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Réponse fraternelle du Dr. Daniel Mengara au pédégiste anonyme « PDGiste-A-Mort »: Pourquoi refusez-vous de regarder la réalité en face?


Cher compatriote du PDG, quoiqu’anonyme.

Quoique déplorant qu’un pédégiste se déclarant « pédégiste à mort » ne puisse pas ouvertement assumer son pédégisme par la révélation de sa vraie identité, à l’image de moi-même qui assume mon bédépisme, je ne me précipiterai point, à l’image de certains, dans le rejet en bloc de votre analyse du 16 septembre portant sur la diaspora gabonaise qui, selon vous, aboierait pendant que la caravane passe. Je veux bien que votre caravane puisse passer, mais pour aller où? Vous n’irez nulle part.

Cependant, laissant de côté ces débats sur les caravanes brinquebalantes qui passent (ce sera pour une autre fois), je dirai ceci:

Votre analyse comporte des forces (on pourrait dire certaines vérités), mais aussi des faiblesses (on pourrait dire certaines incohérences).

Puisque vous vous dites vivre en France « sur la plus belle côte du monde » (à Nice, donc, où je fis moi-même mes études doctorales), et puisque vous dites y être en stage d’écriture par le couvert d’une « bourse d’écriture », on comprend en définitive pourquoi vous avez eu besoin de cette sorte de « post-Doc » : votre écriture souffre encore quelque peu de défaillances que l’on pourrait qualifier d’ « écolières ».

Autrement dit, si ce texte avait été votre thèse de doctorat, et si, moi, Daniel Mengara, avais été votre directeur de thèse, je vous aurais recalé car, autant votre argument laisse entrevoir une certaine lucidité dans le fond théorique de votre pensée (on voit ce que vous voulez dire, quoiqu’avec beaucoup de difficulté et d’effort d’interprétation), autant les arguments personnels et philosophiques avancés laissent quelque peu à désirer.

J’en déduis donc que vous êtes probablement encore trop jeune, et votre doctorat probablement jamais vraiment éprouvé par la pratique professionnelle, pour savoir manier un débat comme celui que vous sembler vouloir soulever, et le mener à sa finalité ultime : celle qui consiste à éveiller la conscience nationale en vue de la consolidation de la cité.

Il se peut donc que le sujet que vous avez voulu évoquer dépasse un peu vos compétences analytiques actuelles (doctorat non encore éprouvé par la pratique professionnelle). MAIS, je vous reconnais au moins une chose : vous posez le bon débat, et sur ce point, vous avez le seul mérite que l’on puisse donner à votre tentative.

La force de votre texte se trouve donc à ce niveau : vous posez un débat essentiel sur la contribution de la diaspora gabonaise à l’avancement de sa société.

Les multiples faiblesses de votre texte se trouvent elles-aussi, au même niveau : vous utilisez les mauvais arguments pour expliquer et expliciter ce que vous considérez comme les faiblesses (réelles et évidentes) de l’actuelle diaspora gabonaise.

La première faiblesse de votre argument, je la trouve dans votre incapacité à procéder à l’autocritique du groupe auquel vous dites appartenir, c’est-à-dire le PDG. Or, il me semblerait que c’est bien à ce groupe que l’on pourrait imputer les tares parasitaires que vous reprochez à la diaspora gabonaise, une diaspora qui a été, justement, réduite à la clochardise et à l’indigence (donc pourrie) par nul autre que le régime PDG-Bongo que vous ne cessez d’encenser. Quand, par exemple, vous parlez du fameux engagement décennal qui tiendrait les Gabonais expatriés à l’obligation de retourner au pays « rembourser » l’investissement que l’Etat a fait sur eux: ne vous a-t-on pas dit que l’engagement décennal est un contrat, et que dans tout contrat, il y a des termes qui lient les parties signataires? A quel moment l’Etat bongoïste a-t-il respecté sa part du contrat—garantir un emploi aux revenants—aux fins, justement, de, au moins, s’assurer d’un bon retour à son investissement ? Ne vous a-t-on pas dit, par ailleurs, que dès lors que l’une des parties aura manqué à sa part du contrat, un tel contrat devient nul et de nul effet ?

