L’ex-parti unique vient d’adopter quelques mesures qui pourraient laisser croire qu’il amorce un virage pouvant l’amener à fonctionner comme les autres formations politiques du pays. On sait pourtant, en cette période électorale, qu’il ne s’agit que d’effets d’annonce. Autrement, cela signifierait que le parti quadragénaire envisage de se saborder. On ne se refait pas à cet âge là.
Le Parti démocratique gabonais (PDG) qui continue, selon ses détracteurs, d’être financé sur les fonds publics comme au temps béni de son statut de parti Etat, vient à nouveau d’annoncer sa bonne intention de faire cotiser les militants. De plus, la formation politique créée par Omar Bongo en 1968, vient de se doter d’une commission centrale de discipline et des promotions et d’une agence comptable centrale dont les membres ont pris leurs fonctions le 30 septembre à Libreville.
Renforcer la discipline au sein du PDG
Les deux structures ont pour mission de renforcer la discipline au sein du parti, pour l’une, et de permettre à ce dernier de recouvrer les financements nécessaires à son fonctionnement pour l’autre. Cité par l’hebdomadaire « Le Scribouillard », Louis Gabriel Pambo, le comptable central de ce parti, a déclaré à cette occasion que le PDG «connait un besoin évident de mobilisation des ressources financières pour assurer son fonctionnement optimum et répondre ainsi à son ambition de demeurer la première force politique du pays». Et, Faustin Boukoubi, secrétaire général de la formation politique, d’encourager lui-même les militants à s’acquitter de leurs cotisations conformément aux statuts et règlement intérieur de ce parti dont les militants, de notoriété publique, n’ont jamais cotisé depuis sa création.
La volonté de changement du PDG comporte un autre épiphénomène qui se traduit par le fait que ce parti vient de recevoir des consignes et sévères mises en garde venues de très haut. Celles-ci visent à interdire les candidatures indépendantes de ses membres n’ayant pas reçu l’investiture pour les prochaines législatives.
Militants indisciplinés et candidats renégats
On sait en effet qu’à chaque consultation électorale, les premiers adversaires du PDG sont ses propres renégats momentanés : ceux de ses barons qui ne sont pas officiellement envoyés sur le front électoral et qui y vont tout de même à titre personnel, ainsi qu’on l’a vu par le passé. Mais, les prétendants à l’indiscipline savent désormais à quoi s’en tenir : Tout membre du PDG qui osera se présenter à l’élection en candidat indépendant sera sanctionné «avec la dernière énergie» (sic). Cette sanction pouvant «aller jusqu’à la perte d’une fonction administrative». Les obstinés sont avertis.
On a pourtant l’impression d’un air entendu que les militants et la baronnie de ce parti vont très vite balayer de ce petit geste de la main à l’oreille qui traduit l’expression «cause toujours !». En octobre 2010 par exemple, Angélique Ngoma, alors secrétaire générale adjointe du parti chargée des femmes, avait déjà enjoint, sur un ton des plus sincères, les militantes du PDG à avoir une carte de membre et à s’acquitter de leurs cotisations. La suggestion est restée lettre morte, alors qu’on croyait que le Tsun’Ali allait faire son nettoyage dans ce parti.
Reformatage suicidaire
Le PDG, qui n’a jamais eu de système de recouvrement, a pourtant des charges mensuelles qui se chiffrent à plusieurs dizaines de millions. On sait, par exemple, qu’en 2004, un braquage devant le siège de ce parti lui avait fait perdre 91 millions de francs CFA destinés au payement de ses salariés.
Il se murmure que le secrétaire général de cette formation politique, qui a littéralement un rang de Premier ministre, bénéficie d’un traitement et des dispositions d’accompagnement quasi identiques à celles du chef du gouvernement. Le PDG est ainsi formaté. On y adhère pour bénéficier de divers avantages et nullement pour soutenir un projet de société dont les militants ne connaissent d’ailleurs que les slogans, leitmotivs et phrases toutes faites matraqués par une presse de service public qui en escompte également quelques retombées bénéfiques. L’ombre du parti Etat obscurci encore bien des consciences.
Amener le PDG à la discipline et y imposer des cotisations, reviendrait à reformater sa baronnie sevrée aux avantages indus, à la concussion et à l’impunité. Mais aussi à repousser ses masses populaires, habituées aux prises en charges totales. Autrement dit à vider ce parti d’une bonne partie de ses membres qui se persuaderont alors que le navire prend de l’eau et court inéluctablement à sa perte. Les hiérarques du PDG le savent. C’est pourquoi, il ne s’agit là encore que d’annonces gratuites.