droits de l’homme de tout le monde.
Comment l’avocate que vous être entrevoit-elle l’issue de la plainte que vous défendez aux côtés de la société civile contre la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog) ?
On ne peut que gagner. Les gens ne savent pas souvent de quoi ils parlent. Ma plainte contre Comilog est fondée exclusivement sur les violations massives des droits de l’homme. La gestion de cette compagnie ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse et ce pourquoi j’ai été saisie, c’est que les populations de Moanda souffrent. Beaucoup d’entre elles ont été expropriées, des gens vivaient où se trouvent les mines de Comilog. Ce sont donc des gens qui ont perdu leur vie, leurs logements, leur traditions, leurs rituels, leurs habitudes de vie. Il y a l’exploitation du minerai qui a dénaturé l’environnement, c’est visible. Il y a des rapports scientifiques établis sur toutes ces violations massives, toutes ces atteintes portées aussi bien à la nature qu’aux droits humains.
Moi, c’est là-dessus que je me base. Le procès commence le 28 juin au Gabon. Si le juge gabonais dit le droit, respecte la lettre de droit, tant mieux. Mais si le juge voit les choses autrement, nous allons devant la commission africaine des droits de l’homme et des peuples ou devant le comité des Nations unies pour les droits de l’homme. Ma plainte porte donc sur les droits de l’homme, car dès que la violation de ces droits est démontrée, vous ne pouvez pas perdre un procès.
On vous a parfois vu défendre des causes parfois perdue, comme celle de « Echos du Nord » contre le Conseil national de la communication. Etes-vous un avocat engagé, à l’instar de Me Verges ?
Je ne sais pas pour Me Verges, mais oui, je suis un avocat engagé. Je suis résolument engagée pour les droits de l’homme, je suis résolument engagée pour que le Gabon soit une république. Dès qu’il y a une action qui concerne les principes républicains, les valeurs de démocratie, les principes des droits de l’homme, je monte au front, c’est aussi simple que ça.
Comptez-vous briguer un nouveau mandat de député ?
Je me représente, ah ça c’est clair. Mais je ne sais pas encore si sera en indépendant ou sous la bannière d’un parti politique. Lorsque que les élections arriveront, je verrai bien ce que je ferai à ce moment-là.