Bernard Kouchner reprend ses activités de conseil aux entreprises et aux gouvernements étrangers, qui avaient suscité beaucoup de polémiques. L’ex-ministre des Affaires étrangères vient de créer une société au nom explicite, No Borders Consultants. Mais s’il est déjà très actif en Guinée, c’est selon lui à titre bénévole : le Président est un ami.
Pour son retour dans le privé, Bernard Kouchner a choisi une référence à son passé chez Médecins sans Frontières. Le 10 juin, il a enregistré au tribunal de commerce de Paris les statuts de No Borders Consultants, une société domiciliée à son adresse personnelle.
« Développement durable, santé et relations internationales »
Selon ses statuts, No Borders Consultants travaillera « en France et à l’étranger » dans « le conseil en développement durable, santé, relations internationales, et toutes prestations de services se rapportant à cet objet ». Bernard Kouchner en est le président et le principal actionnaire, aux côtés de ses enfants et de sa femme Christine Ockrent.
Depuis le remaniement de novembre, Bernard Kouchner s’est fait discret. Comme l’avaient signalé Les Inrockuptibles, son statut d’ex-ministre lui a permis de bénéficier pendant six mois d’un bureau dans une annexe du ministère, d’une secrétaire et d’une voiture de fonction. Il a dû renoncer à ces avantages mi-mai, explique-t-on au Quai d’Orsay.
C’est surtout à l’étranger qu’on a pu apercevoir Bernard Kouchner. Le 5 avril, il participait ainsi à Genève à « Gateway to Africa » (« Passage vers l’Afrique »), une conférence pour VIP privés et publics. Présenté par le programme comme un « humanitaire de renommée mondiale, diplomate, visionnaire et médecin », il était venu dresser un bilan des systèmes de santé en Afrique.
Un dossier sur lequel il travaille déjà, en Guinée. Bernard Kouchner connaît bien le pays – et son président Alpha Condé, un ami de jeunesse. Fin janvier, il a ainsi visité plusieurs hôpitaux locaux et discuté de la création d’un système d’assurance maladie. « Il n’y a pas de santé gratuite », aurait-il conclu, selon les médias locaux.
Les conseils qu’il fournit à la Guinée seraient, eux, gratuits. Rue89 a tenté de joindre Bernard Kouchner par l’intermédiaire de son entourage, sans succès. Dans La Lettre du continent, en février, l’ex-ministre assurait en tout cas intervenir « à titre bénévole et à la demande du président Condé ». Et il s’est insurgé lorsque L’Express a suggéré qu’il avait « autant le sens des affaires que celui de l’amitié » :
« Je n’ai aucune activité professionnelle ou intérêts commerciaux en Guinée. »
Des rapports controversés pour le Gabon et pour Total
Cette mission en Guinée en rappelle une autre, au Gabon. Payante, cette fois-ci. Entre ses passages aux ministères de la Santé – sous Lionel Jospin – et des Affaires étrangères – sous Nicolas Sarkozy –, Bernard Kouchner avait en effet rédigé un rapport controversé sur le système de santé gabonais. Il avait été recruté par des cabinets dirigés par deux de ses proches.
Problème : le Gabon a tardé à régler la facture des deux cabinets. Dans son livre « Le Monde selon K », paru en 2009, le journaliste Pierre Péan soupçonne Bernard Kouchner d’avoir profité de ses nouvelles fonctions au Quai d’Orsay pour obtenir le paiement. Bernard Kouchner avait démenti tout conflit d’intérêts.
Ce n’était pas la première polémique sur ses activités de consultant-vedette, entre humanitaire et affaires, public et privé. En 2003, Total avait commandé un rapport à Bernard Kouchner et à sa société personnelle, BK Conseil, en réponse à des accusations de « travail forcé » en Birmanie. Un rapport trop favorable au géant pétrolier, selon certains défenseurs des droits de l’homme.
Bernard Kouchner avait liquidé BK Conseil en 2007, à son arrivée au ministère des Affaires étrangères. Son autre société, BK Consultants, avait été simplement « mise en sommeil », puis liquidée en 2009 lorsque la polémique sur la mission au Gabon avait éclaté. En créant aujourd’hui No Borders Consultants, Bernard Kouchner revient donc à un métier qu’il connaît bien. Saura-t-il cette fois-ci éviter les polémiques ?
Photo : Bernard Kouchner au Quai d’Orsay en juin 2008 (Audrey Cerdan/Rue89).