Or, il suffit, pour comprendre le déficit chronique en compétence qui caractérise votre régime, de se référer aux dires de votre propre Ministresse du travail actuelle,  Angélique Ngoma, qui déclarait, le 21 mai de cette année même (il y a à peine quatre mois), que le chômage au Gabon touche déjà, au bas mot, 60% des jeunes, c’est-à-dire les Gabonais âgés de 16 à 35 ans. Quoique votre propre président autoproclamé ait essayé de mentir aux jeunes en septembre de cette année en affirmant, en contradiction de son propre ministre, que le chômage des jeunes au Gabon n’était que de 30%, ne trouvez-vous, malgré tout, rien de honteux dans l’aveu d’un tel chiffre, surtout de la part d’un pays d’à peine un petit million d’habitants qui, de surcroit jouit de ressources naturelles considérables qui en font, en réalité, potentiellement, l’un des plus riches au monde ? A quoi, donc, auriez-vous souhaité que ces Gabonais de la diaspora reviennent, en dehors de venir gonfler un peu plus le troupeau de chômeurs qui arpente déjà les chemins de la misère aigue au Gabon ?

En fin de compte, ne trouvez-vous par honteux, justement, que les Gabonais se résolvent à préférer vivre la mendicité et l’indigence en France en travaillant, doctorats en poche,  comme balayeurs de rue et éboueurs plutôt que de revenir vivre dans un pays où ils n’auraient même pas l’opportunité de trouver un travail d’éboueur, vu que cette basse besogne n’existe même pas déjà pour les 30 à 60% de jeunes qui tirent actuellement le diable par la queue dans votre si beau pays « émerjouissant » ?

C’est, hélas, cher ami, cette absence d’autocritique qui vous fait oublier que dans la diaspora gabonaise, il n’y a pas que des opposants, il y a aussi des membres du régime qui, comme vous-même, défendent avec bec, ongles et dents le régime en place. Or, sur ce point, ce ne sont pas les diasporas d’opposition, mais bel et bien aussi les diasporas pédégistes et bongoïstes qui vivent dans la contradiction, je dirais même, l’incohérence et la langue de bois. Vous vous obstinez à ne pas regarder la réalité en face, cette réalité qui veut que, vous (du régime) comme nous (de l’opposition), subissions exactement les mêmes conditions animalisantes que vous décrivez si bien, et qui n’épargnent, en fait, aucun Gabonais.

Au vu de vos remarques, on serait bien tenté de vous demander pourquoi les pédégistes et bongoïstes invétérés et incorrigibles que vous êtes n’êtes pas encore TOUS rentrés au Gabon JOUIR de vos « émergentissimes » émergences ? Pourquoi vous obstinez-vous, justement, à demeurer avec nous dans nos miséreuses expatriations si, comme vous le proclamez si bien, tout va si bien au pays des Bongo ? Pourquoi vous obstinez-vous à vous animaliser en restant avec nous à balayer les rues de France et d’Amérique, donc à faire ces jobs qui vous dégoûtent tant, chers amis pédégistes, alors que l’Emergence ne cesse de vous rappeler, vous aussi, vos engagements décennaux et, donc, de vous demander, vous aussi, d’aller rembourser ces engagements par le biais de vos retours si désormais attendus ? Que diantre foutez-vous encore à souffreter en nos piteuses compagnies en France, aux USA, au Canada, et j’en passe, où vos vies sont aussi miséreuses que les nôtres, et parfois pire, vu que vous attendez souvent tout de vos parents bien placés, incapables que vous êtes souvent, curieusement, de vous assumer comme des hommes une fois confrontés au devoir d’effort personnel au travail comme à l’école, alors que, bien nés et biberon à la bouche jusqu’à vos 18 ans, vous avez tout eu pour réussir ?

Vous nous reprochez de ne pas rentrer. Bien. Mais vous, qu’attendez-vous ? N’est-ce pas là le plus grand aveu que, même vous, incorrigibles pédégistes et bongoïstes à mort, vous ne croyez même pas à votre propre et fameuse « émergence », et que vous, comme nous, ne faites, finalement, que dans l’appel du pied à votre propre régime, avec l’espoir qu’un jour, quand on saura qui sont derrière les pitreries textuelles de nos anonymes ou déclarés « PDGistes-à-Mort », les récompenses du régime ne manqueraient point de venir ponctuer vos si adroits appels du pied, parfois avec un poste de ministre par ci (suivez mon regard), ou par un petit poste de conseiller de tel petit Directeur de caisse par là (suivez encore mon regard) ? Où est l’honneur, où est la dignité dans tout cela ? Car les opposants alimentaires de la diaspora que vous fustigez ne sont pas, en fin de compte, si différents de vous. Vous faites exactement la même chose : eux, ils le font en faisant semblant de s’égosiller dans l’opposition de façade au pouvoir en place, et vous, vous le faites en faisant semblant de vous égosiller dans le soutien de façade au pouvoir en place. En fait, et on le sent quand on sait lire entre les lignes de votre texte, vous ne croyez pas vous-même en l’« Emergence ».  Comme ceux qui font semblant de s’opposer, vous n’avez aucune conviction pour rien du tout ; vous n’avez aucune valeur à défendre ou à proposer : vous visez à vous faire une place au soleil. Comme les autres. Comme ceux que vous critiquez. Un point c’est tout.

