Sur le terrain, la situation militaire tourne en faveur du régime, jugent les dirigeants libyens. Selon eux, les rebelles ont démontré qu’ils n’avaient pas les moyens de s’avancer vers la capitale.
Mouammar Kadhafi, même s’il a le «dos au mur», se battra «jusque dans l’au-delà». Dans un message audio diffusé par la télévision libyenne, le colonel libyen a lancé un nouveau message de défi à l’Otan, qu’il accuse de «tuer nos enfants et nos petits-enfants». Une allusion au raid aérien mené le 20 juillet contre la maison du général Khouildi Hamidi, compagnon historique et proche conseiller du Guide, qui a causé la mort de 15 personnes.
La femme, enceinte du fils du général, et ses trois enfants ont notamment été tués à cette occasion. L’Otan affirme que la villa, totalement détruite, servait également de centre de commandement. Le général Hamidi a survécu au raid. Il assistait mardi aux funérailles, enveloppé dans un burnous traditionnel. Il ne se trouvait sans doute pas dans sa maison quand les missiles sont tombés. Les dirigeants libyens ont en effet abandonné les bâtiments militaires, mais aussi leurs domiciles et se déplacent régulièrement d’un endroit à l’autre.
Comme le montre la harangue du colonel, les responsables libyens sont persuadés que le temps travaille désormais pour eux. Kadhafi parie sur l’enlisement et sur les divisions de l’Otan, ainsi que sur une éventuelle lassitude des opinions publiques occidentales. Les déclarations italiennes réclamant une trêve des bombardements ont été accueillies comme une confirmation de cette théorie. «La guerre contre la Libye changera l’Otan», affirmait il y a une semaine au Figaro Seïf al-Islam, le fils préféré du Guide. Gardant un œil sur les débats au Congrès, le régime libyen estime pouvoir négocier avec Washington, «dont la position est plus modérée», assure-t-on à Tripoli.
Insurrection intérieure
Sur le terrain, la situation militaire tourne en faveur du régime, jugent les dirigeants libyens. Selon eux, les rebelles ont démontré qu’ils n’avaient pas les moyens de s’avancer vers la capitale. L’issue militaire et politique du conflit se joue à Misrata, estiment les autorités. Raison pour laquelle Kadhafi ne relâchera pas la pression sur ce bastion des rebelles, à 200 km à l’est de Tripoli.
La capitale elle-même semble pouvoir tenir. Le gasoil, carburant des véhicules militaires, n’est pas rationné. Les minibus à moteur Diesel continuent d’assurer les transports en commun. Seules les voitures particulières, qui marchent toutes à l’essence, font la queue aux stations-service. Quant aux munitions, le régime jure en posséder assez «pour dix ans».
L’hypothèse d’une insurrection intérieure, souhaitée par l’Otan, ne s’est pas concrétisée jusqu’ici. Une certaine tension règne tout de même à Tripoli, qui a connu quelques nuits agitées jusqu’à ces deux derniers jours. Des rafales d’armes automatiques se faisaient entendre. Un sympathisant du colonel reconnaît «quelques rares attaques contre des check-points» de l’armée. Le garde d’une personnalité de la télévision libyenne est mort par balle devant un hôtel abritant en majorité des journalistes étrangers, probablement abattu par un sniper. Quelques slogans recouverts de peinture blanche ne chantaient sûrement pas les louanges du Guide. Et, raconte un habitant, on retrouve parfois le drapeau rouge, noir et vert de la révolution attaché sur le dos de chats errants, ou accroché à des ballons flottant dans l’air.
«Cellules clandestines»
Mais les «cellules clandestines» annoncées par Benghazi ne se sont pas manifestées de façon significative. Des Tripolitains évoquent aussi des règlements de comptes personnels, favorisés par la distribution d’armes à une partie de la population. De nombreux habitants de la capitale restent cependant fidèles au colonel, redoutant l’arrivée des rebelles de l’Est et la possibilité d’une guerre civile. «Tout le monde est armé maintenant», soupire un commerçant.