Alors que l’ancien président de la République Jacques Chirac a été condamné jeudi à deux ans de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire des emplois présumés fictifs de la ville de Paris, à droite, comme à gauche les réactions fusent.
Pour François Hollande : «la justice est passée». «La justice est passée et elle devait passer pour que ne s’installe pas un sentiment d’impunité», a-t-il déclaré à Bondy (Seine-Saint-Denis) en marge d’une visite sur le thème de la formation des enseignants. Le candidat PS à la présidentielle a souligné le «retard par rapport aux faits» dans le dossier des emplois fictifs de Paris, ce qui «renvoie à la question du statut pénal du chef de l’Etat» avant de tempérer : «J’ai une pensée pour l’homme qui connaît en plus des ennuis de santé».
Pour André Vallini c’est une «bonne nouvelle». «Je réagis comme tout citoyen, soucieux de l’égalité devant la loi. C’est à dire que la justice doit passer, quelles que soient les mises en cause. La justice a fonctionné», a déclaré le socialiste sur BFM TV, jeudi matin, peu de temps après le rendu du jugement de Jacques Chirac.
Le président PS du Conseil Général de l’Isère a toutefois regretté que le procès ait eu lieu si tardivement. «Jacques Chirac est aujourd’hui âgé, malade et il n’est plus président de la République, cela vient un peu tard, mais il fallait que la justice passe». André Vallini a également pointé du doigt «le problème du statut pénal du chef de l’Etat», le qualifiant d’«inacceptable». «Aujourd’hui un chef d’Etat est totalement irresponsable sur le plan pénal et Nicolas Sarkozy a encore aggravé, en 2008, cette impunité présidentielle», a-t-il conclu.
Benoit Hamon juge la condamnation «importante». Le porte parole du PS a qualifié la condamnation de Jacques Chirac sur BFM TV jeudi de «bonne nouvelle pour la démocratie», témoignant de la «parfaite» indépendance de la justice dans un dossier «pas simple et très sensible sur le plan politique».
Benoit Hamon a jugé la condamnation de l’ancien président de la République «importante» : «deux ans avec sursis ce n’est pas rien», avant de conclure : «Ce qui me satisfait ce n’est pas que Jacques Chirac soit condamné, c’est que la justice passe et qu’elle dise une chose simple : tout le monde est justiciable».
Pour Eva Joly, «justice est faite». La candidate EELV à la présidentielle, s’est dite satisfaite de la condamnation mais critique sur le déroulement du procès. «Ce jugement rendu après un véritable marathon judiciaire est la preuve de la nécessité et de l’utilité d’une justice indépendante et qui juge à égalité l’ensemble des citoyens», a-t-elle écrit dans un communiqué.
«On ne peut que regretter le retard pris pour instruire ce jugement. Si Jacques Chirac avait été jugé dans les mêmes conditions que l’ensemble des Français après la découverte des faits, les citoyens auraient aujourd’hui une plus grande confiance dans la démocratie. Au lieu de cela, ce procès a été maintes fois évité (…)», déplore l’ancienne juge d’instruction avant de conclure : «Aujourd’hui, la justice est faite» et «c’est moins la sanction que la condamnation qui est aujourd’hui centrale. Nul citoyen ne doit être au-dessus des lois si nous voulons redonner confiance dans la justice et la démocratie.»
Il y a quelques semaines, Eva Joly avait présenté avec les députés EELV une proposition de loi visant à réformer le statut pénal du chef de l’Etat pour en finir avec l’immunité présidentielle et renforcer la transparence dans la démocratie. L’Assemblée l’a rejetée le 6 décembre dernier.
Pour Mamère la condamnation doit «servir de leçon». Le député-maire EELV de Bègles (Gironde), Noël Mamère, a estimé jeudi que la condamnation de Jacques Chirac doit servir de «leçon» pour «réformer le statut civil et pénal du chef de l’Etat». «Le temps n’est plus à la compassion et aux larmes de crocodile versées sur ce +pauvre+ M. Chirac alors qu’il est à l’origine de l’impunité qui est accordée au chef de l’Etat par un arrangement de circonstances passé avec l’ancien président du Conseil constitutionnel, Roland Dumas», a-t-il déclaré.
Jean-Louis Borloo : «notre démocratie fonctionne». «Ça prouve que notre République, notre démocratie fonctionnent, que la justice s’applique à tous», a déclaré le président du Parti radical sur France 24 avant de poursuivre : «A titre absolument personnel, ayant travaillé sous l’autorité de Jacques Chirac, notamment sur la rénovation urbaine des banlieues, permettez-moi d’être touché pour lui et sa famille», a-t-il confié.
Bertrand Delanoë : les intérêts de la Ville «préservés». La décision du tribunal «vient reconnaître le fondement de la démarche engagée par la municipalité depuis 2001 pour obtenir la reconnaissance et la réparation des fautes commises contre les intérêts de la collectivité et des Parisiens», écrit dans un communiqué le maire de Paris, affirmant que «c’est dans cet esprit que la Ville avait accepté en septembre 2010, conformément à la loi, la réparation du préjudice subi».
Les intérêts de la Ville «ont été préservés au-delà même de ce qu’elle aurait obtenu en restant partie civile jusqu’au bout», souligne le maire. «Dans cette procédure judiciaire particulière impliquant un ancien maire de Paris, ancien président de la République, la Ville a veillé à défendre au mieux ses intérêts en permettant à la justice de se prononcer sur le fond, ce qu’elle a fait aujourd’hui de manière souveraine et indépendante», a-t-il terminé.
Si la gauche est plutôt satisfaite de la condamnation de l’ancien président de la République, à droite, sans surprise, elle est vivement critiquée.