Donc :

Que vous le vouliez ou non, ami pédégiste, votre entêtement à ne pas vouloir regarder la réalité en face fait de vous et de vos acolytes de vrais hypocrites tout juste bons à raser les murs des luxueux hôtels dans lesquels les Bongo viennent dépenser l’argent du Gabon à foison, ne vous laissant au passage que les 200 Euros qu’ils vous jettent de leur fenêtre avec mépris, comme à des chiens faméliques et affamés,  parce qu’ils savent qu’ils vous ont tellement bien animalisés, puis réduits à un tel état de déshumanisation chronique que vous serez capables d’égorger votre propre maman pour ces 20o Euros de la honte.

Est-ce cela, vraiment, cher frère et compatriote, la vie que vous, pédégistes feudataires du roi incompétents, méritez ? Je dis « non » à votre place car je vous sais incapables de raisonner avec la cohérence d’hommes libres désirant, comme il se doit, l’avancement de la cité. Si vous étiez un homme libre, vous n’avanceriez pas le type de conneries avec lesquelles vous nous cassez les tympans depuis un moment, en clamant, comme vous le faites dans votre texte du 26 septembre 2011, que vous êtes un « PDGiste-A-Mort, militant d’un Parti présent aux quatre coins du territoire national ; un Parti qui n’est pas parfait d’autant que par son président-fondateur, en 2007, il a tout reconnu sa pleine responsabilité dans les souffrances que vivent les Gabonais ; un véritable Parti national, un Parti simplement Gabonais avec ses lourdeurs, ses péchés mignons, ses canards-boiteux, mais aussi avec quelque-unes de ses belles victoires remportées sur le défaitisme, au bonheur des citoyens conscients aujourd’hui comme hier que le PDG sait mieux qu’une autre formation politique, se servir de ses erreurs pour rebondir » (Sic).

C’est cela qu’on appelle la maladie mentale. Sur ce point, hélas, je ne peux pas vous aider. Vous auriez besoin que l’on vous fasse passer par une véritable séance de décontamination au karcher pour vous débarrasser du virus bongoïste qui vous ronge les neurones, puis par une série de chocs électriques directement dans le cerveau, seul espoir, peut-être, de vous faire recouvrer, et ceci n’est pas garanti, un semblant de jugeote et de cohérence humaine.

Revenons maintenant au fond de votre message, celui-là même qui, moi, m’interpelle. Je dirai tout simplement que vous offrez une interprétation erronée de l’incapacité de la diaspora actuelle à mobiliser, et la scission que vous essayez d’établir entre la diaspora des aînés (que vous estimez plus adepte en son temps) et la diaspora des novices et des inutiles (que nous sommes actuellement) est maladroite, sinon intenable et anachronique.

Deux arguments suffisent pour démontrer l’incohérence de votre articulation :

1) Le premier argument est que, en réalité, nos aînés n’ont pas eu à vraiment développer une réelle capacité de communication pour convaincre politiquement les Gabonais : ils ont trouvé devant eux un terrain déjà fertile, c’est-à-dire un peuple déjà fatigué par des décennies de bongoïsme, donc un peuple disposé à suivre AVEUGLEMENT n’importe quel opposant qui se déclarerait face au régime Bongo. La seule qualité dont ils avaient besoin, nos aînés, et c’est à leur crédit, c’était le courage de se déclarer, et ce courage, ils l’ont eu puisque, quoiqu’on en dise, ils se sont quand-même déclarés publiquement opposants à une époque où, sous le parti unique pur et dur, une telle position se pouvait interpréter comme suicidaire. Mais, en dehors de cela, ils n’ont pas eu à réellement convaincre qui que ce soit au Gabon, et Bongo, pour les vaincre, n’a eu qu’à exploiter, et la naïveté des uns, et la corruptibilité des autres. C’est dire que leur travail de pénétration fut plutôt facile sur ce plan, car ils ont trouvé devant eux un peuple qui les accueillait et leur donnait leur adhésion avant même qu’ils n’aient ouvert la bouche. D’où, quelque part, le choc que nous éprouvons parfois au constat de leur échec politique dans le contexte d’un terrain aussi fertile au changement. Autrement dit, dès lors que, en réalité, l’opposition politique déclenchée par le MORENA existe depuis 30 ans à peu près, on peut conclure que cela fait 30 ans que l’opposition des aînés échoue dans sa recherche de l’alternance politique au Gabon. Nos aînés que vous citez en exemple, ont donc, en réalité, eu la tâche politique la plus facile, mais ont étonnamment échoué alors même que, à leur époque, une fois passée l’étape de la démonstration de courage (on le leur reconnaît), le régime était au plus fragile et a connu plusieurs moments de fragilité, mais que nos aînés n’ont jamais pu transformer en victoires (Conférence nationale de 1990, émeutes de 1990, troubles électoraux suite aux élections de 1993, Accords de Paris, élections de 2005 avec Mamboundou comme seul candidat viable de l’opposition, abandon du pouvoir à Ali Bongo en 2009 alors que, aux dires de l’ambassadrice des USA au Gabon, le pouvoir était à celui qui allait le revendiquer le plus fortement). Autant il me faut être juste et reconnaître que nos aînés ont fait, en leur temps, ce qu’ils ont pu, autant, sur le plan d’une analyse stricte des données historiques et sociopolitiques qui permettent de répondre à votre analyse quelque peu spécieuse de la diaspora gabonaise actuelle, j’ai plutôt envie de dire, cher ami « PDGiste-A-Mort », que les échecs de nos aînés ont, en fait, rendu la tâche difficile, voire impossible, pour la génération actuelle d’opposants qui se débattent, non seulement dans la diaspora, mais aussi au pays.

