Echange d’enveloppes, dépenses outrancières et fraude électorale : dans leur livre-enquête « Le scandale des biens mal acquis », Xavier Harel et Thomas Hofnung balancent. Un ancien proche d’Omar Bongo y affirme notamment que l’ancien président gabonais aurait contribué au financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.
La bombe est lâchée par Mike Jocktane, ex-directeur adjoint du cabinet d’Omar Bongo, président du Gabon de 1967 à 2009. « Omar Bongo a contribué au financement de la campagne présidentielle de 2007 du candidat Nicolas Sarkozy », a-t-il confié à Xavier Harel, ancien journaliste à La Tribune, et Thomas Hofnung, journaliste à Libération.
Dans « Le scandale des biens mal acquis » (Editions La Découverte), à paraître jeudi 24 novembre, cet homme du sérail, passé dans l’opposition lors de l’élection de 2009, en soutenant André Mba Obame face à Ali Bongo, vient confirmer ce que l’on soupçonnait déjà : l’échange de mallettes est une pratique bien huilée entre l’Afrique francophone et la classe politique française. Roland Dumas, ancien ministre des Affaires étrangères, y voyait « un usage » et Robert Bourgi, « porteur de valises » dans les années 1990, a nommément mis en cause Jacques Chirac et Dominique de Villepin en assurant avoir été leur intermédiaire dans des échanges de fonds d’un montant de quelque 20 millions de dollars.
Aujourd’hui, Mike Jocktane, enfonce le clou : « contrairement à ce que prétend Robert Bourgi, les mallettes ont continué de circuler avant et après l’élection de Nicolas Sarkozy ». Le pasteur accuse également le clan Sarkozy d’avoir reconnu un peu trop vite la victoire d’Ali Bongo aux élections présidentielles de 2009 alors que de nombreux indices semblaient indiquer que l’opposant Obame était en tête, comme l’avait d’ailleurs indiqué l’ancien conseiller Afrique de Jacques Chirac à l’Elysée, Michel de Bonnecorse. C’est dire si les relations entre la France et ses anciennes colonies sentent toujours le souffre.
Au fil de leur livre, qui fourmille de petites et grandes révélations, ou d’anecdotes croustillantes, Xavier Harel et Thomas Hofnung démontrent que la « Françafrique » est toujours bien présente, comme un rappel de cette mauvaise gouvernance qui ronge la plupart des pays francophones.
Que dire en effet, dans un tableau saisissant de l’affaire des « biens mal acquis », actuellement en cours d’instruction en France à l’initiative d’ONG, des 650.000 euros dépensés en moins d’un an à Paris par président congolais Denis Sassou Nguesso chez le couturier Pape Ndiaye ? Ou du million d’euros de dépenses entre avril 2010 et avril 2011, dans les boutiques Hermès et Van Cleef & Arpels, par Sylvia Bongo, l’épouse d’Omar Bongo, sans parler des quelque 120 millions d’euros mobilisés par le Gabon pour l’achat d’un hôtel particulier somptueux, rue de l’Université, alors même que le pays venait de bénéficier d’une réduction de dette de 180 millions, payée par le contribuable français ?
Tout l’intérêt du livre et de l’enquête judiciaire sur « les biens mal acquis » est là : dénoncer des détournements de fonds qui ruinent non seulement l’économie et la démocratie émergente des pays « donateurs » mais qui minent aussi notre propre démocratie.
Agathe Machecourt