La société a adressé une lettre ouverte, le 28 juillet, à la Fédération international de football association (FIFA) et à la Confédération africaine de football (CAF), dans laquelle elle exprime ses inquiétudes sur l’état d’avancement des chantiers de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2012, à cinq mois du début de cette compétition. Dans ce courrier, publié in extenso, la société civile alerte également qu’«Ali Bongo et le Parti démocratique gabonais au pouvoir ont décidé de « boycotter » la réussite de la CAN au Gabon» en organisant «les élections législatives dont la décision est déjà contestée par l’opposition et la société civile sans garantie de transparence un mois avant le coup d’envoi des compétitions avec les promesses de contestations politiques qui risquent de démobiliser les populations de cette grande messe du football africain».
Lettre ouverte de la société civile gabonaise
A
Fédération International de Football Association (FIFA)
Confédération Africaine de Football (CAF)
En tant qu’acteurs de la vie socio-politique gabonaise, nous croyons qu’il est de notre devoir de vous écrire pour attirer votre attention sur une préoccupation qui ne saurait être ignorée quant à vos attentes de la réussite de l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nation (CAN) en terres gabonaise et équato-guinéenne en janvier 2012.
Lorsque vous attribuez l’organisation de la CAN, vous avez le souci, sinon, la conviction que cet événement soit une occasion, pour les pays organisateurs, de renouveler les infrastructures sportives, d’en construire des nouvelles, de bâtir un cadre d’hébergement et de restauration des visiteurs adéquats. Vous vous attendez également à la mise en place d’un système de transport viable et fiable pour le déplacement des équipes, de leur délégation et supporteurs et de tous ceux qui doivent venir vivre cet événement d’importance. Vous escomptez y trouver une cohésion nationale et une paix sociopolitique qui offrent un contexte d’accueil et de sécurité propice à un événement de cette importance.
Quand l’État gabonais et l’État équato-guinéen avaient présenté en 2006 leur candidature de l’organisation de la CAN en 2010, vous avez refusé de leur accorder la tenue de l’organisation des jeux en 2010, préférant les attribuer à l’Angola qui présentait une promesse plus adéquate du respect des exigences des cahiers de charge de cet événement. Dans votre décision, vous vouliez laisser plus de temps aux deux pays de disposer des infrastructures sportives, hôtelières, de transport et de sécurité conséquentes.
Tout indique, que pour ce qui est de la partie équato-guinéenne de l’organisation de la CAN, vos attentes seront satisfaites. Nous avons par contre le regret de constater que la partie gabonaise ne semble pas mesurer l’importance de l’événement, contrairement à ce que ses autorités pourront déclarer à cette fin.
A cinq (5) mois de l’échéance de la CAN 2012, le Gabon est à la traîne concernant la construction des stades et autres hôtels pour loger les délégations. A ce jour, aucune installation sportive n’est prête, nous ne savons pas par quel moyen de transport les supporters vont se rendre à Franceville au regard de l’état de vétusté du chemin de fer et du piteux état de la route à moins qu’on ait opté pour l’avion avec le coût que cela comporte.
De plus, au-delà des retards considérables pris dans la construction des installations sportives devant abriter les matches de la compétition et même l’absence patente des infrastructures hôtelières adéquates, Ali Bongo et le Parti démocratique gabonais au pouvoir ont décidé de «boycotter» la réussite de la CAN au Gabon. Ils ont notamment décidé d’organiser les élections législatives dont la décision est déjà contestée par l’opposition et la société civile sans garantie de transparence un mois avant le coup d’envoi des compétitions avec les promesses de contestations politiques qui risquent de démobiliser les populations de cette grande messe du football africain.
L’entêtement du gouvernement pour organiser ces élections sans les garanties de transparence supplémentaires favorise un climat de tension politique grave. À cinq mois de cet événement d’importance, le pays est dépourvu de couleurs, de symboles et de la mobilisation des populations illustrant l’intérêt manifeste pour cet événement. Rien dans les médias d’État, dans la ville, dans la vie des Gabonais n’indique que la CAN se tiendra au Gabon dans cinq moins.
