Le président camerounais Paul Biya, dont la victoire à l’élection de dimanche ne fait guère de doute, consacrera le nouveau mandat qui se profile à peaufiner son héritage politique par de grands projets d’infrastructure et à désigner un successeur, déclarent des analystes.
En près de trente années de pouvoir, Paul Biya a maintenu le Cameroun sur une voie relativement stable dans une région agitée, parfois aux dépens de la démocratie, selon ses adversaires.
Le scrutin présidentiel à un tour de dimanche intervient quelques semaines après une alternance politique sans accrocs en Zambie, qui a montré que l’Afrique pouvait connaître des changements pacifiques par les urnes.
Mais Paul Biya, 78 ans, semble devoir rester au nombre des dirigeants africains en place durant des décennies, même s’il voit décroître leur nombre.
« Il paraît probable qu’il remportera l’élection avant de gérer un transfert du pouvoir à mi-mandat – sous réserve que son état de santé ne nécessite pas une passation plus rapide et potentiellement explosive », déclaré Roddy Barclay, analyste au cabinet de consultants Control Risks, basé à Londres.
La campagne pour l’élection du 9 octobre, que les rivaux de Biya estiment orientée contre eux depuis le début, a mis en évidence les divisions de l’opposition et des tensions illustrées la semaine dernière par un homme armé qui a bloqué un pont de Douala, la capitale économique, dans le cadre apparent d’une manifestation anti- Biya.
UN « IMMENSE CHANTIER » EN 2012
Outre sa production pétrolière, le Cameroun est le principal débouché portuaire et le grenier à céréales de la région. Il est le fournisseur du Tchad, de la République centrafricaine, de la République du Congo et du Gabon. Il abrite aussi l’oléoduc Tchad-Cameroun et héberge plusieurs milliers de réfugiés ayant fui des conflits régionaux.
« Dans un monde de plus en plus incertain, nous avons veillé à garder le cap là où beaucoup de pays, y compris certains des plus avancés, peinent à mener leur barque », déclarait le président en septembre lors d’un congrès de son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC).
Des médias et des opposants l’ont taxé de gouvernance laxiste favorisant corruption et népotisme. Le FMI a estimé que la prévision de croissance de 3,8% du Cameroun pour cette année était en dessous de son potentiel.
Dans l’espoir de hisser son pays au niveau du Mexique ou de la Malaisie, Paul Biya s’est engagé dans une politique de grands travaux – routes, centrales électriques, ports en eau profonde.
« A partir de 2012, le Cameroun sera transformé en un immense chantier », a-t-il dit en se référant à des projets hydroélectriques, à une centrale à gaz et à des centres de raffinage pétrolier.
Le gouvernement camerounais a procédé en 1998 à une réforme constitutionnelle visant à supprimer la limitation des mandats présidentiels et permettre ainsi à Biya de se représenter.
Le président sortant a pour adversaires 22 candidats d’opposition, parmi lesquels figurent son challenger John Fru Ndi, du Social Democratic Front (SDF), et Adamou Ndam Njoya, président de l’Union démocratique du Cameroun (UDC).
Le Cameroun compte environ 7,3 millions d’électeurs inscrits. Ils étaient cinq millions lors du scrutin de 2004 que Paul Biya avait remporté avec 70,92% des voix contre 17,40% à John Fru Ndi.
Avec Tansa Musa à Yaoundé, Philippe Bas-Rabérin pour le service français, édité par Jean-Philippe Lefief