Le gouvernement gabonais a-t-il menti ? Alors qu’il a annoncé l’admission de Roland Désiré Aba’a, le 25 juillet à 23 heures, en soins intensifs à la Fondation Jeanne Ebori de Libreville après une demande formulée par ses proches, il semblerait que la réalité soit tout autre. En grève de la faim pour «demander la liberté du Gabon vis-à-vis de la France», le membre du Conseil économique et social (CES) a bel et bien été conduit à l’hôpital, mais manu militari.
Grande était l’étonnement des Librevillois lorsque le 26 juillet au matin sur la Place de l’Indépendance, il n’y avait aucune trace de Roland Désiré Aba’a, membre du Conseil économique et social (CES), en grève de la faim depuis le 14 juillet pour exiger notamment le démantèlement de toutes les bases militaires Françaises installées au Gabon, l’annulation de la dette du Gabon vis à vis de la France et la renégociation des accords de coopération entre la France et le Gabon.
Version officielle
Dans la foulée le ministre de la Santé, Flavien Nziengui-Nzoundou, a publié un communiqué affirmant que «suite à la dégradation de son état de santé, le gouvernement à travers le ministère de la Santé, a dépêché auprès de son compatriote une équipe de médecins pour lui administrer avec le concours des membres de sa famille des soins visant à stabiliser son état de santé. Ces soins ont consisté à des séances quotidiennes de réhydratation et d’alimentation par voie intraveineuse avec une supplémentation en vitamines et en sel minéraux».
«Constatant la dégradation inquiétante de l’état de santé de Roland Désiré Aba’a malgré ces soins, sa famille a entrepris des démarches en direction de l’ambassade de France et du Gouvernement en vue de son évacuation d’urgence vers une structure hospitalière. Ne pouvant rester insensible à cette requête, le Gouvernement a aussitôt pris les dispositions pour l’admission d’office le 25 juillet à 23 heures et la prise en charge totale de Roland Désiré Aba’a en soins intensifs à la Fondation Jeanne Ebori de Libreville. Enfin, le gouvernement de salue le bon sens dont a fait montre notre compatriote et l’esprit de collaboration qui a prévalu tout au long de la période de grève», a conclu le communiqué.
Version officieuse
Or, dans un reportage réalisé par la chaîne de télévision privé RTN, une personne proche de Roland Désiré Aba’a, rapporte que les choses se sont passées autrement.
«Hier [le 25 juillet, NDLR] vers 23 heures nous étions au lieu habituel et tout à coup, une ambulance a surgi. Nous nous sommes dits que les occupants du véhicule sont venus pour prendre les nouvelles de Roland Désiré, puisqu’il a été transfusé plus tôt dans l’après-midi. Et tout à tout coup, nous voyons surgir des policiers armés jusqu’aux dents, comme s’ils venaient en guerre. Ils ont écarté tout le monde et mis le gréviste dans l’ambulance en disant : « personne ne monte avec lui dans l’ambulance ». Il a donc fallu que j’insiste pour m’embarquer dans l’ambulance, parce qu’il a bien fallu qu’on sache où on l’emmène. J’ai appris que derrière moi, il y a eu des coups de feu tirés en l’air et tous ceux qui assistaient au mouvement ont été conduits au commissariat», affirme, sous le sceau de l’anonymat, un proche du gréviste dans le reportage de RTN.
Une version confirmée par l’AFP qui, citant un témoin de la scène, rapporte qu’«en fin de soirée, des forces anti-émeute ont pris position sur la place et ont indiqué au conseiller qu’ils allaient l’emmener l’hôpital et que nous (ses partisans) devions partir. Il a refusé et alors ils l’ont emmené de force dans une ambulance après avoir coupé la chaîne. Ils ont déchiré les banderoles et arrêté une quinzaine de personnes. Une personne a été blessée». Selon le témoin, les partisans ont été libérés dans la matinée du 26 juillet. Pour le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Jean-Eric Nziengui Mangala, il n’y a pas eu d’arrestations mais des «gens ont tenté de s’interposer».
Ingénieur expert en recherche et développement, membre de l’Organisation africaine de la propriété industrielle (O.A.P.I), directeur associé et promoteur de l’entreprise d’ingénierie UNNG, Roland Désiré Aba’a, reçoit actuellement ses soins à la Fondation Jeanne Ebori, sous surveillance des agents des forces de l’ordre qui ont reçu des consignes strictes au sujet des visiteurs. Après plus de 24 heures «emprisonné» dans la structure hospitalière, le gréviste devrait être libéré ce 27 juillet dans l’après-midi, indique une source de la Fondation Jeanne Ebori.