La tension est montée d’un cran samedi au Liberia entre l’opposant Winston Tubman, qui a appelé à boycotter le second tour de la présidentielle prévu mardi, et la présidente sortante Ellen Johnson Sirleaf, qui l’a accusé « de violer la Constitution ».
L’appel de M. Tubman à boycotter le scrutin est susceptible de provoquer une reprise des violences dans un pays encore hanté par le spectre de guerres civiles qui, de 1989 à 2003, ont fait quelque 250.000 morts, détruit ses infrastructures et son économie.
« Winston Tubman a appelé les Libériens à abandonner leur droit de vote. Il a appelé les gens à violer la Constitution », a déclaré Mme Sirleaf, prix Nobel de la paix 2011, dans une déclaration à la Nation au siège de la présidence à Monrovia.
« Quand vous commencez à violer la Constitution, où vous arrêterez-vous? », s’est-elle interrogée.
Selon elle, la Constitution libérienne « exige » qu’un second tour soit organisé si aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue au premier tour, ce qui est le cas: le 11 octobre, Mme Sirleaf est arrivée en tête avec 43,9% des suffrages devant M. Tubman (32,7%).
Entourée de dirigeants de partis qui la soutiennent et de militants de sa propre formation, le Parti de l’unité (UP), elle a accusé son opposant d’agir ainsi « car il craint la défaite ».
Mme Sirleaf a obtenu pour le second tour le soutien de l’ex-chef de guerre Prince Johnson, arrivé 3ème en octobre avec 11,6% des voix, et du juriste Charles Brumskine, classé 4ème (5,5%).
Winston Tubman, 70 ans, économiste et diplomate soutenu par Georges Weah, ex-star internationale de football, a dénoncé des « fraudes » au premier tour et annoncé vendredi qu’il ne participerait pas au second en demandant à ses partisans de le boycotter.
S’il avait obtenu la démission du président de la Commission électorale nationale (NEC), James Fromayan, accusé d’être l’organisateur des fraudes présumées au profit de Mme Sirleaf, il n’a pas obtenu la restructuration de la NEC exigée pour prix de sa participation à un scrutin « libre et transparent ».
« Ne succombez pas à l’intimidation »
« Ne succombez pas à l’intimidation, ne laissez pas votre pays se faire prendre en otage », a déclaré Mme Sirleaf, en appelant les Libériens à aller voter mardi « pour le candidat de (leur) choix, pour la paix et la démocratie ».
Selon la présidente par intérim de la NEC, Elizabeth Nelson, la décision de M. Tubman ne change rien sur le plan pratique à l’organisation du second tour qui, a-t-elle rappelé, est une obligation « constitutionnelle ».
Les bulletins de vote portant les noms de Mme Sirleaf et de M. Tubman seront mardi dans tous les bureaux de vote comme prévu.
La présidente sortante, première femme démocratiquement élue chef d’un Etat africain en 2005, a tenu à rappeler que le premier tour avait été surveillé par quelque 4.800 observateurs qui ont tous conclu à son caractère « libre, transparent et équitable ».
Ils avaient également salué la forte mobilisation à ce premier tour de la présidentielle – couplé à des législatives et des sénatoriales – des électeurs qui étaient allés remplir leur devoir électoral sans incident. Le taux de participation a dépassé 71%.
Mme Sirleaf devait se rendre samedi à Buchanan, grande ville portuaire dans le sud du pays, pour mobiliser les électeurs qu’elle a également prévu de rencontrer dimanche à Monrovia.
De son côté, Winston Tubman devait organiser samedi au siège de son parti, le Congrès pour le changement démocratique (CDC) à Monrovia, un grand rassemblement de ses sympathisants pour leur expliquer sa décision.
Samedi matin, l’activité était normale à Monrovia, et les embouteillages nombreux sur la principale – et seule – artère goudronnée de la ville.
Mais dans la nuit de vendredi à samedi, plusieurs barrages de police inhabituels avaient été mis en place sur la route qui relie l’aéroport au centre-ville, ainsi qu’à l’entrée de la capitale, a constaté un journaliste de l’AFP.