Pour Fillon le jugement «arrive vraiment trop tard». «Je n’ai pas l’habitude de commenter des décisions de justice, je pense simplement que celle-ci arrive vraiment trop tard, plus de 20 ans après les faits», a déclaré le Premier ministre français lors d’une visite officielle au Brésil. «C’est une décision qui à mon sens ne viendra pas altérer la relation personnelle qui existe entre les Français et Jacques Chirac», a-t-il souligné.
Jacques Le Guen est «abasourdi». «Je suis abasourdi par une décision prise par le tribunal qui est respectable, a déclaré sur BFM-TV, le député UMP du Finistère. Je pensais qu’on allait vers la relaxe parce que les faits reprochés correspondent à des évènement anciens qui n’ont plus aucun intérêt. On reproche au président Chirac des emplois fictifs qui existaient dans tous les partis politiques. Alors attaquer ensuite en justice un homme qui a servi la France, je trouve cela désolant». «On ne peut pas continuer dans un système où ce sont surtout des faits très anciens, c’était en 1980, aujourd’hui nous sommes en 2011. On a d’autres soucis que cette affaire», a critiqué Jacques Le Guen.
Pour Bernard Debré les «faits sont avérés». «La justice est passé et je n’ai rien a dire. Finalement les faits sont avérés, les emplois fictifs qui étaient en réalité pour beaucoup des emplois du RPR, étaient anormaux et illégaux. A cette époque c’était monnaie courante, quand on regarde ce qui se passait à l’Elysée», a reconnu le député UMP de Paris.
Bernard Debré a également évoqué la question de l’immunité présidentielle : «On est tous d’accord pour que l’immunité présidentielle soit pleine et entière pour les actes commis pendant la présidence de la République (…). Faut-il pour autant que cette immunité s’étende à des dates antérieures ? Cela est un vrai problème», a conclu le député UMP.
Jean-Marie Le Pen : Chirac s’est fait «pincer les doigts». « On pouvait désespérer de la possibilité de faire condamner des coupables de haut niveau dans notre pays. Cette exception confirme la règle. M. Chirac s’est fait pincer les doigts dans la porte avec une condamnation très grave, condamnation à la prison quand on voit que le sursis n’a été attribué que pour des raisons d’âge et de sénilité.», a réagi le président d’honneur du Front National sur BFM-TV jeudi matin.
«Ce n’est pas la seule affaire. La France est malheureusement corrompue dans beaucoup de ces secteurs mais nous avons été présidés par un délinquant pendant 12 ans, et mon adversaire de 2002 est quelqu’un qui aurait dû être condamné à la prison. (…)», a dénoncé Jean-Marie Le Pen.
Pécresse a «une pensée très affectueuse» pour Chirac. La porte-parole du gouvernement, Valérie Pécresse, a déclaré jeudi qu’elle avait une «pensée très affectueuse» pour Jacques Chirac, dont «l’Histoire retiendra qu’il a été un grand président avec des qualités humaines exceptionnelles »», a réagi la ministre du Budget, ex-chiraquienne, dans les couloirs de l’Assemblée, en marge du débat budgétaire.
Christian Jacob : «On aurait pu s’éviter ce procès». «Je suis affecté et triste de cette condamnation (…). Il souhaitait être jugé et être jugé comme un citoyen normal et assumer l’entièreté de ses responsabilités. Moi je pense qu’on aurait pu s’éviter ce procès mais ça n’était pas le souhait de Jacques Chirac», a déclaré le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale.
«Jacques Chirac a fait le choix de se comporter comme il s’est toujours comporté, c’est-à-dire en chef, en disant +j’assume l’entière responsabilité des faits+ et en protégeant ainsi en quelque sorte ses collaborateurs, ce qui est tout à son honneur», a ajouté le député de Seine-et-Marne, proche de l’ancien chef d’Etat. Interrogé sur l’état de santé de l’ancien chef de l’Etat, Christian Jacob a indiqué qu’il «allait bien, avec un rythme qui n’a plus rien à voir avec celui qu’il a connu». «Il consacre son temps à ses passions et à ses amis».
«Un jugement d’une grande sévérité», pour Raffarin. L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac a qualifié mercredi sur France 3 la condamnation de l’ancien président de «triste nouvelle», estimant que ce jugement était «d’une grande sévérité et surprenant». «Je suis franchement surpris parce qu’il y a quelque chose d’un peu anachronique: on juge aujourd’hui des situations d’une autre époque, entre-temps de nombreuses lois ont changé la donne», a-t-il souligné.
Pour Jean-Pierre Raffarin, Jacques Chirac «est quelqu’un qui est en paix avec lui-même, il a conscience qu’il a donné le meilleur de lui-même pour le pays », « mais ce genre de décision laisse forcément des cicatrices». «Aujourd’hui mon raisonnement n’est pas juridique mais personnel et c’est de la tristesse au coeur», a-t-il conclu.
«Dura lex, sed lex» pour François Bayrou. Le candidat MoDem à l’Elysée, François Bayrou, a estimé jeudi à propos de la condamnation de l’ancien chef de l’Etat Jacques Chirac que la «justice ne pouvait trancher autrement», en ajoutant: «Dura lex, sed lex», la loi est sévère mais c’est la loi.
«Certes, le jugement de Jacques Chirac intervient bien tard après les faits en raison du statut contestable qui couvre en France le président de la République et aussi de nombreuses manoeuvres de retardement», a déclaré François Bayrou, ministre de l’Education de Jacques Chirac de 1995 à 1997. Le président du MoDem a souligné que la condamnation dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris intervenait alors que l’ex-président, 79 ans, était «malheureusement frappé par la maladie, mais dans un Etat de droit, la justice doit être indépendante et la même pour tous»
Le Parisien avec l’AFP.