2) Autrement dit, le corollaire de ce qui précède est que l’échec et les compromissions dont nos aînés ont fait montre une fois engagés sur le terrain politique au Gabon ont plutôt contribué à pourrir le contexte politique gabonais, et désavantager politiquement toute forme de nouveau discours insurrectionnel. N’oubliez pas : le discours de nos aînés fut cinglant, et parfois même plus dur, plus insultant, plus radical et plus « irresponsable » que ce que l’on reproche au mouvement « Bongo Doit Partir » aujourd’hui. Il suffit de relire ou réécouter les discours de Pierre Mamboundou ou de Mba Abessole pour comprendre que ce que nous faisons aujourd’hui en matière de radicalisme politique dans la diaspora, c’est du pipi de chat.  Je pense que c’est plutôt le décalage entre ces discours radicaux de nos aînés et leurs errements convivialistes une fois passés de la diaspora au terrain, qui a tendance à choquer les observateurs, et partant, le peuple gabonais. En d’autres termes, nos aînés ont, de diverses manières, contribué à rendre confus et illisible le contexte, mais surtout la possibilité du changement  politique au Gabon, non seulement pour des populations qui attendaient d’eux l’accomplissement du changement radical promis dans leurs discours, mais également pour une diaspora de plus en plus idéaliste. A cause de ces confusions, et au gré des alliances convivialistes et républicaines contre-nature qui se tissèrent entre le pouvoir et son opposition, le paysage politique s’est retrouvé  pourri, rendant par la même occasion incrédules et désemparées des populations gabonaises qui, du coup, se sont mises à douter de leurs hommes politiques.

