Abdurrahim el-Keib, le nouveau Premier ministre par intérim de la Libye nouvelle, est un universitaire formé aux Etats-Unis et nouveau venu en politique. Sa désignation lundi soir par le Conseil national de Transition (CNT) semble suggérer que les nouvelles autorités du pays cherchent à la fois à rassurer l’Occident et des Libyens méfiants envers toute personne un tant soit peu liée au régime Kadhafi.
Originaire de Tripoli et docteur en ingéniérie électrique de l’Université de Caroline du Nord, il a enseigné dans cette université, ainsi qu’à l’Université d’Alabama, à compter de 1985, selon une biographie diffusée par un de ses anciens employeurs, l’Institut du pétrole des Emirats arabes unis.
Choisi par 26 voix sur 51 par le CNT, el-Keib doit nommer d’ici deux semaines les membres du nouveau gouvernement intérimaire, la véritable première équipe de transition d’après l’annonce de la libération du pays, chargée d’organiser l’après-guerre et des élections à la constituante dans un délai de huit mois.
Il remplace le chef sortant du gouvernement CNT, Mahmoud Jibril, qui s’était engagé à partir dès que la victoire sur le régime de Moammar Kadhafi aurait été proclamée.
Ces derniers temps, Jibril était de plus en plus contesté: jugé trop laïc par les islamistes libyens, cet ex-conseiller économique de l’équipe Kadhafi était pour d’autres trop proche de l’ancien régime, et montré du doigt pour avoir passé la majeure partie des huit mois de guerre civile hors du pays, pendant que les forces révolutionnaires combattaient sur le terrain.
A son crédit en revanche, le soutien international qu’il a réussi à rassembler derrière le CNT, notamment auprès de la France et de la Grande-Bretagne, et qui aura permis la mobilisation militaire de l’OTAN.
Le gouvernement intérimaire sortant était un groupe constitué sur le tas de militants et d’ex-responsables du régime de Tripoli ayant fait défection depuis le début du soulèvement, à la mi-février.
En son sein, le CNT avait désigné un « bureau exécutif » provisoire servant de gouvernement de fait. Et même avant la chute du régime Kadhafi, le CNT avait annoncé qu’un gouvernement constitué avec un plus grand soin serait chargé de superviser la période de transition de huit mois.
A la différence de Jibril, Al-Keib, membre du CNT qui vit désormais à Tripoli, a passé lui la plus grande partie de sa carrière hors de la Libye, et semble sans lien aucun avec le régime déchu. Un pedigree qui est susceptible aussi de moins susciter que son prédécesseur l’aversion des commandants de l’ex-rébellion, qui rejettent viscéralement toute personne liée de près ou de loin à Kadhafi.
Aux yeux de l’Occident, il est par ailleurs vierge de tous les excès et violations des droits de l’homme attribuées aux combattants révolutionnaires, ainsi que du traitement, filmé en vidéo, infligé à Kadhafi entre sa capture et sa mort, et qui sont venus ternir la révolution libyenne.
« Nous garantissons que nous voulons une nation qui respecte les droits de l’homme, et ne permet pas qu’ils soient violés », a-t-il déclaré lundi soir après son élection. « Mais nous avons besoin de temps », a-t-il ajouté, promettant qu’il écouterait attentivement la volonté des Libyens.
Reste un autre sujet d’inquiétude pour les puissances occidentales, sur lesquelles il n’a pour l’instant pas pris position: l’engagement du président du CNT Mustafa Abdul-Jalil à islamiser les lois de la Libye nouvelle.