Le fou n’est pas l’homme qui a perdu la raison. Le fou est celui qui a tout perdu, excepté la raison. Cette assertion de Gilbert Keith Chesterton a l’avantage de nous avertir qu’en parlant de folie, plus génériquement des maladies mentales, nous pénétrons dans un univers fort complexe. Un monde de l’absurde. Non pas l’absurde au sens que le concevait Albert Camus. Où ‘’l’acte gratuit’’ est la manifestation d’un état second inexplicable. Mais d’une absurdité faite d’élucubrations cliniquement justifiables et compréhensibles.
Pour comprendre pourquoi le ‘’fou’’ est celui qui a tout perdu sauf la raison, il faut recourir à une petite anecdote qui fait école en la matière. Celle de ce fou, pensionnaire d’un asile où la viande était rarement au menu. A cause de la modicité du budget alloué à la structure, le gestionnaire ne pouvait se permettre le moindre écart pour offrir un tel luxe à ses pensionnaires.
Ayant constaté que des hordes d’oiseaux de toutes sortes venaient au quotidien se poser sur les barbelés de la clôture d’enceinte de l’asile, le fou lui proposa d’acheter des carabines et d’en remettre une, avec des cartouches, à chaque pensionnaire. Ainsi donc, depuis la véranda où ils passaient le clair de leur temps, chacun pouvait aisément abattre un nombre plus ou moins important d’oiseaux. Au regard du nombre de pensionnaires, le problème était réglé. Il y aurait suffisamment de viande pour tous les pensionnaires de l’asile. Après cette chasse d’un autre genre, les carabines seraient rangées pour ne ressortir que lorsque le besoin en protéines animales se ferait ressentir.
A première vue, le raisonnement, fort simpliste, était juste. Mais l’homme qui réfléchissait ainsi avait tout simplement perdu de vue que l’état mental de chacun des pensionnaires de l’asile ne permettait pas qu’on leur confiât des armes à feu, au risque d’autoriser un véritable carnage. Des malades mentaux se tirant dessus ou prenant pour cibles le personnel soignant, avec de véritables fusils de chasse, en plein asile, aurait été un spectacle aussi étonnant que surprenant.
Qui sont donc ces hommes nus, hirsutes, échevelés et sales que nous croisons chaque jour dans les rues de nos villes, le regard perdu, la bouche tordue par un mauvais rictus, parlant parfois tout seul et à haute voix, accompagnant leurs propos de gestes désordonnés ? Qui est donc cet homme apparemment paisible qui fouille chaque jour dans les poubelles du coin, le sourire béat, à la recherche de sa pitance ? Qui est cet homme menaçant et vociférant comme un lion en cage, les yeux injectés de sang ?
Directeur de l’hôpital psychiatrique de Melen, l’unique du pays, le Dr Mbungu Mabiala explique que les troubles psychiatriques vont des plus simples aux plus graves. En psychiatrie, ajoute-t-il, il existe deux grands groupes de maladies mentales : les psychotiques et les névrotiques… Dans ce dossier réalisé à l’occasion de la journée consacrée à la santé mentale, l’Agence gabonaise de presse (AGP) lève un coin du voile… Voyage dans l’univers de la démence…