Les forces fidèles au dirigeant libyen déchu Mouammar Kadhafi ont été poussées dans un dernier carré à Syrte, ville dévastée par plus d’un mois de siège et que les nouvelles autorités attendent de contrôler pour déclarer la libération du pays et former un gouvernement.
Le N°2 du Conseil national de transition (CNT), Mahmoud Jibril, s’est dit inquiet de la bataille politique à venir qui pourrait faire sombrer le pays dans le « chaos ».
A Syrte, « le quartier Dollar a été libéré (mardi soir) et la bataille est lancée pour le quartier N°2 », un secteur de moins d’un kilomètre carré où les forces pro-Kadhafi ont été acculées, a déclaré à l’AFP Essam Baghhar, un commandant du
Selon un journaliste de l’AFP se trouvant du côté est du quartier N°2, de violents combats de rue ont eu lieu mercredi dans cette zone.
« Les combats se déroulent dans quatre des cinq rues du quartier. Ils sont intenses », a indiqué le commandant Ali Al-Rokibi. Un médecin, Mourched Haider, a ajouté qu’il y avait toujours quelques tirs sporadiques dans le quartier Dollar.
Les forces anti-Kadhafi ont saisi un dépôt d’armes du régime déchu, a indiqué Walid, un combattant, ajoutant: « Cela va épuiser leurs réserves d’armes et de munitions ».
Dans l’hôpital de campagne installé à l’est de Syrte, des médecins ont fait état de sept pro-CNT tués et de 74 blessés. Deux autres ont été blessés côté ouest, où les combattants ont annoncé une pause après les combats sanglants de mardi qui ont fait au moins 21 morts et 135 blessés dans les rangs anti-Kadhafi, selon des sources médicales.
« Il y a un tireur embusqué dans pratiquement chaque maison. Parfois des civils (…) nous tendent des guet-apens. Ils sortent de leurs maisons en montrant un drapeau blanc et ensuite des snipers nous tirent dessus », a expliqué un combattant du CNT, Atallah Zein.
Un bulldozer blindé, prêt à pénétrer dans le quartier N°2 pour dégager la rue principale jonchée d’épaves de voitures et de conteneurs, a finalement fait demi-tour dans l’après-midi, a constaté une journaliste de l’AFP.
Une dizaine de véhicules massés côté ouest et les nombreux combattants à bord ont reçu l’ordre de changer leurs plans par haut-parleurs, selon Lotfi Alamin, un combattant de Misrata.
« Nous n’entrerons pas aujourd’hui. On va continuer à bombarder aux Grad, on entrera demain (jeudi) dans le quartier » (n°2), a-t-il ajouté, alors que les pro-Kadhafi répliquaient à la roquette et à la mitrailleuse, opposant toujours une résistance farouche dans la ville située à 360 km à l’est de Tripoli et assiégée depuis le 15 septembre.
Aucun homme des forces pro-CNT n’était en mesure d’expliquer ce délai.
La chute de Syrte, région natale de Mouammar Kadhafi et son dernier bastion, permettra au CNT de proclamer la « libération totale » de la Libye et d’ouvrir les discussions pour un gouvernement de transition jusqu’aux élections.
Dans cette ville côtière, pas un bâtiment ne semble sorti intact de l’impitoyable bataille: des rues entières sont inondées, les routes défoncées, les vitres brisées.
Natif de Syrte, Ibrahim Alazhry fait partie des rares habitants à avoir pris les armes aux côtés du CNT. Mais il enrage contre les saccages et les pillages qui sonnent comme une vengeance.
« Je sais que les révolutionnaires se heurtent à une forte résistance ici et doivent tirer à l’arme lourde pour tuer les tireurs embusqués. Mais pourquoi entrer dans les maisons, les saccager, les brûler? », s’énerve-t-il.
A 170 km au sud-est de Tripoli, le drapeau des nouvelles autorités flottait dans les rues désertées de Bani Walid tombé lundi aux mains du CNT, après plus d’un mois de siège.
Le président du CNT Moustapha Abdeljalil a promis de dédommager les combattants, les blessés et les familles des 25.000 « martyrs » de la guerre.
« Le CNT va mettre en place une autorité chargée d’aider à la réintégration des combattants vers la vie civile », a-t-il déclaré.
Le régime de Mouammar Kadhafi a été renversé le 23 août avec la chute de son quartier général de Bab al-Aziziya à Tripoli. Depuis, le dirigeant déchu est en fuite et se déplace dans le Sud libyen désertique, selon le CNT.
Sur le plan politique, le numéro deux du CNT, Mahmoud Jibril, a formulé mercredi soir des craintes quant au « chaos » qui pourrait résulter d’une « bataille politique » précoce, une éventuelle lutte de pouvoir pouvant survenir entre tribus, régions et entre les islamistes et les libéraux.
« Nous sommes passés d’une bataille nationale à une bataille politique qui n’aurait pas dû avoir lieu avant de fonder l’Etat », a-t-il affirmé. « Un des scénarios terrifiants c’est qu’on transite d’une guerre nationale vers le chaos ».
En visite mardi à Tripoli, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a promis le soutien de son pays aux nouvelles autorités qui disent craindre que Mouammar Kadhafi ne reprenne le pouvoir grâce aux Touareg du sud.
Par ailleurs, le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague en visite mercredi à Alger a demandé à l’Algérie de coopérer avec le CNT pour livrer des membres de la famille Kadhafi réfugiés en Algérie si les autorités libyennes le leur demandaient.