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Gabon : La société civile sollicite les Elders

Composé, entre autres, Kofi Annan, Jimmy Carter, Graça Machel et Desmond Tutu, The Elders sont un groupe indépendant de dirigeants mondiaux, réunis par Nelson Mandela en 2007, qui travaillent ensemble pour la paix et les droits de l’Homme. Une correspondance leur a récemment été adressée par cinq acteurs de la société civile gabonaise qui sollicitent leur aide sur 15 points énumérés dans cette lettre ci-après publiée in extenso et portant sur une amélioration du système démocratique gabonais et du processus électoral annoncé.

COALITION DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE POUR LA DEMOCRATIE ET LA TRANSPARENCE

A
La Très Haute Attention The Elders
• Martti Ahtisaari
• Kofi Annan
• Ela Bhatt
• Lakhdar Brahimi
• Gro Brundtland
• Fernando H Cardoso
• Jimmy Carter
• Graça Machel
• Mary Robinson
• Desmond Tutu

Objet : la situation politique au Gabon

Très Chers Ainés, nous venons vers vous, au nom de la démocratie, un idéal universel pour lequel chacun d’entre vous, pris individuellement, a consacré sa vie pour le bien de l’humanité toute entière.

Très Chers Ainés, le Gabon notre pays rate le train de l’Histoire depuis 1990, date de l’ouverture au multipartisme sur le continent africain. Notre pays n’a pas mis à profit toutes les opportunités qui se sont offertes à lui pour poser les bases d’une société démocratique.

Le Gabon dispose pourtant d’une constitution qui contient les notions de démocratie telles que la séparation des pouvoirs, l’intérêt général, l’affirmation que la souveraineté appartient au peuple, le suffrage universel, l’Etat de droit etc. L’Etat gabonais est également composé d’une multiplicité d’organes et de fonctions qui constituent l’ensemble des institutions.

Mais la pratique démontre bien que ces organes et fonctions ne sont à proprement parler qu’une façade derrière laquelle un système politico-administratif, animé par un Chef d’Etat s’appuyant sur le Parti Démocratique Gabonais (PDG) et ses alliés, l’Administration, la police et l’armée, gouverne sans prendre en compte les intérêts des populations. Or, la démocratie est précisément fondée sur la prise en compte des intérêts des citoyens. Ces citoyens ne sont pas pris en compte ni dans le fonctionnement de l’Etat ni dans l’exercice du pouvoir politique.

Très Chers Ainés, la conception de l’Etat et du pouvoir ainsi que l’orientation politique au Gabon ne sont pas mises en discussion devant l’ensemble des citoyens, pour qu’ils débattent librement, égalitairement, puis décident finalement. Au Gabon, l’impulsion et la décision viennent d’un seul homme : le Chef de l’Exécutif. Or, la démocratie repose sur deux principes essentiels : la participation de l’ensemble des citoyens à la vie publique et la responsabilité des gouvernants qui doivent publiquement répondre de leur politique.

Par exemple, les citoyens ne sont pas associés aux révisions constitutionnelles. La dernière révision de la constitution de Décembre 2010, l’a d’ailleurs été en violation de la Charte Africaine sur la Démocratie dans la mesure où elle a été faite en dehors de tout consensus national, contrairement aux exigences ladite Charte Africaine.

Autre exemple : En Août 2011, alors que tous les acteurs politiques et l’ensemble des citoyens se sont clairement prononcés pour l’introduction de la biométrie dans le processus électoral, le Chef de l’Exécutif a légiféré par Ordonnance pendant l’intersession parlementaire en procédant à la révision de la loi électorale à la seule faveur du parti au pouvoir, le Parti Démocratique Gabonais. Cette ordonnance, conçue dans le secret du cabinet du Chef de l’Exécutif ne tient aucun compte des intérêts du peuple gabonais qui réclame la biométrie à cor et à cri pour toutes les élections, y compris les prochaines élections législatives.

Très Chers Ainés, bien que représenté par les élus du peuple qui constituent le Parlement, le peuple gabonais n’a pas les moyens nécessaires d’obliger ses gouvernants à se justifier publiquement sur les raisons de leur politique. Le fait majoritaire, en se plaçant d’un point de vue partisan, assure la prépondérance de l’Exécutif dans les proportions telles que le Parlement est au service du Président de la République en particulier et du gouvernement en général. Ce qui réduit l’opposition au statut de témoin impuissant du jeu politique. Et lorsque l’on ajoute à cette situation le fait que les autres institutions de l’Etat ne sont pas au service de l’intérêt général, mais au service du Président de la République et du Gouvernement cela entraine deux conséquences : la dramatisation de la vie politique à l’occasion de chaque consultation nationale et l’absence d’alternance au sommet de l’Etat.