Et puisque, malheureusement, les hommes politiques les plus influents de l’histoire politique gabonaise, de Paul Mba Abessole à Pierre Mamboundou, sont tous venus de la diaspora, ils ont rendu tout nouveau message ou toute nouvelle tentative de percée politique par la diaspora gabonaise extrêmement difficile, surtout à une époque où cette même diaspora radicale s’est retrouvée rivalisée dans son message révolutionnaire par des aînés devenus soudain « raisonnables » et « responsables » dans leur transition vers le statut d’hommes de terrain. Ayant eux-mêmes, dans leur étape diasporique, prôné la révolution, ils se retournaient désormais paradoxalement contre leurs cadets qui, émulant leur exemple, voulaient prendre le relais de la lutte, voire même les appuyer dans leur combat révolutionnaire. Du coup, il s’est créé une distance idéologique entre des aînés se décrivant désormais comme des hommes de terrain « responsables » et se refusant le qualificatifs de « va-t-en-guerre », et des jeunes générations d’opposants dont le message révolutionnaire se retrouvait systématiquement court-circuité par les aînés. Ainsi, nos aînés sont eux-mêmes devenus complices implicites ou explicites de la survie du régime bongoïste. Devenus experts d’une opposition de façade qui semait non seulement l’immobilisme, mais aussi le doute quant à sa capacité à réussir le combat du changement, ils ont systématiquement brisé le continuum idéologique qui aurait dû exister, et être maintenu, entre eux et la diaspora. Du coup, plutôt que de voir les jeunes fougueux de la diaspora comme des alliés dont ils pouvaient s’approprier l’énergie en vue de réussir le combat, nos aînés commencèrent à les voir comme des dangereux rivaux et, donc, à les ignorer, voire à rejeter leurs discours jugés désormais trop « violents ». Ils firent, donc, tout le contraire de ce qu’eux-mêmes avaient pourtant fait en leur temps (c’est-à-dire maintenir la synergie idéologique entre la diaspora et les hommes de terrain), préférant une cassure politique qui créa, non pas un camp politique de l’opposition, mais deux camps : le camp des opposants sur le terrain, maîtres des lieux et supermen « capables » de tout, tous seuls, et l’opposition des « diasporeux », rêveurs, idéalistes et fous. Désormais, la guerre tripartite était ouverte : les opposants de terrain, tant bien que mal, continuaient à faire semblant de s’opposer aux Bongo même quand l’évidence démontraient qu’ils étaient à bout de souffle, les opposants de la diaspora, eux aussi, jeunes, effrontés, fougueux, et paradoxalement inspirés par la lutte des aînés, continuèrent à rêver du changement radical et à s’opposer aux Bongo par leurs proclamations idéalistes en faveur d’un changement radical, MAIS entre les opposants de la diaspora et ceux du pays, un fossé se creusa qui devint difficile à combler. Les deux camps se regardèrent désormais en chiens de Fayence, les jeunes reprochant aux vieux leurs hésitations, compromissions, tergiversations et échecs, et les vieux méprisant leurs cadets pour leur jeunesse, leur irresponsabilité et leur méconnaissance des « réalités » du terrain politique. Plus l’opposition de terrain se convivialisait, plus la distance se creusait entre elle et celle de la diaspora. Ce fut, donc, à partir de là, plus précisément dès décembre 1998, le dialogue des sourds entre l’opposition engagée sur le terrain et l’opposition expatriée.

Mais, au passage, ce sont les aînés qui gagnèrent la bataille contre les jeunes : ils réussirent tout simplement à confisquer le discours politique de l’alternance en laissant planer l’illusion de leur capacité non encore émoussée à déboulonner le régime en place, et par ce stratagème, ils réussirent à désarticuler, puis mettre en quarantaine, parfois avec la complicité amusée du régime, le discours d’une diaspora pourtant de plus en plus radicalisée.  Pour l’opposition diasporique donc, il fallait désormais faire face à trois blocages : il y avait, d’une part, le blocage venant du régime en place, qui s’efforça, argent aidant, de systématiquement casser toute nouvelle dynamique unitariste au sein de l’opposition de la diaspora, la rendant ainsi susceptible à des querelles de leadership savamment orchestrées par le régime ; d’autre part, il y avait le blocage venant de populations commençant à se fatiguer des discours fourbes et mensongers des opposants du terrain. Désabusées depuis 1990, les populations ne faisaient tout simplement plus confiance aux politiques, et, pour ceux qui s’égosillaient dans la diaspora, avaient désormais plutôt tendance à leur répondre « Oh, vous de la diaspora, on vous connaît car vous allez vous aussi nous faire le coup de vos aînés jadis venus de là-bas avec de beaux discours, alors que les voilà mangeant avec leurs bourreaux sur notre dos » ; il y avait, enfin, l’occupation du terrain politique par des aînés n’avançant jamais, mais maintenant un minimum de crédibilité, donc, en l’absence d’autre chose, une représentativité suffisamment forte pour annihiler toute tentative de pénétration du discours radical véhiculé par la diaspora. Les « on a déjà vu ça », « vous aussi vous venez à la soupe » et « qu’est-ce que vous allez faire de mieux que Mba Bessole ou Mamboundou » qui ont résulté de cette situation sont, en définitive, venus à la rescousse du régime puisque ces comportements de méfiance ont fini par tétaniser nos populations et les immobiliser dans la méfiance permanente de toutes les sortes d’oppositions nouvelles qui pouvaient émerger, mettant immédiatement les opposants nouveaux ou les nouveaux opposants dans une position paradoxale où, pour être crédible, un opposant avait désormais presque l’obligation de chasser les Bongo tout seul (comprenez par le miracle), pour prouver qu’il était opposant. Personne ne comprenait plus au Gabon que le travail de chasser un dictateur du pouvoir relevait de chacune des composantes de la société, c’est-à-dire nous tous, un non d’une seule personne ou d’un seul camp, surtout pas après 20 ans de ratés.

