Par Baudelaire Mieu, à Abidjan
Dénouement heureux dans l’affaire des trois anciens militaires français interpellés le 20 août dernier à Abidjan pour « atteinte à la sûreté de l’État ». L’enquête qui les visait n’a rien donné. Et les regards se tournent désormais vers le controversé commandant ivoirien Issiaka Wattao, à l’origine de l’arrestation des trois hommes.
Les colonels de gendarmerie Jean-Marie Fontaine, Jean Grégoire Charaux et l’ex-adjudant de la légion étrangère Laurent Alvarès ont été arrêtés le 20 août dernier à Abidjan par des éléments du commandant Issiaka Wattao, numéro deux de la Garde républicaine de Côte d’Ivoire. De sources proches du dossier, les enquêtes ouvertes à la demande des autorités ivoiriennes par les services du commissaire Inza Touré, de la Direction de la surveillance du territoire (DST), et par la première légion de gendarmerie départementale d’Abidjan, du lieutenant-colonel René Stanislas Kouassi Kaunan, ont été bouclées. Et les conclusions, qui ont été transmises aux autorités compétentes, ne retiennent rien contre les Français, qu’on décrit même comme étant victimes de dénonciation calomnieuse. Par contre, les 41 000 dollars, saisis sur le colonel Jean Grégoire Charaux lors de leur brève interpellation n’ont toujours été restitués, malgré les assurances du ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko…
« Notre tort est d’être des employés de Frédéric Lafont, [ancien légionnaire reconverti dans les affaires, NDLR], nous ne sommes pas des faiseurs de putsch », confie à jeuneafrique.com, le colonel Charaux. Même s’il vrai que le Franco-Ivoirien Frédéric Lafont était lié à l’ancien régime de Laurent Gbagbo – comme de nombreux hommes d’affaires locaux -, les enquêtes menées par les nouvelles autorités et les Nations unies n’ont rien montré de suspect sur les activités de ses sociétés Risk et Vision, qui interviennent dans les domaines de la sécurité privée, de l’hôtellerie et du transport aérien.
Curriculum vitae
Et pour cause. Retraité de la Légion étrangère, l’adjudant Alvarès a combattu aux côtés des soldats de la force Licorne pour installer Alassane Ouattara à la présidence en avril dernier. Quant aux colonels de gendarmerie Jean-Marie Fontaine (ex-GIGN) et Jean Grégoire Charaux, ils ont servi le ministère ivoirien de la Défense, le premier sous Houphouët Boigny en qualité de conseiller chargé de la formation, et le second comme ancien directeur chargé de la formation à l’École de gendarmerie d’Abidjan sous Henri Konan Bédié. À ce titre, le colonel Charaux a formé plusieurs promotions d’officiers de la gendarmerie ivoirienne dont le général Gervais Kouassi, actuel commandant supérieur de la gendarmerie.
Le colonel Charaux a porté plainte pour enlèvement, séquestration et vol de numéraire. Il a pu quitter la Côte d’Ivoire le 27 août pour la Togo, où il réside, après la restitution de son passeport par le commissaire Touré de la DST. L’adjudant Alvarès s’est retiré dans un pays de la sous-région, à la demande de l’ambassade de France. Quant à Jean Marie Fontaine, il est resté à Abidjan.
Apaiser les tensions franco-ivoiriennes
L’affaire n’en continue pas moins d’animer les conversations dans la petite communauté française d’Abidjan. Et l’étau se resserre sur les hommes de Wattao. Certains d’entre eux – qui ont participé à l’opération – ont été entendus.
Le président Alassane Ouattara a donné des instructions très fermes pour qu’une suite soit donnée à ce dossier qui brouille quelque peu les bonnes relations franco-ivoiriennes. « Il s’agit tout simplement d’un braquage mal ficelé, sur la base d’une dénonciation calomnieuse comme prétexte. Les agissements de certains membres de la Force républicaine de la Côte d’Ivoire (FRCI), proches des chefs de guerre, ex-comzones, descendus du nord, posent de réels problèmes de sécurité publique. Et cette fois, les éléments de Wattao sont tombés sur les mauvaises personnes », confie un officier proche de l’enquête qui a requis l’anonymat.
Le quotidien Le Patriote, proche du parti au pouvoir, fondé par le ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko a d’ailleurs dénoncé, dans un billet paru le 29 août, le comportement des hommes de Wattao, qui sont de plus en plus cités dans des exactions de la zone sud d’Abidjan.