« Nous dédions notre qualification à tous les Libyens, à notre révolution ! »: c’est par ces mots que le gardien vétéran de la Libye, Samir Aboud, 39 ans, a salué le ticket arraché samedi par son équipe pour la CAN-2012 au Gabon et en Guinée équatoriale (21 janvier-12 février).
L’équipe nationale peut dire merci à ce portier, dont l’agilité de chat sur sa ligne de but fait mentir son âge (il aura 40 ans en septembre 2012). Ses arrêts réflexes de grande classe ont permis à la Libye de ramener un nul de Zambie (0-0) et d’accéder, par le biais du classement des meilleurs deuxièmes, à la compétition africaine reine.
« Nous n’avons pas si bien joué que ça mais ça n’a pas vraiment d’importance, c’est un jour historique », commentait le sélectionneur des Libyens, le Brésilien aux tempes grisonnantes, Marco Paqueta, devant la presse.
Pendant que Paqueta et Aboud parlaient devant micros et caméras, le reste de l’équipe chantait, pleurait et dansait aux abords des vestiaires du stade de la ville minière zambienne de Chingola, où avait eu lieu le match, pour fêter cette troisième participation à une Coupe d’Afrique des nations.
Lors des précédentes éditions, la Libye, alors pays-hôte, avait perdu aux tirs au but en finale face au Ghana en 1982. La Libye avait ensuite été éliminée au premier tour en 2006 en Egypte.
La guerre civile en Libye a évidemment pesé sur le parcours de qualification des footballeurs du pays. Ils n’ont pu jouer qu’un seul de leur match à la « maison » dans leur stade national de Tripoli (60.000 places) avant de devoir s’expatrier pour disputer leurs autres matches « à domicile ». Ils ont ainsi battu les Comores 3-0 à Bamako au Mali il y a sept mois et vaincu le Mozambique 1 à 0 au Caire en Egypte, où le match s’était déroulé à huis-clos pour des raisons de sécurité.
Les évènements n’ont pas été sans impact non plus au sein même des rangs de cette sélection qui était surnommée « les Verts ». Un joueur a été exclu pour avoir traité les rebelles morts de « rats » et de « chiens », tandis que d’autres joueurs avaient refusé de revêtir les nouvelles couleurs du pays –rouge, vert et noir– tant que le pays tout entier n’aurait pas été libéré.
Il y eut aussi ce périple risqué par la route pour quitter Tripoli et rallier la Tunisie, où l’équipe se rassemblait pour un stage de 10 jours avant le match en Zambie, autour d’un Paqueta qui n’a plus reçu son salaire depuis six mois.
« Au Brésil, tout le monde m’a dit: +tu es fou de rester+, mais je voulais finir le travail, et je ne voulais pas laisser tomber les joueurs. Je suis devenu leur ami et je sens qu’ils sont prêts à jouer pour moi », déclarait récemment à la BBC le sélectionneur, qui avait été engagé il y a un an quand la famille Kadhafi contrôlait le pays, y compris la fédération de football.
Le coach brésilien n’avait plus de joueurs réellement compétitifs à sa disposition, puisque le championnat libyen, principal réservoir de sa sélection, s’était arrêté en mars à cause des bombardements.
La Libye devait accueillir la prochaine CAN en 2013 (programmée juste un an après celle de 2012).
Mais en raison de la guerre, c’est l’Afrique du Sud qui organisera la Coupe d’Afrique des nations 2013, à la suite d’un accord d’échange qui verra la Libye accueillir le tournoi en 2017. D’ici là, la nouvelle Libye pourra savourer comme un miraculé l’édition 2012.