Autrement dit, cher ami pédégiste, nos aînés ont fait leur opposition dans le contexte d’une « tabula rasa » où aucune opposition précédente n’existait : ils étaient la seule opposition commencée dans le contexte du parti unique, et qui, de ce point de vue, n’a eu aucun effort à faire pour convaincre des Gabonais disposés à croire même un chien, tant ils étaient prêts à donner le Gabon au tout premier opposant venu, même si cet opposant était un cheval. L’opposition diasporique actuelle, quant à elle, tout autant que toute nouvelle opposition interne d’ailleurs, est, en réalité celle qui a un vrai travail politique à faire : pour convaincre, elle doit presque d’abord passer le plus clair de son temps à déblayer le terrain des décombres et séquelles psychologiques laissés par les aînés.

Cela veut donc dire que la nouvelle génération d’opposants qui est en train d’émerger à l’intérieur comme à l’extérieur du pays a devant elle une tâche titanesque. Pour réussir, la nouvelle génération d’opposants, notamment celle de la diaspora,  aura à faire face à plusieurs « ennemis »:

Elle doit convaincre le peuple et vaincre son incrédulité car le peuple ne croit plus en la sincérité des opposants ; il lui faut donc résoudre l’équation de cette crise de confiance qui dure maintenant depuis, au moins, la conférence de nationale et qui risque de s’étendre tant que les aînés occuperont encore, sans avancer ou sans passer la main, le terrain politique au Gabon ;

–         Elle doit convaincre le peuple par des actions presque miraculeuses car, devenu difficilement mobilisable, ce peuple attendrait presque de cette nouvelle génération d’opposants qu’elle se mette elle-même des bombes autour de la taille pour aller faire sauter Ali Bongo, seule chose qui lui prouverait, à ce peuple, la sincérité de ses nouveaux opposants. C’est un peu comme cette femme à qui vous dites « Je me tuerais pour toi , chérie », mais qui doute tellement de vous que la seule manière de lui prouver que vous l’aimez consisterait, précisément, à vous tuer tout en lui laissant sur votre cadavre le message d’amour qu’elle attendait : « Tu vois, chérie, combien je t’aime. Dommage que nous ne puissions jouir ensemble de notre amour maintenant prouvé puisque j’ai dû me suicider pour te le prouver ».

–         Elle doit combattre les séquelles du bongoïsme qui, grâce à l’arme de la misère et de la politisation à outrance de l’accès à l’emploi, aux avantages de l’Etat et au bien-être, a confiné les deux générations d’opposants (celle des aînés et celles des plus jeunes), à l’idée que pour devenir riche, il fallait devenir ministre, et pour devenir ministre, il n’y avait d’autre chemin que l’allégeance aux Bongo. Les séquelles de cette « ministrabilisation » obligatoire, passage obligé vers l’aisance financière et matérielle, ont fait que, parmi les moins scrupuleux et les moins idéalistes parmi nos aînés comme parmi les plus jeunes, la bataille pour la survie du plus apte se déclenche, donnant naissance à cette culture de la facilité et de la trahison qui hantent aujourd’hui le paysage politique gabonais. Dans ce contexte du « sauve-qui-peut », l’attitude du « chacun pour soi, Dieu pour tous » devint inévitable. La misère savamment entretenue par les B0ngo pendant 44 ans ne manqua pas d’inspirer les comportements les plus malfrats : qu’il soit (faussement) du pouvoir ou (faussement) de l’opposition, le Gabonais sut cultiver le génie de l’appel du pied (un peu comme vous le faites, cher PDGiste-A-Mort), pour trouver le moyen d’aller manger. Les Bongo, de leur côté, avaient compris qu’il n’y avait pas arme plus efficace contre la conviction politique et l’idéalisme que la misère. Acculez-y vos opposants les plus redoutables et, un jour, ils finiront bien par craquer. Quand ce ne sont pas leurs propres ventres qui les pousseraient aux compromissions, ce serait ceux, affamés, de leurs propres enfants ou de leurs propres parents qui finiront par briser leurs dernières résistances et leurs derniers rêves pour un Gabon de démocratie et de partage.

