Depuis le début du mois d’octobre les observateurs attentifs de la planète football ont pu constater un phénomène rare. Six joueurs gabonais, dont Daniel Cousin, l’ancien attaquant du Mans et de Lens, ont quitté l’Europe pour tenter de rebondir dans leur pays d’origine. En difficulté, ils ont fait ce choix après plusieurs années dans différents championnats européens.
A 34 ans et après des expériences mitigées aux Glasgow Rangers puis à Hull City, en Angleterre, ainsi qu’au sein du club grec de Larissa, Daniel Cousin s’est donc engagé pour une durée de trois mois pour un club de la capitale gabonaise, Libreville, le Sapins FC. Il s’agit d’une entité qui tient son nom des petites pinèdes plantées autour d’un lycée où le club a été créé. Il rejoint ainsi Willy Aubameyang, formé à l’US Ivry puis parti très jeune pour le prestigieux Milan AC, où son talent n’a jamais eu l’occasion d’éclore, ainsi que son cousin Catilina Aubameyang, lui aussi passé très jeune par le club lombard. Outre ces trois-là, l’arrière-gauche Georges Ambourouet, ancien joueur de Sedan (de 2003 à 2006) et l’ancien attaquant du FC Nantes et de Reims, Shiva Star Nzigou, ont rejoint le Missile FC à Libreville, tandis que Stéphane Nguéma, formé à Rennes puis joueur de Lorient, Istres et plus récemment de l’équipe réserve du PSG, s’est engagé à l’US Bitam.
DE LA PREMIER LEAGUE AU FC SAPINS
La raison principale évoquée pour justifier ce choix : la prochaine Coupe d’Afrique des nations coorganisée par le Gabon et la Guinée équatoriale, qui aura lieu du 21 janvier au 12 février prochains. Le sélectionneur gabonais Gernot Rohr, ancien entraîneur de l’OGC Nice, avait posé durant l’été une condition sine qua non à toute éventuelle convocation dans la liste des vingt-trois joueurs appelés pour disputer la compétition : tous les internationaux potentiels doivent jouer dans un club et disposer d’un temps de jeu important pour espérer une convocation pour le tournoi continental. Visiblement, la demande s’est bien fait entendre. « La plupart de ces joueurs revenus au Gabon s’étaient retrouvés sans club à la fin de l’été et pour certains pendant plusieurs mois. Comme le marché est difficile pour eux je leur ai conseillé de venir car j’avais annoncé que je ne sélectionnerais pour la CAN que des garçons qui jouent « , explique Gernot Rohr.
Pour l’ancien joueur du Bayern Munich, le temps de jeu, même dans un championnat de niveau modeste comme celui du Gabon, vaut mieux qu’une expérience d’éternel remplaçant en Europe. « Dans la sélection, il y a onze joueurs sur vingt-deux qui jouent au Gabon. Le niveau n’est pas plus haut que celui de la CFA en France, mais certains ont compris que les locaux pouvaient avaient leur chance. Mais ça ne leur assure pas pour autant une sélection ! » Un retour aux sources que Rohr a cependant promptement récompensé en appelant Cousin, Ambourouet et Nguéma pour participer à un match amical face au Brésil.
SE PRÉPARER POUR LA CAN DANS DES CONDITIONS RÉELLES
Le niveau du championnat gabonnais n’a certes rien d’exceptionnel, mais y évoluer présente plusieurs atouts précieux aux yeux du sélectionneur national : « Au Gabon, ils ont l’avantage de pouvoir se préparer dans des conditions qui seront celles de la CAN, qu’il s’agisse du climat ou de l’environnement. Ici, il fait très chaud, les températures grimpent parfois jusqu’à près de 50 °C, les terrains ne sont pas toujours excellents et les voyages sont difficiles. Il faut par exemple neuf heures de car pour aller de Libreville à Bitam », poursuit le sélectionneur des « panthères ». « Ils me prouvent à travers ce choix qu’ils ont une très grande motivation pour figurer dans les vingt-trois, c’est un vrai sacrifice, d’autant que cela peut souvent être interprété comme une régression dans la carrière d’un joueur. Il leur faut beaucoup de volonté, de souffrance aussi. Quand vous voyez des joueurs qui font neuf heures de bus en plein cagnard pour aller jouer, cela montre qu’ils ont envie et surtout qu’ils privilégient l’aspect sportif. »
Cependant pour Daniel Cousin, seul joueur parmi les récents rapatriés à s’être bâti une carrière durable et reconnue en Europe, cette pige de trois mois au FC Sapins résulte d’une double motivation : celle de se préparer au mieux pour une compétition qu’il a l’assurance de disputer, mais aussi profiter de l’expérience pour ensuite rebondir ailleurs, faute d’avoir su trouver un projet plus alléchant l’été dernier. « J’avais des propositions cet été, certaines en France, mais j’ai trop attendu et elles me sont passées sous le nez. Donc j’ai signé trois mois au FC Sapins. Le sélectionneur m’avait dit qu’il avait besoin de moi pour la CAN alors il fallait que je sois bien physiquement. Je suis obligé d’y être, je suis le joueur le plus expérimenté de la sélection. Et puis ces trois mois peuvent me relancer pour éventuellement revenir en Europe cet hiver. »
Relancer une carrière en perte de vitesse ou qui n’a au contraire jamais vraiment décollé, glaner du temps de jeu ou se maintenir en condition physique, les motifs expliquant cette soudaine vague de départs pour le championnat gabonais sont divers. Mais pour chacun, la prochaine Coupe d’Afrique des nations, organisée au Gabon pour la première fois, est le principal déclencheur. Qu’importe la chaleur dans le bus.
Corentin Rocher