Au moment où tous les Gabonais attendent que le Chef de l’État en appelle à une union sacrée de toutes les forces vives de la nation autour de la réussite de cette compétition, la première en Afrique centrale depuis 1972, c’est «une boule puante» que constitue les prochaines consultations électorales qu’on lance sur la CAN.
Depuis l’élection présidentielle anticipée d’août 2009, le pays traverse une crise politique latente qui, à l’occasion, entraîne des manifestations sporadiques. Malgré l’accalmie apparente, il couve dans les chaumières du pays une frustration et une colère qui n’attendent qu’une occasion propice pour se manifester.
Il y a une douzaine de jours, un membre du Conseil Économique et social a pris sur lui de sacrifier sa vie en observant une grève de la faim pour manifester son mécontentement de la gouvernance de notre pays et des accords qui lient le Gabon à la France. Les autorités policières et sanitaires ont été contraintes d’intervenir pour éviter que le pire n’arrive à ce compatriote. Ce sont là des nouvelles et des faits qui ne sont pas de nature à offrir la garantie de mobilisation pour la tenue de la CAN au Gabon. Si les délais de livraison des infrastructures sportives ne sont pas respectés, seule une mobilisation du peuple pour cet événement constitue un gage de réussite. Nous pensons que le report de ces consultations électorales après la CAN est nécessaire et présente à nos yeux la seule alternative pour la réussite de cet événement.
Lors de la tenue de la CAN en Angola, alors même que des avertissements d’un certain manque de sécurité des délégations sportives vous avaient été adressés, on a déploré l’assassinat d’un joueur de la délégation togolaise. Faut-il rappeler que le climat politique qui prévalait en ce moment-là en Angola était plus adéquat que celui régnera au Gabon dans quelques semaines.
Il n’est pas dans l’intérêt économique de la FIFA ou de la CAF d’organiser une compétition internationale du calibre de la CAN dans un climat de conflits politiques ou sociaux. Déjà, En plus de ses incapacités à honorer dans les délais raisonnables le cahier des charges de la Confédération Africaine de Football (CAF), on parle également avec insistance des retombées économiques qui risquent de ne pas combler les attentes. Si en plus de cela, il fallait que les populations se détournent de la CAN au Gabon, la situation n’est pas de nature à encourager des gains ou donner une image favorable de la CAN sur le plan international.
Nous sommes d’avis qu’il serait de bons conseils de demander aux autorités politiques gabonaises de reporter la tenue des élections législatives après la CAN. Un tel report devant leur permettre de donner de meilleurs gages de sécurité à la tenue des compétitions.
Nous savons qu’une condition de l’attribution de l’organisation de la CAN est la garantie de sécurité de tous les participants et l’engouement des populations des pays hôtes pour la tenue des compétitions. Vous avez le devoir d’exiger de l’État gabonais qu’ils préservent un climat de paix politique et de sécurité pendant toute la durée des compétitions et bien au-delà.
Messieurs les Présidents, nous savons que vous êtes déjà au courant de certains faits qui vous sont déclinés dans notre correspondance et que vous vous êtes assurés auprès des autorités gabonaises de certaines garanties. Nous vous prions cependant d’aller au-delà de ces garanties pour vous assurer que vous ne tomberez pas dans une duperie.
En espérant que notre lettre trouvera auprès de votre bienveillante attention lexamen soutenu qu’il faut, nous vous prions d’accepter, Messieurs les Présidents, l’expression de haute considération.
Fait à Libreville, le 28 juillet 2011
Pour les Organisations de la Société civile
BRAINFOREST, SAEG, CONASYSED, SNEEPS, USDS, USAP, SYGEF, AFRIQUE HORIZONS, ROLBG, PUBLIEZ CE QUE VOUS PAYEZ, OND, SENA, FESEENA,
Personnalités politiques engagées dans cette action :
Paulette Oyane Ondo : Avocate, Député PDG à l’Assemblée Nationale