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Le Gabon en «État» d’urgence pour cause d’élections législatives, le 17 décembre 2011

En vue de la tenue du scrutin des législatives du samedi 17 décembre 2011, le chef de l’État gabonais et son gouvernement ont décrété la fermeture des frontières aériennes, navales et routières. Dans les pays où l’on respecte scrupuleusement les libertés et les droits des citoyens, ce type de décret est une mesure de déclaration d’État d’urgence.

Il faut rappeler que l’État d’urgence est une mesure d’exception prise par un gouvernement en prévention d’un cas de péril imminent dans un pays ou dans une partie du pays. Il entraîne la restriction des libertés fondamentales, comme celle de circuler librement ou la liberté de la presse. Pour ce qui est de la liberté de presse nous savons depuis longtemps qu’elle est problématique au Gabon. En revanche, interdire les citoyens de circuler est en soi une décision extrêmement sérieuse. Elle ne se prend pas à la légère. Elle marque en effet la prévention d’un péril important. Il faut donc se demander, au regard de ce décret de fermeture de toutes les frontières nationales, l’État et la Nation gabonaise seront-ils en péril le 17 décembre 2011? Quelle est la nature de ce péril ?

Le seul péril qui pourrait naitre le 17 décembre 2011 est celui de la confirmation de l’illégitimité du pouvoir usurpateur. Contrairement aux élections antérieures où l’affluence des électeurs aux urnes donnait l’onction de se décréter une légitimité en détournant l’expression de la volonté du peuple, cette fois-ci, si les gabonais restent cloîtrés chez eux, il sera laborieux pour le parti au pouvoir de s’octroyer malhonnêtement le soutien de la majorité des gabonais. En effet, comment voler ce qui n’existe pas!

Le chef de l’État et son gouvernement sont en droit, pour la sécurité et la protection des Gabonais, de décréter l’État d’urgence. L’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU de 1966 reconnait au niveau du droit international l’état d’urgence. Il dispose notamment en son article 4.1 que :

«Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les États parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l’exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu’elles n’entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale (…)».

Si l’on suit à la lettre cet article 4.1, le gouvernement présent, pour le 17 décembre, un danger public exceptionnel menaçant l’existence de la Nation. Dans la présentation de sa décision de fermer les frontières nationales, le gouvernement gabonais n’a pas trouvé de son devoir d’expliquer ou de justifier auprès de ces commettants sa décision.

Pour éviter que les gouvernements prennent de façon illégitime et illégale des décisions d’État d’urgence et restreindre les libertés des citoyens, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU de 1966 en son article 4.3 exige que «Les États parties au présent Pacte qui usent du droit de dérogation doivent, par l’entremise du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, signaler aussitôt aux autres États parties les dispositions auxquelles ils ont dérogé ainsi que les motifs qui ont provoqué cette dérogation. Une nouvelle communication sera faite par la même entremise, à la date à laquelle ils ont mis fin à ces dérogations».

Nous avons téléphoné le secrétariat général des Nation Unies pour nous enquérir des motifs de la décision du chef de l’État gabonais et de son gouvernement de restreindre les libertés fondamentales des citoyens gabonais le 17 décembre 2011. Le secrétariat des Nations Unies nous dit qu’elle n’a reçu aucune correspondance du gouvernement gabonais relativement à la décision de fermeture de ses frontières. Comme à son habitude, le gouvernement gabonais aurait-il agi de façon contraire au respect de ses obligations constitutionnelles et des traités internationaux ? À l’évidence, il semble que oui.

Dans un article publié il y a quelque quatre semaines, nous soutenions que «le Gabon est un pays de coup d’État permanent». Le décret de fermeture de toutes les frontières gabonaises en violation des obligations constitutionnelles et des traités internationaux est une autre illustration de ce coup d’État permanent.

Pour un pays où règne la primauté du droit, lorsque le gouvernement veut prévenir la sécurité des citoyens et la protection des biens publics et privés, il fait appel aux forces de police ou à la gendarmerie nationale. Lorsque l’on fait appel à l’armée, on est en présence d’une situation de péril. Au Gabon, l’appel à l’armée pour encadrer des meetings des politiciens dans leur éducation des citoyens par rapport à leurs droits et libertés est une chose courante. Le déploiement de l’armée n’a pas pour but la préservation de la sécurité des citoyens et la protection des biens. Il a pour objet d’intimider, de menacer en vue de décourager l’expression et les libertés des citoyens. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la décision de décréter la fermeture des frontières nationales le 17 décembre 2011.

Par ce décret, comme les citoyens palestiniens de Gaza, les gabonais seront circonscrits comme dans un enclot. En Palestine, il s’agit pour les militaires israéliens de forcer les palestiniens d’accepter leurs conditions de dominations politiques et de ne rien contester. Au Gabon, le pouvoir fait la même chose. Ce qui est triste, ce qu’il y a des Gabonais sur le net qui trouvent façon d’accepter ce genre de chose et d’en venir à justifier le bienfondé d’un pouvoir qui agit de la sorte. Enfin, lors de l’holocauste il se trouvait bien dans les rangs des tortionnaires des juifs, il faut croire qu’il faut des nôtres pour nous dire qu’il est bien de souffrir.

Joël Mbiamany-N’tchoreret
Blog Joël Mbiamany-N’tchoreret

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