Très Chers Ainés, la démocratie est fondée sur l’existence d’un corps social, composé de citoyens qui sont non seulement égaux en droits, mais participent avec la même constance et la même efficacité à la formation de la volonté générale.

Tel n’est pas le cas au Gabon. L’Etat, au Gabon, fonctionne sur la base d’un système inique de répartition des prébendes appelée « géopolitique », doctrine selon laquelle la place d’un individu dans la société dépend, non pas de son mérite mais de son lieu de naissance et de sa langue maternelle. Le pire dans cette pratique discriminatoire ne consiste pas tant dans le fait de promouvoir des individus sur la seule circonstance de leur naissance, mais d’exclure un individu de la promotion sociale du fait de sa naissance.

Très Chers Ainés, Il ne nous est pas possible, par les présentes, de vous faire l’état des lieux exhaustif des mauvaises pratiques de la démocratie qui fondent la tradition de la mauvaise gouvernance au Gabon. Toutefois, nous venons vers vous pour prier de bien vouloir vous impliquer pour que les prochaines élections législatives soient honnêtes. Nous vous demandons de nous aider à obtenir pour les toutes prochaines législatives un scrutin sincère, conforme obligations que la Gabon a contractées en vertu du droit international.

C’est pourquoi, nous vous prions d’user de votre influence pour obliger l’Etat Gabonais à :

• établir une procédure d’inscription des électeurs qui soit impartiale et non discriminatoire ;

• définir clairement les conditions requises pour être électeur et veiller à ce que ces dispositions, qui ne doivent en aucun cas être discriminatoires, soient appliquées sans distinction d’aucune sorte ;

• prendre des dispositions pour la création et exercice des activités des partis politiques, réglementer leur financement ;

• garantir la séparation de l’Etat et du Parti Démocratique Gabonais et établir les conditions équitables de concurrence politiques pour les élections législatives ;

• mettre sur pied des programmes d’éducation des populations relatifs aux procédures électorales et des enjeux des élections ;

• veiller à la formation des responsables des divers aspects du déroulement des élections afin qu’ils agissent de façon impartiale de sorte que des procédures de votes cohérentes soient établies et portées à la connaissance de l’électorat ;

• veiller à la mise en œuvre de procédures d’inscription des électeurs et des procédures de vote avec l’aide d’observateurs nationaux et internationaux ;

• inciter les partis, les candidats et les medias à adopter un code de conduite régissant la campagne électorale et le vote proprement dit ;

• assurer la régularité du scrutin par des mesures permettant d’éviter les votes multiples ou la participation au vote de ceux qui n’en ont pas le droit ;

• assurer la régularité du décompte des voix ;

• procéder au redécoupage électoral en fonction du poids démographique ;

• garantir la liberté de mouvement, de réunion, d’association et d’expression, en particulier dans le contexte des rassemblements et des réunions politiques ;

• garantir que les partis politiques et les candidats puissent faire librement connaitre leurs vues à l’électorat et qu’ils jouissent de l’égalité d’accès aux medias officiels et au service publics ;

• garantir que les mesures nécessaires soient prises pour assurer une couverture non partisane de la campagne dans les medias officiels et du service public ;

• garantir que les mesures nécessaires soient prises pour que les partis et les candidats bénéficient de possibilités de présenter leur plate-forme électorale.

Veuillez recevoir, Très Chers Ainés, l’assurance de notre considération respectueuse

Libreville, 08 septembre 2011

Pour la Société Civile Gabonaise:

– Marc ONA ESSANGUI, Président de Brainforest, Prix GOLDMAN ENVIRONNEMENT 2009

– Georges MPAGA, Président du Conseil d’Administration du Réseau des Organisations Libres de la Société Civile pour la Bonne Gouvernance au Gabon ( ROLBG)

– Alain MOUPOPA, Président d’Afrique Horizons ONG des Droits de l’Homme

– Dieudonné MINLAMA MINTOGO, Président de l’Observatoire National de la Démocratie

-Maître Paulette OYANE-ONDO, Avocate, Présidente du Centre pour la promotion de la Démocratie et la Défense des droits de l’Homme en Afrique Centrale (CEPRODHAC)

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