L’ex-conseiller officieux de l’Elysée, Robert Bourgi, était entendu jeudi par la police judiciaire, onze jours après ses accusations fracassantes sur la remise de fonds africains occultes à Jacques Chirac, Dominique de Villepin et Jean-Marie Le Pen.
L’audition de Robert Bourgi, arrivé en début d’après-midi dans les locaux de la brigade financière de la police judiciaire à Paris, se poursuivait en fin d’après-midi, selon une source proche de l’enquête qui n’a pas donné plus de détail.
Dans une interview au JDD le 11 septembre, l’avocat avait affirmé avoir transporté à plusieurs reprises dans des valises des sommes provenant de chefs d’Etat africains, pour un montant de quelque 20 millions de dollars.
Cet ancien conseiller de l’ombre chargé des affaires africaines avait ensuite accusé Jean-Marie Le Pen d’avoir lui aussi reçu des fonds occultes de chefs d’Etat africains pour financer sa campagne présidentielle de 1988.
A la suite des accusations de Robert Bourgi, le parquet de Paris a diligenté le 13 septembre une enquête préliminaire tandis que MM. Chirac et de Villepin ainsi que le président sénégalais Abdoulaye Wade ont dit leur intention de l’attaquer en diffamation.
Jusqu’à présent seul Jean-Marie Le Pen a saisi la justice d’une citation directe pour diffamation à l’encontre de M. Bourgi.
Dans son interview au JDD, puis à plusieurs reprises dans d’autres média, Robert Bourgi disait avoir « participé à plusieurs remises de mallettes à Jacques Chirac, en personne, à la mairie de Paris ». Selon lui, « il n’y avait jamais moins de 5 millions de francs. Cela pouvait aller jusqu’à 15 millions ».
Celui qui se présente volontiers comme le successeur de Jacques Foccart, le « Monsieur Afrique » de l’Elysée des gaullistes, avait expliqué avoir recueilli des fonds de cinq chefs d’Etat africains : Abdoulaye Wade (Sénégal), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Laurent Gbagbo (Côte d’Ivoire), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et Omar Bongo (Gabon).
L’opposition au président Compaoré a demandé l’ouverture d’une enquête de la justice burkinabè. Ouagadougou a rejeté des accusations « grotesques ».
A plusieurs reprises, M. Bourgi a affirmé que Nicolas Sarkozy, dont il s’est rapproché en 2005, a mis un terme à cette pratique.
Mais dans l’ouvrage de Pierre Péan, « La République des mallettes », l’ancien « M. Afrique » de Jacques Chirac, le diplomate Michel de Bonnecorse, accuse Bourgi d’avoir remis en 2006 une valise avec de l’argent d’Omar Bongo et de Denis Sassou Nguesso « aux pieds du ministre de l’Intérieur » de l’époque, Nicolas Sarkozy.
Accusations « scandaleuses », a réagi l’ancien secrétaire général de l’Elysée et actuel ministre de l’Intérieur Claude Guéant qui reconnaît des rencontres fréquentes avec M. Bourgi, « tous les mois » lorsqu’il était à l’Elysée, mais uniquement parce que l’avocat est « un bon connaisseur de l’Afrique ». En revanche, « il n’a jamais été autorisé à parler au nom du président de la République et du gouvernement français ».
« Arrêtons les boules puantes », a-t-il lancé en marge d’une visite à Meaux (Seine-et-Marne), à propos des fonds occultes africains et des autres affaires qui empoisonnent le pouvoir à sept mois de l’élection présidentielle. Refusant de commenter le développement des affaires, le ministre de l’Intérieur a dénoncé les « amalgames, affirmations, approximations » qu’il « faut faire cesser ».