Malheureusement, qu’il s’agisse de Paul Mba Abessole, de Pierre Mamboundou ou même d’André Mba Obame, très peu d’opposants ont pu se construire des carrières indépendantes hors du régime. Quand ils n’étaient pas directement cueillis de la diaspora à leur sortie toute fraîche d’une université parisienne comme ce fut le cas avec Mba Obame, avec des doctorats ou des qualifications n’ayant jamais servi dans des carrières indépendantes, ils dépendaient directement du régime, comme ce fut le cas de Pierre Mamboundou, dont la carrière internationale à l’ACCT dépendait directement du bon vouloir d’Omar Bongo. C’est dire qu’aucun de nos opposants historiques ne s’est jamais constitué une carrière indépendante hors système, contrairement à certains de la nouvelle génération, qui, au moins, comme moi et pas mal d’autres, peuvent grâce à cette indépendance, se permettre d’« insulter » librement les Bongo sans craindre de représailles économiques telles la révocation de l’emploi ou la suspension de salaire. Il est donc possible de dire, au niveau du Gabon, que tout opposant historique ou nouveau qui ne peut justifier d’une carrière indépendante acquise avant de se déclarer opposant laissera toujours planer le doute non seulement quant à sa capacité à résister longtemps aux pressions et appels bongoïstes, mais aussi quant à la sincérité de son engagement et ancrage politique au sein d’une opposition réellement agissante. Cela ne veut pas dire que de tels opposants ne puissent pas être sincères ; cela veut plutôt dire que sa percée sera inévitablement rendue difficile par les doutes semés dans la tête des populations par les aînés.

–         Elle doit, enfin, presque souvent se retrouver à combattre non seulement le régime, mais aussi, en parallèle, ses propres aînés qui, occupant le terrain politique, ne veulent permettre l’émergence d’aucun jeune loup, tout simplement parce qu’ils voient ces jeunes comme des rivaux capables de leur ravir la notoriété ou la présidentiabilité. Ils ont du mal à collaborer avec des jeunes trop fougueux et révolutionnaires et à se résoudre à la nécessité d’un passage de témoins naturel entre générations, aux fins justement de permettre le renouvellement d’une classe politique qui en aurait bien besoin si les Gabonais veulent un jour arriver à l’étape de la libération finale des forces du mal qui les tiennent en otage.

Le sujet que vous évoquez, comme vous le voyez, cher PDGiste-A-Mort, est donc trop complexe pour que vous le simplifiiez de la manière quelque peu légère avec laquelle vous vous êtes livré à votre réflexion.

Il demeure, cependant, louable que vous ayez soulevé ce débat sur la nature de la diaspora gabonaise. Mais, vous dirai-je, l’erreur à ne pas commettre est de croire que la diaspora gabonaise soit autre chose que le reflet de ce qu’est la société gabonaise. Autrement dit, la diaspora gabonaise est exactement à l’image de son peuple. Ce qui est vrai au Gabon reste vrai de sa diaspora. Elle souffrira les mêmes tares, les mêmes trahisons (j’en sais quelque chose en 12 ans d’opposition inébranlable), les mêmes prédispositions. Par ailleurs, être intellectuel ne dispense pas de la bêtise. Vous êtes vous-même à l’image de cette bêtise car, ayant un doctorat en mains et ayant eu l’avantage de sortir de votre pays, votre niveau de réflexion n’a guère évolué par rapport au Gabonais qui, lui n’est jamais sorti de son village. Votre séjour en France aurait dû au moins vous faire rêver, vous faire évoluer vers l’autocritique de votre système. Hélas, vous êtes resté coincé au niveau des « Bongo oyé ! Mbembêêêê… !!! ». Mais « mbembê », pour quelle raison ? Pour quel bilan ?

Mais est-ce parce que nos aînés auraient raté qu’il faut abandonner, se décourager. Et est-ce parce que nous les soupçonnons de faiblesse ou de collusion avec le régime qu’il faut les ostraciser ? Aucunement. Il nous faut continuer, surtout nous de la diaspora, à rechercher des synergies avec eux et avec toutes les nouvelles générations d’engagés politiques qui recherchent le changement véritable, par tous les moyens. Si Mba Abessole est irrémédiablement  perdu dans la fange bongoïste, il reste encore un espoir pour la diaspora et l’opposition des aînés constituée par Pierre Mamboundou, Mba Obame, Maganga Moussavou, Eyegue Ndong, Zacharie Myboto, Luc Bengone Nsi, et bien d’autres, de travailler ensemble. Depuis 2009, des rapprochements imperceptibles mais progressifs semblent avoir été engagés par lesquels un nouvel espoir de convergence peut naître. Le travail de rassemblement engagé ces derniers mois par la société civile est donc une indication que l’union de l’opposition est encore possible, non seulement dans le pays, mais aussi, potentiellement, au sein de la diaspora.

Autrement dit, le combat que nous menons contre les Bongo depuis la diaspora ne peut se réduire aux simplifications que vous faites. L’erreur fondamentale serait de croire que ce sera forcément nos aînés, ou la génération actuelle, ou la diaspora, qui réussira l’exploit du changement. Si le changement doit arriver, il arrivera, en son temps, et par l’effort de tous. Cela peut être maintenant ou dans dix ans. L’essentiel est que chacun puisse faire sa part et que le changement radical souhaité par tous se passe.

