Exactions . L’ONU s’inquiète de la violence et de l’impunité des hommes du nouveau président.
Par ARNAUD VAULERIN
Ce sont des faits qui entachent gravement la réconciliation tant vantée par le président Alassane Ouattara. Les Nations unies en Côte-d’Ivoire (Onuci) ont fait état jeudi de «nombreuses violations des droits de l’homme» et d’une «certaine précarité de la situation sécuritaire», quatre mois après l’arrestation de Laurent Gbagbo. Guillaume Ngefa, de la division des droits de l’homme de l’ONU à Abidjan, a révélé que «26 cas d’exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, dont un enfant de 17 mois», et «85 arrestations arbitraires et de détentions illégales» ont été comptabilisées entre le 11 juillet et le 10 août. Sur cette même période, l’ONU a documenté «11 cas de viol et de mutilations génitales féminines». Guillaume Ngefa a rappelé que «huit fosses communes ont été découvertes aux alentours de trois établissements scolaires dans la commune de Yopougon, à Abidjan», sans que l’on sache encore avec précision le nombre de corps enterrés.
Responsabilité. Ces violations ont principalement impliqué les Forces républicaines de Côte-d’Ivoire (FRCI) créées par Ouattara, dans les rangs desquelles figurent d’anciens rebelles nordistes des Forces nouvelles. Guillaume Ngefa a également attribué la responsabilité de ces exactions aux «membres de la confrérie des Dozos [chasseurs traditionnels, ndlr]»qui appuient les FRCI et «aux miliciens guéré [groupe ethnique vivant dans l’ouest du pays, ndlr]» pro-Gbagbo. Dénonçant un «climat de peur» qui empêche le retour des déplacés, Amnesty International avait critiqué, fin juillet, le «rôle de maintien de la paix que les forces officielles ont confié à la milice dozo de chasseurs traditionnels» et avait appelé à son démantèlement.
L’Onuci a aussi alerté sur la «résurgence de violents affrontements, émaillés de traitements cruels et d’atteinte à l’intégrité physique, entre des éléments des FRCI et les jeunes de plusieurs villages» autour de la capitale économique.
«Les FRCI commencent à se calmer sur Abidjan, où la situation s’améliore vraiment, précisait vendredi un observateur ivoirien. Mais elles continuent leurs pillages, leurs crimes et leur racket à l’intérieur du pays.» Ainsi, dans le nord, ces forces se comportent comme une administration parallèle et reconnaissent des actes de racket, mais «n’entendent pas y mettre fin», a déploré Ngefa.
Le 2 août, le centre de réflexion International Crisis Group (ICG) disait craindre que «l’autorité du nouveau président et sa crédibilité soient irrémédiablement diminuées si le gouvernement n’arrive pas à rétablir l’ordre et à prendre l’ascendant sur les commandants de zone»,les chefs de guerre ex-rebelles. Deux jours plus tard, Ouattara recyclait dans la nouvelle armée des «com-zone» accusés d’exactions depuis 2002 et sous sanctions de l’ONU.
«Mercenaires». A défaut d’assainir les rangs de l’armée, les nouvelles autorités ont inculpé vendredi 58 militaires pro-Gbagbo, dont 40 ont été placés en détention. Ils devront répondre de «séquestration suivie de meurtre, recel de cadavre, viol, détention arbitraire, détournement de fonds aux fins d’achat d’armes et de recrutement de mercenaires» lors de la crise qui a fait 3 000 morts entre novembre 2010 et avril. Mercredi, déjà, 12 proches de l’ex-président ont été inculpés pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Gbagbo, récemment visité par l’Onuci, est «détenu au secret sans mandat, sans inculpation» depuis quatre mois, selon l’un de ses avocats, Emmanuel Altit. Il pourra être poursuivi quand son immunité de membre de droit du Conseil constitutionnel sera levée.