Le vol à main armée de 100 millions de francs CFA, le 6 juin dernier, au domicile de Léon Ndong Ntem, ex-directeur général du Budget, n’a pas fini de dévoiler son arrière-boutique. Continuant sa série de révélations à ce sujet, l’hebdomadaire satirique « La Griffe » a publié, le 15 juillet dernier, la suite des procès-verbaux établis par la police judiciaire sur cette affaire. Cette fois, ces documents soulignent et mettent en exergue l’inclination au lucre et la compromission des forces de l’ordre du pays avec des gangsters du dimanche. La brigade des ripoux existe.
L’hebdomadaire satirique « La Griffe » a continué, dans sa livraison du 15 juillet dernier, la publication du verbatim des dépositions effectuées par les suspects auprès de la Police judiciaire au sujet du vol à main armée commis, le 6 juin 2011, chez Léon Ndong Nteme, ex-directeur général du Budget. Le satirique tourne en dérision l’ire des hiérarques de la police qui, s’étonnant de ce que ces procès-verbaux soient sortis du giron judiciaire, mènent une enquête en vue d’élucider la fuite ou le recel de ces documents, «au lieu de chercher à faire amende honorable et tenter de redorer un blason déjà bien terni par l’incurie, l’immobilisme, l’affairisme, les magouilles, l’association de malfaiteurs et l’usure d’une hiérarchie visiblement dépassée», remarque « La Griffe ».
Une source proche du titre assure que le maire du 3è arrondissement de Libreville, Serge Williams Akassaga Okinda, bénéficiaire de 150 000 francs, extorqués devant lui et avec son appui, à l’un des gangsters, a convoqué Olivier Konaté Nkombé, directeur de la rédaction de « La Griffe », pour se justifier, le catéchiser et l’impressionner avec un name-dropping fortement émaillé du patronyme présidentiel.
Cupidité époustouflante
Mais, ainsi que l’a écrit un Internaute réagissant sur Gaboneco, «comment passer sous silence le fait qu’un élu, grand donneur de leçons, magistrat (de par son statut de maire) se rende complice d’un vol ? Comment se taire quand l’attaché de cabinet de ce maire, se fait passer pour un flic, au vu et au su du maire ? Quelle crédibilité donner aux actes signés par un tel maire ? Comment admettre qu’un maire s’enfonce pour 150.000 F ? Que ferait-il alors pour des millions ?» Dans les démocraties qui se respectent ou dans un pays qui voudrait vraiment accéder à l’émergence tant souhaitée, Serge Akassaga Okinda aurait déjà été contraint à la démission. Il devrait se réjouir de ce que la presse locale n’a pas fait un tintamarre de son acte, d’une insoutenable légèreté.
Bref, ce maire à la cupidité époustouflante n’est plus cité dans les procès-verbaux publiés en seconde cuvée par l’hebdomadaire satirique. Cette fois, il est uniquement question de policiers et gendarmes qui se servent de leur parcelle de pouvoir pour extorquer de l’argent aux braqueurs. Les différentes confessions démontrent que la police et la gendarmerie ne mènent pas d’enquête. Dans cette affaire, elles sont informées par des personnes qui les mettent à contribution parce qu’elles convoitent elles-mêmes une part du butin.
Indicateurs convoiteux et flics véreux
Ainsi, incité par son grand frère, Chrysostome Ngounagou , ami de Rodrigue Dang Kakpovi, décide de soutirer de l’argent à son braqueur d’ami qui avait bénéficié de 16 millions dans le partage du butin chapardé au domicile de Léon Ndong Nteme. Il crée à cet effet une connivence avec des éléments de la force publique, par l’entremise de sa sœur, dénommée Mamie, en service à la Gendarmerie nationale. Dans ses aveux Chrysostome Ngounagou raconte : «les agents arrivaient donc à la gare de Setrag et procédaient, suivant mes orientations téléphoniques, à l’interpellation du dénommé Rodrigue qu’ils dépouillaient dans un premier temps de la somme de 4.400.000 francs CFA.»
Après quoi, les gendarmes vont cuisiner le père de Rodrigue qui leur remet 5 millions de francs CFA. En contrepartie de quoi, «ils remettaient une somme de 300.000 francs à Rodrigue pour son voyage, et 100.000 francs à son père pour son « taxi »», révèle Chrysostome Ngounagou. On en retiendra donc que les gendarmes soutirent l’argent aux voleurs et les aident à s’évanouir dans la nature.
La Gendarmerie n’est pas la seule à agir ainsi. Car, le lendemain Rodrigue Dang Kakpovi est à nouveau interpellé ; cette fois par des policiers. «Il me dira avoir remis à ces dernier, pour recouvrer sa liberté, la somme de 1.500.000 francs CFA», a témoigné Chrysostome Ngounagou dans sa déposition.
Tout ceci n’est nullement démenti dans la déposition de Franck Jenny Saba Okouyi, maréchal de logis à Direction générale des recherches (DGR). De fil en aiguille et au terme d’interventions musclées dans des lieux où il arrivait grâce à des indicateurs-complices âpres au lucre, ce gendarme a ainsi réussi à détourner 9 millions de francs CFA issus du braquage. «J’ai cédé à la tentation, en prenant les 9 millions et je les ai libérés en remettant au père 500.000 francs. Je me suis retrouvé vers 19 h 00, avec l’informateur et son frère à qui j’ai remis 2 millions de francs et j’ai remis à mon ami Odounga Grégoire 2,5 millions, moi-même j’ai pris le reste à savoir 3.500.000 frs.»
Les procès-verbaux publiés par « La Griffe » laissent comprendre que pour son sale boulot, Théodore Dipaka, indic des gendarmes, a reçu 1 million de francs CFA et Chrysostome Ngounagou, ami du braqueur Rodrigue, s’en tire également avec 1 million.
L’affaire Léon Ndong Nteme est loin d’avoir livré toutes ses effluves. On retient à ce stade d’évolution du dossier que les prétendus limiers de la force publique gabonaise ne mènent pas d’enquête ; qu’ils obtiennent leurs renseignements de personnes qui convoitent eux-mêmes l’argent volé ; que la torture physique, notamment le fameux pont, est leur méthode d’interrogatoire favorite et surtout que les agents des forces de police ou de gendarmerie, de même que certaines autorités judiciaires ou administratives, sont enclins à se ramollir et à abdiquer tout principe devant un peu d’argent.
On croyait que le devoir de tout policier ou gendarme est de servir la Société ; assurer la sécurité des personnes et des biens ; maintenir l’ordre et faire respecter les droits constitutionnels de tous à la liberté, l’égalité et la justice. On croyait que leur conduite devait être exemplaire et leurs vies privées sans éclaboussure, sans corruption. Hélas !
Publié le 27-07-2011 Source : La Griffe Auteur : Gaboneco