Chaque génération aura ses traîtres et chaque génération aura ses héros. L’erreur serait de croire au déterminisme qui voudrait que ce soit forcément maintenant que les choses changeront. Comme il n’y a aucune garantie, ce qui importe c’est que ceux qui y croient, dans le cadre de leur génération, fassent ce qu’il y a à faire pour assurer la permanence du combat, avant, par la suite, de passer le bâton à la génération suivante si le combat n’est pas gagné à leur époque. Le plus gros danger pour nous, Gabonais, serait un vide générationnel par lequel, après nos aînés finissants, il n’y aurait personne pour prendre la relève du combat. Une telle éventualité sonnerait sans aucun doute le glas de notre pays, et nous garantirait au moins, 70 ans de pouvoir dynastique au Gabon.

Voilà pourquoi, il me semble, la Paulette Oyane que vous fustigez mérite plus d’être gabonaise que vous. Elle a sur vous l’avantage non seulement de cette intelligence qui découle de la capacité d’autocritique (elle reconnaît les errances de son camp PDG, le même que le vôtre), mais en plus, elle fait montre d’un sens profond de la dignité et de l’honneur : elle ne tire aucun plaisir de savoir que son camp n’a jamais gagné aucune élection au Gabon autrement que par la fraude, et qu’ à cause de cela, son camp a tué la République et tout son potentiel humain et économique.

J’ose espérer, cher frère « PDGiste-A-Mort », que vous gardez quand-même encore, quelque part en vous, pour votre pays, l’espoir qu’il pourrait, au moins, être dirigé un jour par quelqu’un d’autre qu’un Bongo, et que, à un moment, il faudrait bien que quelqu’un d’autre, même si ce quelqu’un d’autre est du PDG, puisse rêver un jour d’être président du Gabon ? Personne au Gabon, il me semble, ne s’oppose à l’idée de voir le PDG gagner des élections si cela est fait dans une transparence sans failles. Personne ne refuse non plus de voir un Ali Bongo gagner des élections si ces élections sont sans reproche. Ce que nous refusons, par contre, est que ce soit par la fraude que le PDG et ses bongoïstes s’imposent, et que cette imposition nous condamne, pour 70 ans, à subir la dynastie d’un clan et d’une famille qui, depuis 44 ans déjà a fait plus que nous prouver son incompétence à gérer le petit pays qu’on appelle Gabon.

Voilà pourquoi j’ai un peu pitié de vous, cher ami. Je veux bien que vous soyez un « PDGiste-A-Mort », mais que vous vaut-il, à la fin, votre immolation pour le PDG si ni vous-même, ni vos enfants, ni les enfants de vos enfants, ni même encore les enfants des enfants de vos acolytes engagés à mort dans le PDG, ne pouvez rêver de devenir un jour présidents du Gabon parce que, il nous semble, seuls les Bongo semblent mériter cette distinction au sein de votre galaxie politique ? Cela ne vous donne-t-il pas envie d’aller vous pendre quelque part ?

Libre à vous, évidemment d’aller mourir comme un animal où vous voulez pour le PDG. Mais à la fin, je vous le promets, vous mourrez comme une larve, c’est-à-dire, comme un zéro né zéro et mort zéro pour zéro. De vous, il ne restera que ces textes maladroits par lesquels vous proclamiez sur Internet votre bongoïsme (lire « votre animalité »), pendant que les Bongo, eux, forts de votre soutien à mort, vous rigoleraient au nez en sablant le champagne dans les hôtels luxueux de Paris, et, quand ils vous verront en bas de la rue, de la fenêtre de leur hôtel, ramper par terre pour ramasser les 200 dollars qu’ils vous auront jetés, dans leurs têtes pourries de méchanceté, ils se diront sûrement, amusés : « quel zéro, celui-là ».

Fraternellement.

Dr. Daniel Mengara
Président, Bongo Doit Partir.
https://www.bdpgabon.org

 

 

 

 

Exprimez-vous!

  1. Vraiment, il y’a encore des gabonais intellectuels qui se cachent derrière un pseudo-bunker pour s’exprimer de manière à défendre leurs opinions!

    Je souffre dans mon cœur en lisant ce PDGoste à mort.
    Toutes mes excuses pour avoir mal orthographier, PDGiste à mort…

    Ce monsieur, s’il est vraiment gabonais, il fait honte au Gabon et à son patron Ali Bongo. Lui au moins est juriste, et , il jure avoir remporter une élection, jure également, être né à Brazzaville au Congo…. sans autre détail….

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