Les insurgés envisagent de poursuivre leur effort militaire durant la période de jeûne.
Envoyé spécial à Jadu (ouest de la Libye)
L’idée de profiter du ramadan, qui durera tout le mois d’août, pour imposer une trêve et avancer vers une résolution du conflit libyen est toujours caressée par nombre de chancelleries occidentales. Les encouragements que la Maison-Blanche vient d’apporter à une médiation de la Russie, après les discussions engagées par la France avec l’entourage de Mouammar Kadhafi, prouvent que les nations de l’Otan participant aux frappes aériennes sur la Libye sont plus que jamais à la recherche d’une solution diplomatique.
Quatre mois après le déclenchement des hostilités, la solution militaire n’est en effet toujours pas en vue. L’offensive générale des rebelles sur Tripoli, hâtivement promise il y a deux semaines par les rebelles, a déjà tourné court. Les Occidentaux, notamment les Français, qui avaient parié sur ce scénario, ont revu leur copie militaire et relancé les discussions diplomatiques.
Responsable du conseil militaire dans le Djebel Nefousa, Juma Ibrahim, note cependant qu’il est «jusqu’à présent impossible de trouver une solution politique. Kadhafi veut rester en place et les rebelles ne le veulent pas». Il traduit ainsi, non pas uniquement le point de vue des combattants de l’Ouest libyen, qu’il dirige, mais également celui de ses frères d’armes de Misrata et de Benghazi.
Équilibre des forces
À moins d’une disparition soudaine de Mouammar Kadhafi, la guerre civile libyenne promet ainsi de se poursuivre sur son curieux tempo, entre guerre et paix. Rien ne sera sans doute réglé d’ici au ramadan, dont on peut douter qu’il apporte une solution politique. «Notre religion prévoit que l’on puisse, dans des cas extrêmes comme la guerre, repousser le mois de jeûne», explique Habil Aribi Doui, qui commande les forces rebelles de Jadu, dans le Djebel Nefousa. Ce ne serait pas la première fois qu’un pays musulman poursuit son effort militaire pendant ce mois. Une éventualité prise en compte par l’Otan.
Son porte-parole pour l’opération libyenne «Protecteur unifié» a récemment déclaré : «À propos du ramadan, il faudra voir si les forces de Kadhafi continuent de bombarder», ce qui ne manquerait pas de justifier des interventions des avions français et britanniques. Dans la quinzaine de jours qui les séparent d’août, les rebelles escomptent conforter leur avantage avant que ne s’engagent la bataille de Tripoli ou un règlement diplomatique du conflit imposé par l’Otan et les Occidentaux. C’est à l’ouest, dans le Djebel Nefousa, que leurs combattants ont le plus progressé ces dernières semaines. Toutefois, après avoir pris le hameau de Gualich la semaine passée, ils l’ont brièvement perdu, mercredi, avant de le reprendre en fin de journée. Ce va-et-vient prouve la réalité de l’équilibre des forces sur le terrain. Les rebelles n’en continuent pas moins de préparer la bataille d’al-Asaba, du nom d’une bourgade qui, prise, leur permettrait de mener l’attaque sur Gharyan. Gagner la dernière grande ville du Djebel Nefousa, qui leur ouvrirait la route de Tripoli, à 80 km plus au nord, ne sera toutefois pas facile.
À l’est, la ligne de front a été fixée il y a plusieurs mois à Ajdabiya. Mais les combats ont repris jeudi dans la région de Brega, faisant un mort, et les rebelles de Benghazi se déclarent prêts à lancer également l’offensive sur Ras Lanouf. Ils avaient brièvement occupé ces deux importants centres pétroliers au début du conflit. Ils ne pousseront sans doute pas leur avantage en cherchant à s’emparer de Syrte afin de joindre leurs forces à celles de leurs compagnons d’armes de Misrata. Ce plan nécessiterait un trop lourd investissement en hommes et en temps, vu l’importance des troupes kadhafistes stationnées à Syrte, ville de naissance du dictateur.
Sur le front de Tripolitaine, depuis deux mois les rebelles de Misrata butent toujours sur la ville de Zliten, à seulement une poignée de kilomètres de leurs positions. Ces derniers jours, ils sont parvenus à contourner Zliten, mais ne sont pas encore pour l’instant entrés dans cette ville. Eux-mêmes encerclés, les rebelles de Misrata ne peuvent aisément faire mouvement vers Tripoli sans prendre le risque d’être pris à revers.
Les villes qui, au début de cette guerre civile, ne sont pas passées dans le camp de la rébellion, sont ainsi demeurées fidèles au dictateur. Les cités côtières de Syrte et Homs, les villes du désert de Ben Walid et Sabha sont toujours reliées à Tripoli, d’où Mouammar Kadhafi dirige les mouvements de ses troupes et leur ravitaillement. Et où il se prépare à mener la dernière bataille qui, si elle a lieu, promet un bain de sang.