Des centaines de logements et commerces ont été détruits à Libreville, dans le cadre de l’opération « Libérez les trottoirs », visant à raser les constructions « illicites » afin de construire des logements sociaux. Mais obligés de dormir dehors, certains habitants protestent, notamment contre l’absence de préavis avant la destruction de leurs habitations.
Ils sont plusieurs centaines à subir les âpres conséquences de l’opération gabonaise « Libérez les trottoirs ». Ces habitants de Libreville ont vu, ces dernières semaines, leurs maisons ou commerces être détruits au tractopelle par l’armée. L’opération avait pour objectif de nettoyer la ville de ses logements anarchiques pour permettre, à terme, la construction de milliers de logements sociaux. Une mesure qui entre dans le cadre des « grands chantiers » annoncés par le président Ali Bongo, qui comprennent ceux liés à l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN 2012, qui se déroulera au Gabon en janvier et février prochains), ainsi que des projets liés aux infrastructures et au logement.
« Tous ceux qui érigent leurs logements (sur le domaine public et les terrains viabilisés par l’État) en toute illégalité vont être purement et simplement déguerpis (…) sans dédommagement », avait annoncé, fin septembre, le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, Blaise Louembé. En présentant le projet « Libérez les trottoirs », le ministre souhaitait « détruire les constructions illicites non habitées et donner un préavis aux maisons déjà habitées », afin de « commencer véritablement le programme de construction » des logements sociaux promis par l’État.
« C’était des forêts »
Mais certains habitants de Libreville ne perçoivent pas les choses de la même manière. Ils arguent que ces maisons et commerces leur appartiennent en toute légalité, puisqu’à l’époque de leur construction, les terrains n’étaient pas viabilisés par l’État. « C’était des forêts, des terrains où l’on plantait », explique Guy Roger Mounguengui, au milieu de restes de sa maison.
Les habitants dénoncent aussi l’absence de préavis avant la destruction de leurs logements. « Ils sont venus la première fois pour me dire « tu as deux heures de temps », je leur ai dit « attention moi j’ai une boulangerie où il y a beaucoup de matériel, je ne peux pas déplacer tout en deux heures de temps ». J’ai déplacé ce que j’ai pu », explique ainsi Amadou Matala, un boulanger de la périphérie. « Ils nous ont surpris ils ont même cassé des maisons ou les gens dormaient. Nous n’étions pas informés, nous n’avons pas eu de préavis, nous n’avons pas eu de sommation, on a rien eu », explique pour sa part Bernadette Oranga, qui se définit comme « une autochtone de Libreville ». « Ici c’est notre village ! (…) qu’ils nous laissent dans notre village ! » poursuit-elle.
À ses côtés, quelques habitantes de quartier de Glass, au centre-ville, manifestent jour et nuit depuis deux semaines. Il s’agit de femmes issues de la communauté Mpongwé, la population historique de Libreville. Assise autour du feu, elles manifestent leur désapprobation en chantant des chants traditionnels. Sur le million d’habitants que compte le Gabon, la moitié réside à Libreville. Et selon une étude du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) datant de 2008, 60% de la population vit avec moins de deux dollars par jour.
(Avec AFP)